Si j’ai bien compris, les clients ont deux choix : soit ils demandent de l’aide pour mettre un terme à leur relation amoureuse en douceur, soit ils appellent pour rompre avec pertes et fracas. Dans ce cas, je dois faire intervenir un agent pour mettre en place un scénario qui poussera le compagnon du client dans ses retranchements. Les séparations sans ménagement sont représentées par les dossiers rouges.
J’ai la sensation de voir en elle un enfant, une petite fille égarée, triste à n’en plus finir. Son portable est en miettes sur le sol. Elle est déboussolée, et je suis certaine que la bouteille d’alcool vide sur la table basse y est pour beaucoup.
Peu importe qu’elle dorme tant que je sens sa peau contre la mienne, son souffle sur mes lèvres, sa main sur ma hanche. Plus rien ne m’importe, à part l’affection qu’elle me donne.
Ella a fait de moi son alter ego.
— Tu es magnifique, Agathe, susurre-t-elle contre ma nuque.
Jamais un mot ne m’a provoqué tant de sensations : un milliard de papillons dans le ventre, une multitude de frissons dans mon cou, l’intégralité de mes muscles en demande. Oui, ils la réclament. Mon cœur crie son prénom, mon cerveau la cherche, mon âme s’illumine. J’ai besoin d’elle à en avoir mal.
Parfois, j’aimerais que ma conscience prenne le dessus sur ma raison. Ce serait fun ! Bon, je n’aurais plus beaucoup de gens à qui parler… Mais, de temps à autre, comme aujourd’hui par exemple, ça ferait du bien. En attendant, Ella s’empresse de se sécher pendant que je sors de la piscine, mauvaise d’avoir dû écourter notre moment idyllique. Margareth s’arrête sur mon cas un instant, soupire et tourne les talons.
Ce n’est pas parce qu’il a enfin réussi sa vie qu’il doit se mêler de celle des autres. Tout cela ne le regarde pas.
C’est une belle journée d’été, de celles qui nous mettent du baume au cœur, nous réchauffent et nous donnent l’impression que la vie est merveilleuse.
Néanmoins, bien que l’humeur devrait être au beau fixe, tout me paraît fade et sans saveur. Je fais semblant. Semblant d’exister, semblant de rire, de m’extasier et d’aimer. Je fais semblant pour ne pas éveiller les soupçons, comme si je risquais de faire exploser une bombe d’une minute à l’autre ou que ma vie était en suspens. Il n’y a rien de réel, tout est surjoué, dominé par le secret et la peur de blesser. Blesser mon frère, Jordan, mes parents et ceux d’Ella.
Ella est tout ce que j’ai de meilleur dans ma vie en ce moment. Elle m’a fait oublier mes peines et m’a aidée à remonter la pente.
Cette fille est le diable incarné. En plus, elle est trop belle. Si ça continue, je vais avoir un orgasme rien qu’en la regardant.
J’ai échangé un baiser avec une fille. Pas pour un pari, ni pour un jeu idiot, j’ai posé mes lèvres sur celles d’Ella par envie. C’est dingue. Pour la première fois de ma vie, j’ai ressenti du désir pour le sexe féminin et mon bas ventre s’est réveillé.
Cette fois, c’est sûr, je me suis réconciliée avec mon appareil génital. Le bougre en a profité pour me rappeler qu’il servait à quelque chose.