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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ne serait-ce que pour constater à quel point les angoisses d'un homme du 16e siècle sont semblables aux nôtres, ce livre vaut la peine d'être lu. Avec un regard curieux et inquisiteur, Montaigne analyse la société qui l'entoure et jette sur celle-ci la lumière compréhensive d'un homme intelligent.
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« Je suis dégoûté de la nouvelleté » disait Montaigne. C'est sûrement là son expression la plus paradoxale, car le titre « Les Essais » suggère déjà l'audace du renouvellement. L'écriture elle-même, ses enchaînements impromptus, son style truculent, confirme la joie d'une pensée en mouvement.
On pourrait aussi parler d'un retour à une vie simple, délaissant les affaires, juste attentive à son bon plaisir. Mais son plaisir est aussi manifestement une nouvelle disponibilité pour s'étonner du contraste entre le « branle » du monde qui l'entoure, et les conceptions triviales qu'on en fait.De son environnement immédiat jusqu'aux découvertes du nouveau monde, tout devient matière à enquête ; englobant parfois dans l'incertitude jusqu'à ses propres propositions.

L'audace de ces essais a de quoi stimuler des générations de lecteurs, alors que les conditions actuelles sont objectivement plus favorables qu'à l'époque de Montaigne : nous pouvons vivre et entreprendre sans craindre d'être mobilisé pour une nouvelle guerre, écrire sans craindre de finir au bûcher ; nous pouvons partager nos idées, instantanément, à grande échelle, ce n'est plus l'apanage d'un petit nombre ; nous pouvons dépasser l'introspection, recueillir les commentaires, expérimenter, et de là régénérer nos croyances.

Il faut donc qu'il y ait, aujourd'hui, des dispositions anciennement incorporées, pour expliquer l'attitude conservatrice et individualiste. Or, c'est bien l'attitude de l'Institut Montaigne, think tank néolibéral, qui, dans sa vision du « bien commun » d'un petit nombre, se contente de variations autour de son idée fixe, productiviste, à savoir nous « embesogner » plus longtemps. L'actualité de ces dernières semaines, nous rappelle qu'il s'agirait cette fois de supprimer des congés.
La référence de ce think tank peut embarrasser les amoureux de Montaigne, mais au chapitre « de l'âge », ce dernier ne proposait-il pas déjà de nous « embesogner » plus tôt et plus longtemps ?
Parmi d'autres surprises du même genre, on note aussi la décision de Montaigne de renoncer finalement à publier le livre de son ami La Boétie, le « Discours de la servitude volontaire », écrit à l'âge de 18 ou 16 ans. Mais le plus piquant, c'est que Montaigne fait précisément, de ce jeune âge, un critère pour en diminuer l'intérêt. Jusqu'en 1588, il propose « dix-huit ans » avant de rabaisser à « seize ans ». Les commentateurs posent alors la question « Faut-il voir dans ce changement d'âge une manière de diminuer davantage la portée théorique – et éventuellement subversive aux yeux de certains lecteurs du « Discours de la servitude volontaire ? ».

Le génie de Montaigne, c'est sans doute que ses propositions, aussi contradictoires et surprenantes soient-elles, paraissent toujours sincères, contrairement à celles de l'Institut Montaigne. le rapport à l'argent n'est pas non plus le même, voici ce qu'en disait Montaigne : « Je vis du jour à la journée, et me contente d'avoir de quoi suffire aux besoins présents et ordinaires ».

La lecture des Essais m'a immédiatement rappelé les Oeuvres complètes de Tchouang Tseu. On y retrouve en effet, la truculence, la provocation d'une forme de non-agir, et la vertu subversive de la joie.
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On a beaucoup parlé de Montaigne pour son progressisme, somme toute à replacer dans son contexte historique (on connaît ma défiance pour tout ce qui sort de son institut :P) : dire qu'il est le premier à placer sur un pied d'égalité sa culture avec toutes les autres serait oublier bien vite la fervente foi catholique qui imprègne sa plume. La véritable modernité des essais, c'est de choisir délibérément la forme grotesque, celle sans plan préétabli, permettant de divaguer et de digresser jusqu'à ce qu'on ait vidé tout ce qui nous passait par la tête. C'est sans doute à cause de ça qu'on l'a souvent comparé à un blogueur (et j'étais moi aussi sur le point de le faire dans cette critique avant de me rendre compte qu'on l'avait déjà dit au moins deux fois avant moi) : Montaigne veut la réflexion brute, à l'état pur, pleine de scories mais d'une richesse inégalée. Chacun peut prendre un bout de pensée et l'emmener où il veut : comme il le dit lui-même, il y aurait une infinité d'essais à développer à partir de ceux déjà écrits.
Mais c'est aussi ce qui rend la lecture des "Essais" difficile par instants : trop de richesse et de méandres finissent par égarer, surtout quand nous ne possédons plus vraiment la même culture. Entre une érudition latine nous tartinant des citations de toutes sortes (et toujours en VO dans la version papier), un désir d'ordre et de soumission condamnant fermement toute forme d'ambition ou de trop grand plaisir, une ou deux réflexions sur la femme qui feraient frémir plus d'un de mes compatriotes chevelus, Montaigne est un représentant du XVIe siècle dans ce qu'il a de plus ardu, complexe, controversé. Son érudition nous amène aussi bien vers des sommets de sympathie que de scepticisme. Quand tout va mal, on perd vite le fil de ces gigantesques paragraphes pour nous abandonner au désespoir de ne jamais retirer du livre que quelques faits divers de la Rome antique ; quand tout va bien, on rit, on pleure, on découvre des traits communs inattendus avec notre façon de penser, on apprend dans toutes les disciplines, théologie, ethnologie, philosophie, stratégie militaire. Ce tome 1 montre toutes les difficultés de sa prose mais aussi ce qui en fait sa grandeur : un esprit constamment aux aguets d'une idée nouvelle, la confrontant sans relâche à celles anciennes, curieux de tout, résigné à la mort mais jamais las de vivre.
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Montaigne part de son existence pour aller vers l'universel.
Dans ce livre I, il explore l'âme humaine en s'appuyant sur L Histoire et la lecture des anciens (Épicure, Platon, Sénèque etc.).
Tel un chat, après des digressions, il retombe toujours sur ses pattes.
Qu'il avait petites et arquées (à cause du cheval).
A lire et à relire, comme on dit.
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