AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de nadejda


Jean-Pierre Milovanoff est né d'un père russe qui a fui son pays à 17 ans, seul, juste avant de passer son bac, et d'une mère française. Il a écrit «Terreur grande» après avoir retrouver une enveloppe parmi les papiers de son père décédé. Les différentes pièces qu'elle contient font allusion à une famille russe les Vassiliev voisine des Milovanof dans les années 20, restée en URSS et n'ayant plus donné de nouvelles depuis le milieu des années 30. S'y ajoute une brochure en anglais «How I escape the red terror» signée d'un certain MIKE.

Dans le prologue il nous dit : «Ce livre est une aventure, un chagrin, un chant qui passe. Il recueille des paroles qui n'ont pas été retenues. Il tient compte de l'Histoire mais demeure épris du réel englouti sous le silence.» p 18

Ce livre va nous entraîner au coeur de la vague de terreur décidée par Staline et minutieusement organisée qui coûtera la vie à près d'un million de personnes entre août 1937 et décembre 1938. Les interrogatoires et les exécutions se succèdent à un rythme fou, la machine s'emballe et personne ne sait ce qui lui vaut d'être arrêté et exécuté. le livre est court, concis et cela ne fait que renforcer cette impression d'emballement, de folie où le mensonge et la peur sont rois
Sa lecture est bouleversante car tous ces êtres, que l'auteur nous rend proches, sont d'autant plus démunis, devant la souffrance physique et morale qu'ils subissent, qu'ils sont persuadés qu'on ne peut que finir par reconnaître leur innocence. Petit à petit la vie de chacun est viciée par un climat de suspicion généralisé.
Il y a Igor et Piotr les fossoyeurs qui n'arrivent plus à fournir et ne doivent rien dire de ce qu'ils font et voient. Tout est étouffé, dissimulé. 

Et « Sur toute l'immensité russe, des centaines de milliers d'hommes, de femmes, de tous âges et de toutes conditions, disparaissaient silencieusement. du jour au lendemain, des familles cessaient d'exister et il n'y avait pas de cadavres. Pas d'enterrements. Pas d'articles dans le journal. Rien ne devait transpirer de ces meurtres silencieux. S'inquiéter en public de la disparition d'un voisin était assimilé à une atteinte contre l'Etat. La rumeur elle-même était un crime » p 88

Il y a Zinaïda qui écrivait avant la révolution des contes pour enfants et faisait des traductions et qui se remémore, pour se calmer, des vers de Verlaine et Baudelaire :
«... son destin n'était qu'une colonne de poussière en suspension dans ce rayon de soleil qui troue le coeur nocturne des forêts. Rien de plus. Rien de moins. Mais la lumière qui enveloppe et dirige cette poussière, qui la produit ? La poésie. de cela la vieille femme solitaire ne doute pas. C'est la poésie qui rend visible. Poésie des mots, des choses, des rencontres. Magie qui rassemble ou disperse les apparences.» p 118


Et bien d'autres dont les voix sont aussi poignantes. 


Il y aussi le Capitaine du NKVD Anton Semionovitch Vassiliev qui se croit protégé, fils d'Anna et Simon les voisins de la famille Milovanoff et MIKE le signataire de la brochure retrouvée par Milovanoff. 
Mais je me tais car ce serait révéler l'intrigue de ce récit que l'on ne lâche pas avant de l'avoir fini. 

Je trouve que Jean-Pierre Milovanoff mériterait d'être beaucoup plus lu. J'avais aimé de lui la magie du «Maître des paons», de «L'offrande sauvage» et ce dernier m'a semblé encore meilleur.
Commenter  J’apprécie          210



Ont apprécié cette critique (17)voir plus




{* *}