Depuis mon immense coup de coeur avec Retour à Whitechapel, Michel Moatti est devenu un auteur de polar/thriller à suivre pour moi. C'est donc avec plaisir que j'ai accepté ce nouveau service presse et je remercie HC Editions ainsi qu'Agnès Chalnot de me l'avoir proposé. En effet, j'ai retrouvé dans Les Retournants les ingrédients qui m'avaient beaucoup plu dans Retour à Whitechapel.
En Août 2018, deux Poilus Vasseur et Jansen mal assortis décident de se faire la Belle. Se faire tuer sur le Front de la Somme, trop peu pour eux car ils ont vu assez de leurs camarades mourir de manière effroyable. Aussi, préparant avec soin leur escapade, ils tentent le tout pour le tout à la veille d'une des plus grandes Batailles. Sur le chemin, la chance leur sourit lorsqu'ils arrivent dans une petite ville récemment bombardée. Ils décident alors de changer d'identités en déposant leur plaque militaire sur deux cadavres de soldats et en usurpant celles de deux médecins, morts dans une auberge. Mais, le gendarme François Delestre, surnommé le « Chien de sang » et dépêché pour retrouver les deux déserteurs n'est pas dupe et en fin limier, il part à leur poursuite…
Dès le début de ma lecture, Les Retournants m'a immédiatement fait penser à deux autres romans sur la Première Guerre Mondiale que j'avais lus :
Au revoir là-haut de Pierre Lemaître pour la complicité entre deux Poilus au caractère opposé et versés dans les magouilles.
Mauvais genre de Chloé Cruchaudet pour le thème de la désertion des soldats avec le risque d'être découvert à tout moment et de finir devant un peloton d'exécution.
Ce que j'ai beaucoup apprécié dans Les Retournants (et dans Retour à Whitechapel), c'est la facilité avec laquelle Michel Moatti décrit cette période. On sent qu'il s'est bien documenté, distillant ça et là de petits détails historiques insignifiants de prime abord mais qui donnent au récit toute sa crédibilité. de plus, grâce à une plume fluide et dynamique, le lecteur est complètement immergé dans le roman.
Quant aux deux personnages principaux, Vasseur et Jansen, ils sont parfaitement bien croqués. Ils forment un duo des plus intéressants et des plus complexes aussi : Vasseur est le leader, celui qui prend toutes les décisions et se révèle être très malin quand il s'agit de survivre. Il ne possède aucun scrupule et ne recule devant rien quitte à massacrer son prochain tout en y prenant grandement du plaisir.
Jansen, instituteur au civil, se retrouve sous l'emprise de son collègue. Par peur ou lâcheté, il le suit dans ses pérégrinations et devient malgré lui son complice. Pour ma part, j'ai éprouvé davantage de sympathie pour lui car contrairement à Vasseur, il n'est pas un mauvais bougre et il se laisse surtout dépasser par les évènements. Il a en effet une double Epée de Damoclès au-dessus de la tête : Vasseur qui manque de fiabilité et Delestre qui le poursuit.
A propos de ce dernier, j'ai trouvé ce personnage un peu trop survolé : si j'ai tout de suite pensé au Javert des Misérables, j'aurais voulu également en savoir un peu plus sur lui.
De plus, Les Retournants pâtissent un peu trop à mon goût de facilités scénaristiques, notamment dans deux scènes : la première est la découverte « chanceuse » de deux médecins morts et dont Vasseur et Jansen usurpent l'identité avec à la clef tout le package (monnaie, vêtements, laissez-passer, etc…) et la seconde, dans une pharmacie endommagée dans laquelle ils trouvent un manuel de médecine et des médicaments pour parfaire leur nouvelle identité. de plus, la traque des deux déserteurs par Delestre manque un petit peu de suspense et d'intensité. Comme je l'ai dit plus haut, quelques chapitres en plus avec le gendarme n'auraient pas été de trop pour que l'on suive l'avancée ou les égarements de l'enquête.
En conclusion, Les Retournants a été une lecture passionnante grâce à la plume toujours aussi fluide de Michel Moatti, son formidable travail de documentation historique et ses personnages fouillés. Dommage que le récit ne pâtisse en revanche de quelques facilités et que le personnage de Delestre n'ait pas été plus développé. Je chipote, toutefois, car ce nouveau roman a été un petit coup de coeur pour moi.
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