– Diable, que c’est haut !
Pierre Flairan, essoufflé par la pente raide qu’il gravissait et par la charge qu’il portait, essuya la sueur qui perlait sur son visage avec sa manche, recala la sangle de son sac sur son épaule et reprit son ascension d’un pas lent, mais assuré.
Barbier et rémouleur de son état, il était basé à Mirepoix, mais arpentait régulièrement les routes depuis dix ans déjà, à chaque retour de la belle saison. Il connaissait tous les chemins, tous les bourgs et tous les hameaux situés entre le pays d’Olmes et le pays d’Alion. À chacune de ses tournées, jamais il n’oubliait de s’arrêter à Montségur.
Isolé du siècle, cerné de ravins profonds et sauvages, le castrum du seigneur de Péreille était difficile d’accès, mais la rude montée qui le rattachait au reste du monde valait la peine d’être vaincue. Perdu dans les nuages, le village qui s’accrochait au piton calcaire, haut de plus de 1000 mètres d’altitude, était, pour lui, plus qu’une simple place où trouver des clients et exercer sa pratique. Ilot préservé de l’occupation française que subissait le Languedoc, il demeurait hors des malheurs du temps et offrait à l’Église des purs, mise à mal par la terrible croisade qui s’était abattue sur le pays depuis plus de trente ans, le seul havre de paix qu’elle ait pu conserver. Insoumis et proscrits y avaient trouvé refuge. Bons Hommes et Bonnes Femmes y vivaient à l’abri de l’inquisition et des bûchers. Tous ceux qui le fréquentaient y recherchaient le chemin qui menait au salut et écoutaient, avec ferveur, les prêches de Bertrand Marty, l’évêque qui avait succédé au regretté Guilhabert de Castres.