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Critique de Aelith


Un roman explicitement étiqueté comme roman jeunesse. Et pourtant... Dès l'incipit du roman - qui nous propulse in medias res dans l'action, ou à tout le moins dans une action -, la violence de l'écriture, la sécheresse des mots, la dureté des phrases nous frappent de plein fouet. Il n'y aucune complaisance dans la prose de Jean Molla, qui claque comme celle d'un Beigbeder pour un public pas encore tout à fait adulte. Presque systématiquement, le présent de l'indicatif et le passé composé sont préférés au passé simple : l'histoire avance, irrémédiablement, vers un dénouement aussi tragique que l'incipit. En 200 pages environ, 200 pages de violence, de détresse et de désillusion totale, la boucle est bouclée.
L'histoire d'amour à laquelle laisse croire le résumé n'est en en réalité pas une. Si Vincent, le narrateur, est irrémédiablement attiré - obsédé même - par la cousine de son meilleur ami nouvellement arrivée au lycée, c'est autour du passé de cette dernière que gravite toute l'action. Autour de sa violente indifférence, et de la volonté qu'a Vincent de l'aider. Autour d'une bande d'amis qui veulent lui faire justice pour le viol collectif qu'elle a subi. Autour d'une vengeance à grande échelle. A cela s'ajoutent bien d'autres thématiques, seulement effleurées parfois, mais qui sous-tendent le récit, qui donnent aux personnages cette densité tragique : la perte d'un proche due à la maladie, les débats religieux entre adolescents, la drogue, l'alcool, le sexe sous toutes ses formes, la politique et la lutte des classes, l'hypocrisie de la société de consommation, le tout sur fond de période post-11 septembre et de violence dans les cités. Jean Molla nous dépeint ainsi une jeunesse désabusée par une époque qu'elle ne comprend pas sous les traits de personnages ambigüs, ni bons ni mauvais, ni gentils ni méchants, qui dealent et lisent Flaubert, rattrapés dans leur quotidien par le rythme effréné que prend finalement l'intrigue.
On apprend par la suite que l'incipit sanglant est en réalité un extrait du journal de Djamila. On apprend par la suite que Vincent a perdu sa soeur, décédée des suites d'une leucémie. On apprend par la suite que Hamid, le meilleur ami de Vincent qu'on trouvait drôle et attachant, a déjà fait couler le sang, presque tué. On apprend enfin que par deux fois, Djamila aura été la victime des tournantes sexuelles, et que nous sommes bien loin de pouvoir seulement saisir ce mélange d'indifférence totale et de haine vengeresse qui l'étreint tour à tour. On découvre au fil du texte les mailles invisibles qui forment cette incroyable toile, qui aurait pu être incompréhensible au vu de la diversité des thèmes abordés, et qui se trouve en réalité être d'une clarté, d'une limpidité absolue. A la dernière page, le puzzle entier se reconstitue en effet, et nous laisse bouche-bée : l'histoire ne finit pas mal. L'histoire ne finit pas bien. La machine judiciaire, aussi injuste qu'elle puisse paraître, aussi banale après tant de violence, clôt finalement l'intrigue. Pas comme dans un roman, mais ''comme dans la vraie vie''. Et en écho aux pages du journal de Djamila que Vincent laisse brûler, c'est notre vision bien-pensante de l'adolescence et de ses petits tracas qui se consume.
Djamila a beau être publié en collection jeunesse, c'est un roman qui ne manquera pas de bouleverser les adultes. C'est dans cette capacité à parler à plusieurs générations qu'il trouve toute sa force et qu'il donne tout son éclat. Un véritable coup de coeur... un véritable coup au coeur.
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