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EAN : 9782072840487
256 pages
Gallimard (29/08/2019)
4.19/5   2028 notes
Résumé :
Tokyo, 1938. Quatre musiciens amateurs passionnés de musique classique occidentale se réunissent régulièrement au Centre culturel pour répéter. Autour du Japonais Yu, professeur d’anglais, trois étudiants chinois, Yanfen, Cheng et Kang, restés au Japon, malgré la guerre dans laquelle la politique expansionniste de l’Empire est en train de plonger l’Asie.
Un jour, la répétition est brutalement interrompue par
l’irruption de soldats. Le violon de Yu est ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (347) Voir plus Ajouter une critique
4,19

sur 2028 notes
Au début du roman deux histoires se côtoient.
Dans la première, quatre musiciens amateurs, trois étudiants chinois restés au Japon malgré l'animosité croissante entre les deux pays depuis l'incident de Mandchourie en 1931, et un japonais Yu accompagné de son fils Rei, épris de musique classique occidentale, répètent au Centre culturel de Tokyo, en 1938. Soudain, irruption de soldats. Yu enjoint à son fils de se cacher rapidement dans une armoire. Rei, par le trou de la serrure assiste à la scène...
Dans la deuxième, nous entrons dans la vie d'un couple Jacques et Hélène, lui luthier et elle archetier. Ils se sont connus en 1950 à Mirecourt, petite ville des Vosges et capitale de la lutherie française.
Le lien de la musique est évident, mais apprendre ensuite que Jacques est Rei m'a surprise! Rei, cet enfant de 11 ans a assisté de sa cachette à l'arrestation de son père et de ses trois amis. le lieutenant Kurokami ne l'a pas dénoncé lorsqu'il l'a découvert et lui a même remis le violon de son père, détruit par un militaire.
J'ai été littéralement charmée et envoûtée par ce roman écrit tout en délicatesse. Mais la poésie des mots qui accompagne le roman n'empêche pas Akira Mizubayashi de nous faire ressentir ce que l'humanité peut receler de cruauté, notamment en période de guerre. Il fait ici référence à la politique expansionniste de l'Empire japonais et il n'oublie pas de parler du monstrueux champignon d'Hiroshima et du bombardement de Tokyo le 10 mars 1945.
De plus, La culture japonaise est bien mise en valeur comme sa cuisine, et cela participe à notre plaisir. Souvent, mais pas trop, des mots japonais sont insérés et permettent de mieux s'imprégner de l'ambiance.
J'ai découvert aussi, grâce à ce roman, que Mirecourt était la ville de Jean-Baptiste et Nicolas-François Vuillaume, célèbres maîtres luthiers et que le pernambouc, arbre qui ne pousse qu'au Brésil, servait à fabriquer les archets.
Lors des dialogues entre les membres du quatuor, est abordé également le sujet des nuances existant entre les langues. Yu s'exprime ainsi : "Je pense que pour Philippe, la langue, en l'occurrence le français, est un bien commun que ses usagers partagent équitablement. Les relations sociales de supériorité et d'infériorité ne sont pas encastrées dans la langue... comme dans le cas du japonais ". La littérature et la musique sont les pièces maîtresses de ce magnifique roman. Ce sont grâce à ces deux formes d'art que Rei va arriver à dépasser l'énorme blessure que la vie lui a infligée.
Avec ce roman, l'auteur a réussi de façon magistrale à nous faire ressentir au plus profond de nous-mêmes, que nous l'ayons déjà vécu ou pas, ce que pouvait être la perte d'un être cher, le déracinement et l'oubli impossible à faire. J'ai lu ce roman d'une seule traite tant j'ai été happée par cette écriture si poétique. Je me suis laissée emporter par cette émouvante recherche du père, sublimée du début à la fin par la musique.
Âme brisée est un titre à double évocation. C'est en effet l'âme du violon de Yu qui est brisée, (L'âme du violon étant la petite pièce de bois interposée, dans le corps de l'instrument, entre la table et le fond, les maintenant à la bonne distance et assurant la qualité, la propagation comme l'uniformité des vibrations), ce qui va briser l'âme de son fils Rei.
Ce roman, découvert dans le cadre des Explorateurs de la rentrée littéraire 2019 de Lecteurs.com, s'apparente à une véritable mélodie où les émotions foisonnent et m'a profondément bouleversée, parfois jusqu'aux larmes. Un bijou à lire absolument et à relire...
Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Cette fiction est un concentré d'émotions, d'amour de la musique, d'élévation des sentiments, de luminosité, d'amour des animaux. J'ai été bouleversée, touchée, par l'écriture d'Akira Mizubayashi. L'auteur m'a transportée dans le monde de la Beauté et dans cette période, c'est un baume, une vision optimiste de l'humanité malgré le drame qui sert de point de départ à ce récit et qui est un véritable réquisitoire contre la guerre et ses ravages.

D'une poésie à couper le souffle, j'ai ressenti la même plénitude, la même intensité émotionnelle à la lecture de « L'éternité n'est pas de trop » de notre François Cheng national. L'écriture est belle, fluide, classique et respectée comme seules les personnes étrangères, amoureuses de notre langue, savent le faire. L'auteur écrit directement en français. Sa plume nous tire les larmes des yeux tant la beauté et la symbolique de certains passages évoquent, pour certains d'entre nous, des moments connus, des similitudes de souvenirs peuvent alors s'échanger entre l'auteur et le lecteur. D'ailleurs ce livre est dédié « A tous les fantômes » ! « La musique était tellement incarnée qu'elle possédait la puissance de rappeler les âmes du royaume des morts » (page 223).

Le Japon est en guerre de 1937 à 1945 et a envahi la Chine. le récit s'ouvre sur un beau dimanche ensoleillé en 1938, dans le centre culturel municipal de Tokyo. Un quatuor à cordes entame la répétition en la mineur opus 29 de Schubert dit Rosamunde. Soudain des bruits de bottes se font entendre, Yu Mizusawa fait signe à son petit garçon de 11 ans en train de lire, de se cacher dans une armoire. Rei obéit, prend son livre et ferme la porte de l'armoire. L'un des soldats violente son père et lui arrache son violon qu'il va briser sous les yeux de l'enfant qui regarde par le trou de la serrure. le lieutenant Kurokami, grand mélomane, arrivant après l'agression, découvre la cachette de l'enfant qu'il ne trahira pas et une fois la salle vide, désolé, confiera le violon détruit à Rei dans son armoire. L'enfant ne reverra plus son père.

A cet instant, le traumatisme psychologique subi par l'enfant le projette dans un sentiment d'abandon, de solitude. Sa vie s'arrête. Rei se retrouve seul avec le violon de son père totalement saccagé. C'est un Nicolas François Vuillaume de 1857 sur lequel Yu a interprété une dernière fois La Gavotte en rondeau de Bach. le lecteur peut imaginer facilement la charge symbolique qu'incarne l'instrument qui restera la personnification de son père.

Le titre de cette fiction nous renvoie à la petite pièce en épicéa essentielle à la propagation du son d'un instrument à corde. Sous l'impact de la douleur traumatique, l'Ame du violon comme l'Ame de Rei se sont brisées devant l'horreur.

C'est l'histoire d'une reconstruction et d'une résurrection sur plus de cinquante ans. Rei et le violon marcheront de concert si j'ose m'exprimer ainsi. Rei tout en restaurant le violon, restaure sa propre personnalité et ainsi jusqu'à une fin heureuse ou les destins croisés de quelques personnes permettront à Rei de reconstituer le puzzle de sa vie depuis ce drame où son âme a explosé jusqu'à la guérison de celle-ci. « le temps de défossilisait , recommençait à trembler » la vie s'était comme arrêtée sous la violence du traumatisme, et sous la musique, elle reprenait son souffle.


On ressent l'humanisme de l'auteur dans cette fin qui jette un regard positif sur l'humanité. Certes l'être humain peut se montrer cruel, d'une noirceur profonde, mais Akira Mizubayashi se veut attentif à la beauté des êtres dans toutes leurs manifestations et c'est un véritable remède qu'il partage avec son lecteur.


Dans cette fiction, j'y ai vu l'Art contre la barbarie. Comment la musique, langage universel, abolit les frontières du temps et de l'espace, survole les continents, en donnant vie à l'âme d'un disparu par le truchement de la filiation, de la fidélité, de la beauté des gestes. Il y a aussi de très belles pages sur la lutherie et l'archèterie. « Dès lors, son art de luthier, celui de rendre les sons de l'âme, de la vie intérieure, de la plus noire mélancolie comme de la joie la plus profonde à travers les instruments qu'il fabriquait ».

Marcel Proust fait même une petite apparition dans « la madeleine de ce petit garçon » devenu septuagénaire « un bol de riz mélangé à un oeuf cru ».

Akira Mizubayashi doit vivre la musique du plus profond de son être pour écrire des pages sublimes sur « A la mémoire d'un ange » du concerto de Berg dédié à la fille d'Alma Malher. La trame du livre s'appuie sur Schubert et Bach « Gavotte en rondeau » et se décompose en chapitre dont les dénominations s'apparentent à un morceau de musique.

Je ne suis pas musicienne, plutôt mélomane en toute humilité. Après la peinture, je ne voulais pas quitter le monde de la création et l'histoire de ce violon m'a séduite. Ce livre parle à toutes celles et ceux qui sont sensibles à l'Art, qui perçoivent les messages en premier lieu avec leur coeur et ensuite avec leur intellect afin de pouvoir se plonger dans l'intimité de l'auteur, recevoir celle-ci. Je ne remercierai jamais assez les artistes pour le bonheur qu'ils nous procurent en contemplant, en écoutant, en lisant leurs oeuvres chacun de nous avec sa sensibilité, son inclination.

« Face à la musique de Schubert, les larmes coulent sans questionner l'âme auparavant, puisqu'elle se précipite sur nous avec la force même de réalité sans le détour de l'image. Nous pleurons sans savoir pourquoi ; parce que nous ne sommes pas encore tels que cette musique nous promet d'être mais seulement dans le bonheur innomé de sentir qu'il suffit qu'elle soit ce qu'elle est pour nous assurer qu'un jour nous serons comme elle ». Théodor W. Adorno
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Cet ouvrage qui, sans aucun doute, m'a le plus ému et émerveillé depuis le début de cette année, associe une intrigue captivante, des personnages attachants et une écriture ciselée.

L'âme d'un instrument à cordes est une petite pièce de bois interposée, dans le corps de l'instrument, entre la table et le fond, qui les maintient à la bonne distance et assure la qualité, la propagation comme l'uniformité des vibrations.

Ame brisée est l'histoire du violon de Yu Mizusawa, un intellectuel japonais, dont l'instrument, victime de la soldatesque nippone en 1938 à Tokyo malgré l'intervention du lieutenant Kurokami, est emporté par son jeune fils Rei.

Qu'advient-il de Rei et de sa famille à l'issue du conflit mondial conclu par une bombe atomique sur Hiroshima ?
Que devient ce violon, ou plutôt ses restes ?
Comment arrive-t-il en Lorraine à Mirecourt, chez Jacques et Hélène Maillard, un couple d'artisans luthiers experts en restauration d'instruments anciens ?
Par quel miracle Midori Yamazaki, petite fille de Kenzo Kurokami, hérite-t-elle de ce violon ?

Akira Mizubayashi, écrivain japonais écrivant en français, nous offre cette oeuvre en quatre mouvements rythmés par le Quatuor à cordes en la mineur opus 29 "Rosamunde" de Franz Schubert, La Gavotte en rondeau, Partita n°3 en mi majeur de Jean-Sébastien Bach et le Concerto à la mémoire d'un ange d'Alban Berg.

Roman magnifique, aussi bouleversant qu' « Opus 77 » d'Alexis Ragougneau, écrit d'une plume sensible et élégante, étayé par une double culture, c'est un hymne à la paix et à la culture. A lire et à relire !
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En 1938 à Tokyo, Yu, professeur d'anglais et violoniste amateur, est arrêté sous les yeux de son fils de onze ans, Rei, au beau milieu d'une répétition musicale avec trois de ses étudiants chinois restés sur place malgré la guerre sino-japonaise. Rei grandira sans son père, avec deux souvenirs particulièrement obsédants datant de ce jour-là : le violon paternel brisé, et la vaine tentative d'intercession d'un officier mélomane nommé Kurokami.


Ecrit dans un français impeccable par un Japonais de souche, le texte possède un je ne sais quoi d'étrange et de déroutant, issu tant du style que de l'histoire : mi roman réaliste, mi conte féerique, le récit qui pourrait sembler idéaliste et naïf en raison des destins tout à fait improbables de ses personnages très lisses, presque trop « parfaits » dans leurs rôles, emporte le lecteur par son indéniable charme et par l'esthétisme de sa symbolique.


A l'oppression martiale et au bellicisme nationaliste, mais aussi à la rigidité hiérarchique de la société japonaise, l'auteur oppose l'universalité de l'émotion musicale et de la beauté, la puissance de l'amitié et de l'amour, la fidélité de la mémoire et l'inextinguible attachement à ses racines, enfin tout ce qui constitue l'âme humaine et que Rei s'obstine à faire refleurir en consacrant sa vie à la lutherie et à la résurrection d'un violon détruit par obscurantisme.


Certes idéalisé et non exempt de quelques clichés, ce roman est une jolie parabole dont le charme séduit volontiers, une ode à la musique où l'âme humaine se confond de bonne grâce avec celle prêtée par les luthiers à leurs plus beaux instruments.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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C'est avec un peu de retard que je me suis attaqué à ce roman de l'écrivain japonais Akira Mizubayashi, couronné par le Prix des Libraires 2020.

L'âme qui se retrouve brisée est celle du violon de Yu Mizusawa, à Tokyo, en 1938. Ce dernier avait osé jouer une oeuvre de Schubert en compagnie de trois étudiants chinois restés au Japon malgré les prémices de la guerre sino-japonaise. En entendant le bruit des bottes des militaires entrant dans le centre culturel municipal de Tokyo, Yu a le réflexe de cacher son fils Rei, âgé de 11 ans, dans une armoire. Par le trou de la serrure, le gamin voit les soldats fracasser le violon de son père et embarquer le quatuor. Quelques instants plus tard, le lieutenant Kurokami, grand mélomane, découvre la cachette de l'enfant, mais ne trahit pas sa présence et lui confie même les débris de l'instrument de son père…

« L'âme brisée » est l'histoire d'une reconstruction. Celle d'un gamin qui mettra toute sa vie à comprendre les aboutissants de cet évènement tragique qui le sépara à jamais de son père, mais également celle d'un luthier qui vouera toute sa vie à la restauration d'un violon pourtant jugé irrécupérable. Un roman sur le déracinement, sur les origines et sur la musique qui traverse les époques et véhicule les émotions au-delà des guerres…

Si l'auteur nippon, tombé amoureux de la langue française au point d'écrire celui-ci directement en français, livre un roman classique au style simple et dépouillé, il ne délaisse pas pour autant ses origines et baigne son oeuvre dans la poésie et la délicatesse de la culture japonaise. Malgré le déchirement provoqué par la scène initiale et la noirceur qui entoure toute guerre, Akira Mizubayashi demeure positif tout au long du récit et ne s'attarde pas trop sur les fausses notes de l'humanité…
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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critiques presse (5)
Lexpress
30 juin 2021
Avec le style tout en délicatesse, plein de respect, voire de candeur, propre à nombre d'étrangers ayant opté pour le français, l'auteur d'Une langue venue d'ailleurs (2011) déroule le destin du jeune Japonais rebaptisé Jacques Maillard.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Actualitte
04 juin 2020
Un roman lumineux, sensible, délicat, dans lequel la musique est omniprésente et où l’on retrouve les thèmes de prédilection d’Akira Mizubayashi : le déracinement et l’impossible deuil. Magnifique.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Bibliobs
23 septembre 2019
Mariant, dans une prose si simple qu’on la dirait cristalline, le naturalisme du roman français et la féerie des contes japonais, Akira Mizubayashi a réussi à faire de ce violon, qui a une tête, une âme et une table de secrets, le personnage principal de son livre.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LaCroix
19 septembre 2019
Contre un monde au garde-à-vous, Akira Mizubayashi a composé une parabole vertigineuse sur le pouvoir de la musique, de la mémoire et de l’amour. [...] Sa récidive dans le champ de la fiction se révèle bouleversante, au-delà de l’imaginable.
Lire la critique sur le site : LaCroix
LePoint
27 août 2019
C'est un roman classique. Une langue élégante, une histoire ample et très émouvante. C'est un roman sur la musique, sur la transmission, sur la guerre, sur la fidélité des origines, sur l'amitié, sur la beauté du silence qui suit une sonate de Schubert.
Lire la critique sur le site : LePoint
Citations et extraits (235) Voir plus Ajouter une citation
C'était un mort-vivant ou un vivant-mort ...Quelqu'un qui était mort une fois et qui continuait à vivre...ou quelqu'un qui était vivant mais qui vivait comme un mort...Comme les rescapés d'Auschwitz...
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En pleine période de folie fasciste et d'engouement militariste et ultranationaliste, Yoshino a eu l'audace d'écrire, à l'intention des jeunes Japonais, un livre qui prônait l'usage critique de la raison et défendait la supériorité éthique de l'amitié des égaux par rapport à la soumission rampante et aveugle à l'égard des aînés et des dominants. Je crois que mon père voulait faire de moi un jeune homme capable de garder sa lucidité en toute situation, de ne pas succomber à la folie collective et de s'insurger contre les aberrations...
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En se plaçant à l'endroit exact où elle avait joué deux heures auparavant la "Gavotte en rondeau" , elle interpréta de nouveau la pièce de Bach.
Les aigus sonnaient comme une enfilade de gouttes d'eau pure versées par un ciel bas et tourmenté, étincelant aux premiers rayons du soleil pénétrant obliquement les feuillages verdoyants d'une forêt boréale luxuriante, tandis que les médiums et les graves étaient comme ouatés, glissant sur une étendue de velours, suscitant une impression de chaleur intime émanant d'une cheminée de marbre restée allumée toute la nuit.
Il y avait là, en plus, une saisissante égalité de timbres.
La musique avançait, revenait, montait, descendait avec une liberté euphorique; elle faisait penser à une danse joyeuse et sautillante qui semblait exprimer le bonheur de marcher dans un paysage enchanté...
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Son père lui avait-il précisé, ce jour-là, que son violon était de Nicolas François Vuillaume, originaire de Mirecourt ? Rei voltigeait d'une question à une autre, d'une conjecture à une autre, d'une supposition à une autre. Se débattant ainsi dans les incertitudes, il finissait par se désoler. Il se rendait trop bien compte que tous les cœurs du monde, retirés dans leur solitude intranquille, étaient semblables à des monades impénétrables, repliées sur elles mêmes ; qu'ils étaient finalement comme tous les corps du monde séparés les uns des autres, si douloureusement étrangers les uns aux autres.
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Jacques Maillard, ou Rei Mizusawa, était un homme sans religion. Il ne croyait à aucune après-vie. Qu'est-ce qui resterait à l'extrême fin, à la fin de tout, de la civilisation, de l'humanité, de la planète, du système solaire ? Tout serait englouti, oublié, perdu. La vie ne serait-elle pas au bout du compte une gigantesque hécatombe ? Pourquoi alors en ajouter d'autres ? Pourquoi commettre la bêtise abyssale d'en fabriquer d'autres, celles, innombrables, que les guerres engendrent impitoyablement, celle des tranchées, celle des camps d'extermination, celle causée par les bombes qui pleuvent et qui vous déchiquettent, celle provoquée par les armes de destruction massive allant jusqu'à la bombe atomique brûlant et calcinant toute une ville dans la seconde, érigeant dans le ciel un hideux et diabolique champignon précédé de l'apparition soudaine, aveuglante, déflagrante de la lumière luciférienne ? Pourquoi tant de cruautés ? Pourquoi tant d'actes meurtriers atroces ? Mais, précisément, à cause de ces violences inouïes, de ces tueries irrémissibles qui empêchent brutalement de vivre et qui, par là même, génèrent un interminable défilé de fantômes, l'édification d'un autel était absolument pour Rei Mizusawa, un autel qui rendait d'abord et surtout son père assassiné et, ensuite tous les disparus qui l'accompagnaient de près ou de loin. Dès lors, son art de luthier, celui de rendre les sons de l'âme, de la vie intérieure, de la plus noire mélancolie comme de la joie la plus profonde - grâce aux compositeurs du passé et du présent et par la médiation des interprètes hors pair - à travers les instruments qu'il fabriquait après tant d'années d'apprentissage, de tâtonnement, d'hésitation, de recherche, après tant d'efforts déployés dans l'étude patiente et passionnée des grands modèles des maîtres anciens, après surtout une vie entière passée, en compagnie du violon de son père au demeurant assez ordinaire, à réparer, à restaurer et à soigner... son art, donc, entièrement dévoué au service des émotions humaines, n'était rien d'autre que la tentative d'apaisement de la douleur traumatique issue de la destruction foudroyante de ce qui vous attache le plus intensément au monde et à la vie.
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