Saga de Ragnar, tome 1 : Ragnar contre le serpent géant

Dans la grande salle, Herraud avait pris place sur son siège, décoré de formules runiques de protection, gravées par les plus habiles sculpteurs de sa contrée. Il avait l'air grave qui n'était pas l'expression d'une quelconque morgue. Il était habité par un puissant sentiment d'inquiétude. Il ne cessait de caresser l'extrémité de son épaisse barbe blanche tressé qui recouvrait sa poitrine.

Pendant la saison hivernale, Midborg et les montagnes environnantes étaient ensevelies sous un silence blanc et glacial. Les jours les plus froids, même les eaux du fjord étaient recouvertes d'une couche de glace blanchâtre. Dans les maisons, les âtres fonctionnaient jour et nuit pour emmagasiner de la chaleur. Les navires avaient été retirés de l'eau et entreposés dans de grands hangars, près du port, pour protéger leurs coques de la force destructrices des glaces, dont la pression pouvait faire éclater les membrures.

Les fils de Sigurd échangèrent un regard qui n'échappa pas à l'attention de leur père. Ragnar remplit de bière la corne du voyageur et lui demanda de raconter plus en détail l'histoire de ce monstrueux serpent, de la jeune fille et du trésor. Celui-ci ne se fit pas prier pour poursuivre son récit, et plus il avait l'air horrifié par les souvenirs des évènements passés, plus le jeune seigneur semblait excité. S'il réussissait à terrasser le serpent, pensait Ragnar, il mettrait la main sur un fabuleux butin et se verrait donner une épouse d'une noble lignée, mais surtout il serait auréolé d'un prestige supérieur à celui de tous les autres guerriers, car cet exploit était digne des dieux.

La formation de Ragnar se positionna face à la porte d'entrée de la cité, tandis que Svend et ses hommes prenaient position sur l'un des côtés. Lorsque les archers furent prêts, Ragnar ordonna de baisser le mur de boucliers afin qu'ils puissent tirer leurs flèches contre les gardes de l'enceinte. Profitant de l'attaque, deux guerriers se détachèrent du groupe et, sous couvert de l'incessant déluge de flèches, s'approchèrent de la palissade, l'aspergèrent d'huile de baleine et y mire le feu.

Tous étaient partis avec l'ambition de commercer et de piller les villages de la côte orientale. Et certains, qu'on appelait les Varègues, avaient finalement décidé de s'y établir, parfois en soumettant les peuples indigènes, parfois en s'alliant avec eux.