Elle était très belle. Les femmes gentilles avaient souvent voulu le sauver, et ce n’était pas une junkie à moitié dingue. Elle n’avait même pas l’air d’avoir de marmots, parce qu’elle avait le regard franc. Les mères, elles, regardaient toujours par-dessus votre épaule. Elles étaient toujours aux aguets.
Voulait-elle qu’ils fassent l’amour ? Iain trouvait ça légèrement angoissant. Ce qui ne rendait pas pour autant la chose absolument rebutante. Ça ajoutait du piment. Ce n’était pas une inconnue, plutôt comme une prof de quand il était jeune, peut-être qu’il l’avait imaginée nue, à l’époque, et qu’il devait ça au jeune qu’il avait été.
Quand on prend le temps de s’arrêter pour regarder, disait Susan, c’est hypnotisant, n’est-ce pas ? Comme des flammes.
Il ne voulait pas lui faire peur. Elle était gentille. Elle avait essayé de le convaincre de rejoindre les scouts, dans le temps, mais il y avait trop de choses dans sa vie.
Chaque fois qu’un nouveau débarquait, même s’il avait l’air gentil ou lui donnait des bonbons, Iain savait que ce serait un salaud. Une fois, un type avait essayé de le toucher, Iain n’avait pas les mots pour l’expliquer, mais Sheila avait réglé la question. Elle en avait parlé aux brutes du coin, qui s’étaient chargées de lui casser les bras et les chevilles.
Jouer les gangsters l’excitait, mais il n’en était pas un. Il n’avait jamais fait de prison. Iain savait quel genre de taulard il aurait été : recroquevillé dans sa cellule au moment des sorties, lavant à la main les caleçons d’un voyou pour obtenir sa protection. Iain était resté longtemps à l’ombre. Il avait toujours été l’homme de main d’une plus grosse légume et avait purgé sa peine avec dignité. Ça faisait huit mois qu’il était dehors, mais il avait encore la tête d’un passeur. Passeur : un prisonnier de confiance chargé de distribuer au compte-gouttes stylos et produits ménagers. Le passeur était à mi-chemin entre matons et détenus.
Non, je n’ai pas besoin d’argent, mais j’ai besoin de m’occuper. Je ne supporte pas l’idée de travailler dans la boutique d’une œuvre de charité. Les gens là-bas ont tous mon âge. J’aime bien le mélange.
Des gens visiblement incapables de juste acheter leur miche sans lui raconter dans les moindres détails tout leur chemin de Damas. Ce n’était pas parce qu’il avait flairé un marché porteur qu’il voulait tenir la comptabilité de leur transit intestinal.
Nombreux étaient ceux qui revenaient dans le coin après un décès. Si tout le monde vivait son chagrin différemment, la culpabilité était omniprésente. Toujours on se sentait triste et coupable. Inutilement.
Elle était Madrilène, issue d’une riche famille qui avait dilapidé sa fortune. Pour plusieurs raisons, dont certaines qu’elle ne maîtrisait pas, Fuentecilla avait fini sans le sou et essayait visiblement de mettre sur pied une arnaque mystérieuse impliquant sept millions de livres sortis de la poche de quelqu’un d’autre. Elle était censée faire profil bas mais cassait sans arrêt des bocaux dans des magasins sur un coup de sang, engueulait son petit copain dans les supermarchés, ou invectivait en espagnol d’autres parents qui, selon elle, s’étaient mal garés devant le collège. Sa relation avec l’homme qui vivait chez elle était orageuse, pas encore violente visiblement, mais elle finirait par le devenir.