Comment parler de ce roman, que je fais patienter depuis sa sortie ? Comment raconter l'émerveillement face à ce texte ?
Tout comme l'avait fait
le Cirque des rêves, l'univers se déploie, prend vie, tout aussi fascinant, tout aussi envoûtant. le choix des mots, le rythme, la musicalité, l'étrangeté… tout concourt à nous immerger autant qu'à nous déstabiliser (à l'instar de cette fête new-yorkaise où l'on ne sait tout de go qui est adjuvant, qui est adversaire, ce qu'il en est réellement, quels sont les camps et pourquoi, qui se situe de quel côté, dans une ambiance étrange et tourbillonnante qui m'a rappelé en moins loufoque l'hôtel Dénouement du pénultième tome des Orphelins
Baudelaire).
Je ne savais pas où allaient me conduire ces histoires imbriquées à celle de Zachary, ces contes apparemment décousus, ces récits oniriques, ces livres dans le livre, ces quêtes secondaires. Mais j'ai accepté de me laisser entraîner, avec, pour seul fil conducteur, l'enquête de Zachary sur un livre, sur trois symboles récurrents, sur une occasion manquée enfant.
Tout s'entremêle, se répond, se complète. L'intrigue rebondit, se transforme, nous surprend tandis que le voyage se poursuit. Jeux de suppositions et de déduction, moments de tendresse réconfortante ou de doutes quant à l'avenir des protagonistes, lieux merveilleux ou inquiétants… et mise en abîme constante qui fait perdre tout repère, questionne, fascine.
Erin Morgenstern nous offre là un sublime hommage à la littérature, aux livres, aux histoires, et tout au long du roman, se croisent des titres et références variées, de Hamlet à Shining en passant par Max et les Maximonstres, James Bond ou Harry Potter. Les histoires passent aussi par les jeux vidéo (Zachary prépare une thèse sur la narration dans les jeux vidéo) qui viennent enrichir ces références collectives, et l'autrice n'oublie pas les lecteurs et lectrices qui font vivre les récits, en les lisant, en les racontant, en les partageant, en les prêtant…
À travers cette histoire, elle raconte également l'impermanence des choses, leur fin inéluctable. Même si elles semblent magiques et éternelles, il y a toujours une fragilité. Et l'histoire est celle de ce moment où la faille devient palpable, où il y a une évolution, un basculement. Une transformation dans un endroit que l'on n'a pas vraiment envie de voir changer ou des bouleversements nés des sentiments amoureux.
Le tout est évidemment porté par la plume poétique, immersive, élégante, miraculeusement fluide d'
Erin Morgenstern, qui jongle entre le fantastique et l'urban fantasy, entre réel et imaginaire, entre les atmosphères, entre l'aventure qui se déroule et le métaphorique, avec cet onirisme flou des contes et leurs thématiques universelles.
Ce roman est un labyrinthe où les histoires s'enchevêtrent, une multitude de chemin qui conduit à un lieu que l'on rêverait de pouvoir visiter mais qui restera confiné à ces pages et à notre esprit (comme le Cirque).
Un récit aussi magnifique, intense et inoubliable que le premier de l'autrice, plus complexe et dense également, mais l'effet n'a pas été tout à fait identique car le Cirque était inattendu – c'était une surprise, une pure découverte – alors que
La Mer sans étoiles était une promesse de retrouvailles, avec des attentes qui n'ont nullement été déçues.
Un roman unique, d'une originalité folle et d'une construction aussi parfaite que déroutant. Un livre inoubliable qui sera indubitablement relu.
Lien :
https://oursebibliophile.wor..