À sa place

Quel jour était-on, de toute manière ? Difficile de tenir le compte. Jeudi avait la fâcheuse habitude de débouler quand on s’attendait à voir mardi, et déjà vendredi arrivait sur ses talons. En revanche, ce salaud de lundi avait tendance à s’incruster et pas moyen de s’en débarrasser. Il n’y avait rien à tirer du calendrier.

Tu découvres que personne n’est spécial. Si on regarde en dessous. Quand il ne leur reste que leur caleçon, les gens sont ennuyeux et prévisibles.

Il se jeta sur sa bouche, lui bavant dessus comme un chiot labrador trop enthousiaste.

Tu apprends que les jours, les heures et les minutes sont des données arbitraires, inventées pour culpabiliser les gens. Pour leur imposer le sentiment du devoir inaccompli et les obliger à courir perpétuellement après le temps et à le perdre à jamais.

Après, la journée était toute froissée et bonne à jeter, comme les pages gribouillées du cahier d'exercices d'Ellie.

Quand on est sous l'arbre renversé, au parc, c'est comme si on était à l'intérieur des couleurs. L'arbre renversé ressemble à la grande jupe d'une dame d'autrefois qui traine jusqu'à terre. Si on glisse en dessous, personne ne peut nous voir, sauf en hiver, lorsque la dame se déshabille et qu'il fait un froid de canard.

Le souvenir que j’ai de lui ressemble à un chewing-gum qu’on a mâché si longtemps qu’il n’a plus de goût.

Tu étais simplement toi-même,dit-elle d'une voix distante.C'est tout ce que nous pouvons faire ,chacun d'entre nous.La plupart du temps.

Ne pas être toi a des avantages.Tu peux faire ce que tu veux,quand tu veux.Tu peux même faire des choses que tu n'aimes pas.

Tu l’écoutes, nuit et jour. La voix de Kurt Cobain résonne à tes oreilles comme un hurlement de coyote dans un désert de souffrance.