Lire un roman, finalement, revient plus ou moins à jouer à un jeu où tous les choix ont été faits pour vous à l’avance par quelqu’un qui est bien plus fort que vous à ce jeu précis.
C’est plus facile d’être amoureux derrière des portes fermées. D’avoir le monde entier en une seule pièce. Une seule personne. L’univers condensé, intensifié et embrasé. Éclatant, vivant, électrique.
Mais aucune porte ne peut rester fermée à jamais.
Dehors, le vent hurle autour de l’auberge, dérouté par la tournure que prennent les événements.
( Le vent n’aime pas être dérouté, ça lui fait perdre le sens de l’orientation, et l’orientation est tout pour le vent.)
« Ça ne devrait pas être trop loin à pied, dit Mirabel . Désolée qu’il fasse si poésie aujourd’hui.
- si quoi ? Demande Zachary, pas sûr d’avoir bien entendu.
- poésie, répète Mirabel. Le temps. On dirait un poème. Où chaque mot est plus d’une chose à la fois et tout est métaphore. Où le sens est condensé dans le rythme, les sonorités et les espaces entre les phrases. Tout est intense et mordant, comme le froid et le vent.
Toutes les portes mènent à un Port sur la mer sans Etoiles, pour peu que quelqu’un ose les ouvrir.
Peu de choses les distinguent d’une porte normale. Certaines sont simples. D’autres décorées minutieusement. La plupart ont un bouton qui n’attend que d’être tourné bien que d’autres aient des poignées à baisser.
Ce sont des portes qui chantent. Des chants de sirène silencieux à l’intention de ceux qui cherchent ce qu’il y a derrière.
De ceux qui ont la nostalgie d’un endroit où ils ne sont jamais allés.
De ceux qui cherchent, même sans savoir quoi ni où.
Ceux qui cherchent trouveront.
Leur porte les attend.
Ce n'est pas tout le temps qu'il aimerait que la vraie vie ressemble à un jeu vidéo, mais dans certaines situations ça pourrait être utile. Avancer par là. Parler à telle personne. Avoir le sentiment de progresser même si on ne sait pas exactement ce qu'on essaie d'atteindre.
Loin sous la surface de la terre, à l’abri du soleil et de la lune, sur les rivages de la mer sans Étoiles, se trouve un labyrinthe de tunnels et de pièces remplis d’histoires. Des histoires écrites dans des livres, enfermées dans des bocaux, peintes sur les murs. Des odes imprimées sur la peau ou sur des pétales de roses. Des contes gravés sur les carreaux du sol, certains passages effacés sous les pas. Des légendes sculptées dans le cristal des lustres. Des histoires cataloguées, entretenues, vénérées. Les plus anciennes préservées tandis que de nouvelles poussent autour d’elles.
C’est un endroit tentaculaire et pourtant intime.
Apparemment, même les organisations clandestines bizarres ont des stagiaires à qui on refile les horaires pourris.
Aucune histoire ne s'achève vraiment tant qu'elle continue à être racontée.
"Je pense que les gens venaient ici pour les mêmes raisons que nous, répond Dorian. En quête de quelque chose. Même si on ne sait pas ce que c'est. Quelque chose de plus. De quoi s'émerveiller. Un lieu où se sentir à sa place. Nous sommes là pour déambuler dans les histoires d'autres gens, en quête de la nôtre. A ceux qui cherchent, conclut-il en inclinant la bouteille vers Zachary.