Je poursuis mon incursion dans le rayon francophone de ma bibliothèque municipale.
Akira Mizubayashi est un écrivain et universitaire japonais qui écrit en français et a reçu de nombreux prix à ce titre.
Ame brisée raconte, dans la Japon de 1938, l'histoire de Rei, jeune garçon cruellement arraché à son père alors que ce dernier répétait avec trois amis un quatuor pour cordes de Schubert. Faisant irruption dans cet après-midi feutré, des militaires tortionnaires détruisent ou quasi le violon, emmènent le quatuor amateur et laisse Rei seul caché dans une armoire. Revenu une dernière fois dans la pièce, l'un des militaires, plus mélomane et cultivé que les autres, découvre le garçon, lui restitue les ruines du violon de son père et ne le dénonce pas. Rei ne reverra jamais son père vraisemblablement mort sous la torture.
Adopté par un couple français d'amis, Rei devient Jacques. Il termine de grandir en France et décide de devenir luthier. C'est sa vie qui nous est contée ainsi que sa rencontre avec Hélène et sa quête de réparation qui se poursuit sur plusieurs décennies.
Il y a dans ce récit de quoi faire pleurer d'effroi, de stupeur et d'émotion n'importe quel lecteur pour peu qu'il ait un coeur. Les similitudes entre l'âme du violon et celle du père défunt, entre sa réparation et la filiation que cela crée entre Rei et cet ancien – nouvel instrument sont solidement ancrées dans la trame. Des voyages, des retrouvailles improbables, un cheminement initiatique que toute une vie aura préparé achèvent de broder leurs fils autour du thème.
J'ai sans cesse oscillé entre l'adhésion à la mélodie proposée et l'agacement de la voir aussi laborieusement mise en place. Certains passages sont maladroits au point d'en devenir grotesques (« le garçon leur apporta les entrées qu'ils avaient commandées. – Bon appétit, Hélène. – Merci. Bon appétit à toi aussi. – Merci… » Argghhh !! Au secours !!). Quand ailleurs, la jolie clausule de ce chapitre : « le temps se défossilisait, recommençait à trembler. »
Ca m'a rappelé La patience des traces qui m'avait laissée aussi sceptique, dans un entre deux inconfortable jamais dedans, jamais complètement en dehors non plus. Ici, et je ne sais si c'est dû au dialogisme entre deux langues et deux cultures si différentes que le japonais et le français, mais j'ai eu le sentiment d'un roman un peu gauche, attendrissant d'intentions mal rendues, emprunté.
Le plus sage est sans doute de succomber à l'émotion suscitée, d'accepter le voyage pour ce qu'il peut offrir et de ne pas s'appesantir sur les encombrements qui l'empêchent. Mais j'aurais aimé être totalement ravie et je regrette de ne l'avoir été qu'à peine.