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Critique de Meps


Je continue mon chemin modianesque. Après le premier roman qui fut une expérience très mitigée, un livre "star" Dora Bruder qui m'a conquis, me voici au livre de la consécration puisque sorti l'année de l'obtention du Prix Nobel.

D'abord dire que si vous voulez être surpris par Modiano, vous vous êtes a priori trompé de porte. Il fait partie de ses écrivains qui vous donnent ce pour quoi vous êtes venus. Un récit intimiste en autobiographie à peine déguisée, une plongée dans la mémoire et les souvenirs d'un écrivain, un voyage dans les rues de Paris, loin des lieux les plus touristiques (encore qu'ici on visite un petit bout de Pigalle qui a un succès avéré chez certains touristes). Oui, toutes les cases seront cochées, vous ne serez pas plongé dans un thriller aux effets spéciaux grandiloquents.

Encore que ce roman commence de manière assez inquiétante, cet homme qui appelle parce qu'il a trouvé votre carnet d'adresses, qui vous donne rendez-vous pour le rendre et en profite pour vous interroger, sa compagne qui vous contacte en secret pour vous révéler certaines choses... on aurait bien tendance à suivre le narrateur dans la paranoïa que cela occasionne. Ce n'est certes finalement qu'un biais pour la plongée habituelle dans la mémoire mais cela a le mérite d'être distrayant, une touche d'originalité chez Modiano, on prend.

Est-ce aussi le fait de la maturité et de la reconnaissance enfin atteinte, on sent Modiano plus à l'aise avec son lecteur. Il joue à mener son enquête habituelle d'abord avec l'aide d'Internet (quelle modernité) mais en pointant toutes les limites de l'outil si puissant. On sent qu'il s'amuse à mettre en parallèle des recherches informatiques que ces lecteurs sont tentées de faire avec tous les éléments vérifiables qu'il fournit, notamment les adresses... avec les moyens surannés qu'il utilise de son côté, un carnet d'adresse, des discussions avec le voisinage, une plongée dans des souvenirs imparfaits mais qu'il faut réinterroger pour avancer. J'ai particulièrement apprécié aussi cette protection face à soi-même qu'il semble construire pour ne pas tout redécouvrir tout en cherchant pourtant à le faire: cette valise qui contient toutes les informations et dont il a perdu la clef mais qu'il continue à transporter avec lui, ce refus face aux propositions d'aller revisiter aujourd'hui les lieux chargés de mémoire, les maisons qu'il a habité, par peur que tout resurgisse avec beaucoup trop de clarté. le plaisir du flou, comme un photographe qui cherche plus la beauté que la vérité dans les portraits qu'il dresse.

La littérature française a particulièrement tendance au nombrilisme, à l'introspection et Modiano ne fait pas exception bien sûr. Son talent est, par le charme de son style et de sa méthode d'enquête, de nous donner envie tout à la fois de le suivre dans les rues de son Paris, mais aussi de revisiter les rues de notre propre histoire par la même méthode, avec à la main les adresses de nos souvenirs, pour que nous ne nous perdions pas dans les méandres de notre mémoire.
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