- Ces six mois ont été les plus beaux de toute ma vie, ai-je dit.
Il y a eu un moment de silence.
- Curieusement, Clark, pour moi aussi.
- Eh, Clark. Dis-moi quelque chose qui fait du bien.
- […] Et tout ce que je peux dire, c’est que tu as fait de moi quelqu’un que je n’aurais jamais imaginé devenir, même dans mes rêves les plus fous. Tu me rends heureuse même quand tu dépasses les bornes. Je préfère être avec toi - même dans cette version de toi-même que tu imagines diminué - qu’avec n’importe qui d’autre au monde.
Et puis quelqu’un a monté le son de la musique au bar et j’ai envoyé valser mes chaussures d’un coup de pied pour me mettre à danser. Ça peut paraître stupide - le genre de comportement dont on rougirait d’ordinaire. Mais là, dans l’ombre de la nuit, à moitié ivre à cause du manque de sommeil, avec le feu sur la plage, la mer et le ciel infinis, avec la musique tout autour, Will qui me souriait et mon cœur qui débordait d’un élan que je n’identifiais pas vraiment, je ne pouvais faire autrement que danser. J’ai dansé en riant, sans éprouver la moindre gêne, sans me préoccuper d’être vue.
- Certains jours, Clark, tu es plus ou moins l’unique chose qui me donne la force de me lever.
Cette soirée m’avait montré que c’était possible. Will pouvait être heureux - s’il était entouré des bonnes personnes, s’il pouvait être lui-même et non pas « l’homme dans un fauteuil », une liste de symptômes, l’objet de toutes les compassions.
- Certaines erreurs… ont des conséquences plus graves que d’autres. Mais tu ne dois pas laisser cette nuit-là devenir ce qui te définit.
J’ai senti sa tête bouger contre la mienne.
- Toi, Louisa Clark, tu peux choisir qu’il n’en soit pas ainsi.
Alors j’ai pleuré. Sans sangloter, cette fois. Les larmes coulaient en silence, et me disaient que quelque chose d’autre s’en allait de moi. La culpabilité. La peur. Et d’autres choses encore, pour lesquelles je n’avais pas encore trouvé de mots.
- On n’a qu’une vie, Clark. C’est le devoir de chacun de la vivre aussi intensément que possible.
Je ne regardais plus les cicatrices de Will. Pendant un temps, elles ne m’avaient évoqué qu’une tentative de suicide. Désormais, je ne voyais rien d’autre que Will - tour à tour exaspérant, lunatique, intelligent et drôle -, qui me traitait un peu avec condescendance et aimait à jouer les professeurs Higgins avec son Eliza Doolittle. Son corps était juste une donnée de l’ensemble, une chose dont il fallait bien s’occuper de temps à autre, avant de pouvoir revenir à la conversation. Je crois bien que ce corps était devenu la partie la moins intéressante de lui.