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Critique de Butylphenyl


Vestiaire, subst. masc. : « Lieu où sont déposés les vêtements des membres d'une communauté, d'un corps constitué. »*

Dans Vestiaire de l'enfance, ce sont des souvenirs que Modiano dépose sur le papier et plus spécifiquement celui d'une enfant qui, jadis, tenait compagnie à Jimmy Sarano, son personnage principal, et semble t-il, le connectait à la vie, et qu'une jeune inconnue ravive soudainement en lui. le fil conducteur est donc cérébral : le lecteur suit les pensées de Sarano puis, progressivement, ses réminiscences.

Modiano profite de cette antichambre mémorielle pour se départir des repères spatio-temporels. Présent et passé se superposent pour former ce qu'il appelle, par le biais d'un de ses personnages, la « transparence du temps » ; de même s'interroge très justement Carlos Sirvent - autre personnage - sur ce qu'on pourrait appeler la transparence de la ville : « - Et vous, vous vous demandez si vous êtes à Londres, Madrid ou au Caire. Je n'ai pas raison, Jimmy ? de quoi avoir le vertige... ».

En définitive, seuls les personnages semblent fiables et jouent à mon sens par extension le rôle de conscience dans ce vestibule : « - On finit par douter de la réalité de cette ville et par se demander où elle se trouve exactement sur la carte : Espagne ? Afrique ? Méditerranée ? » s'enquiert là encore Carlos. Leurs propos éclairent en effet ce nébuleux récit où l'on vient à douter de chaque ligne, de chaque sensation tant l'écriture comme la construction sont fugaces et rappellent quelque peu la plume de Régis de Sá Moreira.

Le titre de l'ouvrage prend, en revanche, lui tout son sens : le lieu ici -et plus largement le sujet- est précisément ce vestiaire de l'enfance, cette poche mémorielle enfouie en chacun de nous et sur laquelle, nous rappelle Modiano, nous n'avons aucune réelle prise – Inception ne faisant malheureusement pas foi. de manière assez prévisible, l'intemporalité et la désorientation géographique répondent donc à la désorientation intérieure de Jimmy Sarano, présenté par ailleurs comme un expatrié.

A ce titre, Modiano retranscrit avec une remarquable précision l'expérience du déracinement, de l'absence et plus largement le sentiment d'être « hors de ». Hors du temps. Hors de la ville. Hors d'une catégorie. Hors d'une communauté. Hors de la vie ? Quoiqu'on y projette, il me semble que cela donne une résonance particulière au roman.

Reste que cette madeleine de Proust s'avère trop volatile, épurée et fragmentaire pour me laisser un sentiment durable. Vestiaire de l'enfance est, somme toute, cette brise qui vous effleure suffisamment pour que vous la remarquiez mais pas assez toutefois pour vous impacter.

*Définition du CNRTL (Centre national de ressources textuelles et lexicales).
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