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Critique de Osmanthe


1945, sur une île située entre Nouvelle-Guinée, Philippines et Indonésie, aux confins de l'immense empire japonais, qui est au bord du gouffre. Les combats font rage avec les soldats américains, mais la cause semble déjà entendue. Quelques centaines de soldats nippons sont là dans cette jungle. Ils doivent faire attention à ce qu'ils mangent, les maladies et la mort rôdent autour d'eux et les rangs sont atteints. Cette atmosphère de fin du monde, d'un monde, n'exclut pourtant pas une trivialité et une camaraderie parfois décalées, qui souligne le caractère absurde de la situation, et de la guerre. Les soldats sentent bien qu'ils ne reviendront pas, mais les blagues autour du sexe et de la bouffe sont omniprésentes. Manger, baiser, chier sont à l'ordre du jour.

Yoshida, Maruyama, Kurimoto, Tanaka, etc, le lecteur est immergé au sein de la troupe des troufions que Mizuki nomme comme pour leur rendre hommage, les incarner. Une troupe commandée avec violence par des supérieurs qui vont l'entraîner à se sacrifier au nom de l'Empereur et de l'honneur, dans un dernier assaut désespéré tant le combat est inégal, perdu d'avance sous la puissance de feu ennemie. Des supérieurs qui ne s'honorent, eux, pas forcément, en frappant les hommes, et en cherchant pour certains d'abord à sauver leur propre peau. Dans cet enfer brille et se lève la figure du médecin militaire, qui ose se lever contre la hiérarchie implacable, pour sauver le genre humain et la morale...Se heurtant à un mur d'incompréhension, il préfèrera se suicider.

On connaît Mizuki pour son génie inventif qui a fait revivre la tradition légendaire des yokai, c'est ici sa veine historique militaire qui s'exprime, tout aussi passionnante (voir par exemple son remarquable Hitler).

Mizuki sait de quoi il parle, il l'a vécu de l'intérieur une situation quasi-similaire. Il concède donc que ce récit est pour 90 % autobiographique. On parle ici d'une mission collective suicide (Gyokusai), dont finalement aucun soldat ne doit revenir. Il faut mourir pour l'Empereur, celui qui en ressortira vivant devra se suicider. Les soldats japonais sont de la marchandise, de la chair à canon, et moins important qu'un cheval. Mizuki, qui a perdu son bras gauche à la guerre, fait de cette oeuvre un manifeste pacifiste et humaniste.

Les situations mêlent l'impitoyable et l'horreur, la violence, l'absurde et l'humour (l'amateurisme des soldats fait parfois penser à la 7ème compagnie !), avec un trait à la fois précis et simple. Les planches relatant les combats sont magnifiques dans leur double page muette qui n'est pas sans rappeler les plans aériens d'un Apocalypse Now.

Encore un immense livre de Shigeru Mizuki, un des plus grands maîtres du manga.
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