Défi à Vénus

Tout en appréciant les multiples bonnes choses que nous offre l'Italie, je ne me sentais pas toujours en phase avec quelques aspects de la mentalité italienne. Et voilà que je tombe sur ce livre étonnant qui m'a fait changer d'optique, et là je dis chapeau.
Une intrigue sentimentale relativement classique est l'occasion d'un dévoilement de l'âme italienne dans ce qu'elle a de plus fondamentale.
Mieux que le ferait un essai de sociologie, et dépassant la simple analyse psychologique, l'auteur, sans jamais donner l'impression de s'écarter de l'intrigue sentimentale, se livre à une exploration quasi archéologique des différents déterminismes qui ont façonné les protagonistes.
Sont en jeu la religion, l'organisation familiale, le contexte politique et géographique, mais aussi, curieusement, la mythologie.
La personnalité de chaque individu émerge de l'enchevêtrement inextricable de tous ces facteurs, qui se révèlent extrêmement prégnants. Ce qui est fort, c'est que la mise en lumière de tout ce soubassement avive l'intérêt que nous prenons à suivre le cheminement des personnages.
L'auteur insiste particulièrement sur la mythologie, qui fournit ici les archétypes structurants et il est question de dieux et de déesses (sur le sens duquel il ne faut pas se méprendre, on va le voir).
Mais c'est la famille qui est placée au premier plan ; n'oublions pas que nous sommes en Italie...
Certains individus d'élite qui, à l'égal des dieux, se croient suffisamment dégagés de leur condition, pensent pouvoir choisir librement leur destin. En l'occurrence il s'agit de l'héroïne Fiammetta. Celle-ci, faisant fi du poids de sa généalogie (au sens large) se trouvera rapidement en face d'un choix cornélien : soit elle demeure incluse dans le schéma familial, mais au prix de son aliénation et d'une sorte de non vie, soit elle essaye d'en sortir (l'auteur utilise l'expression « sortir la tête hors du cadre » ) au risque de se couper de ses racines et de s'annihiler totalement. Mais il se trouve que les dieux (et les déesses) veillent, qui sont jaloux et ne supportent pas la démesure - l'hibris - des mortels qui penseraient pouvoir les égaler*.
Alors, Fiammetta, qui se vit à l'égal d'une déesse, aura-t-elle le courage d'affronter les dieux ?
Et c'est là que le génie de l'auteur et de son livre transparait : sans qu'il en parle vraiment explicitement, on ressent en filigrane l'immense présence du passé impérial romain. L'individu italien lambda vit à l'ombre d'une gloire passée qui l'écrase complètement, à quoi il ne pourra jamais se mesurer bien qu'elle demeure une référence inconsciente permanente. Alors, en attendant, il bidouille avec le réel (autrement dit il ruse avec les dieux,) d'où la fameuse débrouillardise italienne, mais en même temps, ça inspire, c'est ce qui rend ce peuple si génial dans tant de registres.
Ce n'est pas un hasard si l'action se passe dans l'Italie des années 50. Après le cataclysme de la deuxième guerre mondiale et l'inévitable mise à plat qui s'en est suivi, un véritable Rinascimento, une seconde Renaissance, s'est produit avec l'émergence de tout le meilleur que l'Italie avait à nous offrir, notamment dans les domaine artistique (je pense par exemple aux belles Italiennes Sophia et Gina ou à l'inestimable Paulo Conte).

* une précision : penser qu'on peut égaler les dieux est la forme antique de l'illusion psychanalytique que le moi peut s'identifier au moi idéal, ce qui est une forme de délire qui peut conduire à la négation du sujet : c'est ça la punition moderne des dieux !

Echec total avec cette histoire qui m'a beaucoup ennuyée malgré le fait que ça se passe en Italie, pays que j'aime beaucoup et que je n'ai pas encore eu la joie de visiter. Mon envie d'évasion touristique est restée en gare, trop peu de détails sur le mode de vie des italiens, les personnages ne m'ont pas plu, et l'histoire pas davantage, sans parler du style de l'auteur qui ne me convient pas. Exit vers la boîte à livres.