Un son strident le blessa tel un stylet planté dans son oreille.
Il se réveilla. Et comprit. Chaque fois que le téléphone sonnait à l’aube, il savait que l’océan de la nuit venait de rejeter un nouveau cadavre sur le rivage du jour.
L’homme d’Église consulta sa montre. Les heures des visites étaient passées depuis longtemps, mais il avait droit à quelques écarts ici, spécialement dans des situations comme celle-ci. De temps en temps, la pénombre de la chambre était illuminée par le flash d’un éclair de chaleur. Il régnait en ce mois de juin une température suffocante, qui déposait un vernis de sueur sur le front sombre du prêtre.
— Mon fils, je…
— Je vous en prie, mon père, je vous en prie, le supplia Laugier. Si vous voulez sauver une âme… S’il est encore temps de le faire…
Servaz regarda la goutte rouler lentement vers le bas, de l'autre côté de la vitre, se diviser en deux gouttes plus petites, qui elles-mêmes coulèrent vers le bas, tandis que de nouvelles gouttes frappaient la vitre et rejoignaient les premières, en un dessin reproduisant le même schéma, la même structure.
Martin n'était pas un scientifique - son truc à lui, c'était plutôt la littérature et la musique de Mahler -, mais il était fasciné par les ruses de la nature, où les mêmes motifs se répètent à l'infini à différentes échelles.
Le crime aussi avait tendance à se répéter année après année. Et la barrière que ses collègues et lui représentaient, et qui était censée protéger la société de ses effets, n'était pas aussi étanche que cette vitre.
C'est alors que Morbus Delacroix tourna la tête vers elle et la fixa d'un oil inquisiteur, un œil qui avait la température d'un ru de montagne en hiver coulant entre deux matelas de neigh.
_QUI ES -TU , JUDITH? demanda-t-il
Les complotistes sont des crédules qui se prennent pour des incrédules et qui croient les autres crédules.
Les enfants sont sans pitié, et Rousseau avait tort : ce n’est pas la société qui les corrompt. Ils sont comme ça, c’est tout. Il faut faire avec. (à propos de Gustav)
L'hôpital, c'était comme la prison. Personne n'avait envie d'y penser parce que personne n'avait envie de s'y retrouver. Erreur. Tout le monde finissait par s'y retrouver.
Nous désirons si ardemment trouver un ordre dans le désordre, une explication, avoir un semblant de contrôle sur le chaos qui nous gouverne nos vies. Au fond, les complotistes sont des crédules qui se prennent pour des incrédules et qui croient les autres crédules.
Ce qui ne veut pas dire que les complots n’existent pas.
L'homme ne dit rien. Il devait penser que c'étaient des bobards. Depuis quand les flics se planquaient en civil dans les buissons pour sauter sur les conducteurs alcoolisés tel le gendarme de Saint-Tropez sur les nudistes ? Et puis ils avaient l'air de sortir d'un combat de MMA contre Conor McGregor et ils n'avaient pas non plus exhibé leurs cartes.
– Le cinéma d’horreur nous parle de nous-mêmes, Judith. Il interroge nos peurs les plus profondes. La peur de la mort…le peur de la douleur…la peur de la maladie…les peur des ténèbres…la peur du monstre qui est en nous…
Sa voix lente dégageait quelque chose de très troublant.
– Ce qui importe, Judith, ce n’est pas la lumière, ce sont les ombres. C’est de rendre visible l’invisible. De faire entrer le hors-champ dans le champ. Très peu de réalisateurs y parviennent…