♫ One night in Atlanta makes a humble man hard ♪ (1)
Une nuit dans le quartier de
Darktown (Atlanta) pourrait rendre un homme humble, dur. Car la vie dans le quartier pauvre n'est pas facile.
Les habitants, Noirs, doivent se battre tous les jours contre les injustices, les non-droits, les brimades des Blancs, les manques de moyens des écoles…
Lorsque tu penses que cela va aller mieux, les Blancs en rajoutent une couche pour que les Noirs restent bien à leur place, loin d'eux. Bref, la vie n'est pas simple.
Les deux romans précédents étaient consacrés à notre duo de flics Noirs, Lucius Boggs et Tommy Smith. Ce dernier a démissionné de la police afin de rejoindre l'Atlanta Daily Times, principal journal noir d'Atlanta. Peut-être qu'en tant que reporter, il pourra faire évoluer certaines mentalités, dénoncer des injustices…
Cela m'a fait drôle de ne plus avoir Smith aux côtés de Boggs. J'aimais leur duo, diamétralement opposé et qui fonctionnait pourtant bien, avec ses hauts et ses bas. Heureusement, Tommy n'a pas oublié ses anciens réflexes de flic et lorsque son boss, Arthur Bishop, se fait assassiner dans son bureau, il va mener l'enquête et découvrir des choses…
Une fois de plus, l'auteur frappe en grand coup avec ce roman noir, bien que différents des autres. Nous aurons toujours des entrées dans le poste des policiers Noirs, nous suivrons l'enquête de leur lieutenant, mais nous passerons plus de temps avec le journaliste Smith et dans l'enceinte de son journal.
C'est une page d'histoire que l'auteur nous ouvre, sortant les squelettes des placards, la pourriture des pages américaines, avec le racisme, la ségrégation, l'absence de droits pour la population Noire.
Un vent de révolte souffle sur l'Amérique, les temps changent, ou veulent changer. À Montgomery, les Noirs boycottent les bus,
Rosa Parks a refusé de céder sa place à un Blanc, on parle de déségrégation dans les établissements scolaires, que des Noirs pourraient aller étudier dans les écoles des Blancs. Et ça, les Blancs n'en veulent pas.
Il est à noter que les termes utilisés par certains personnages pour parler des Afro-américains est le "N word", ce qui pourrait choquer les adeptes de la cancel culture ou toute autre personne qui ne veut pas entendre, qui ne veut pas savoir. le mot est choquant, bien entendu, mais en 1956, si les Blancs avaient utilisé le terme politiquement correct, ce serait un putain d'anachronisme !
Ce roman met aussi en lumière les difficultés pour des Blancs de fréquenter des Noirs (et vice-versa), ce qui était hyper super mal vu à l'époque. Joe McInnis, le lieutenant Blanc, responsable des policiers Noirs, en sait quelque chose. Ce troisième opus le met un peu plus en avant.
Lui n'utilise pas les vilains mots pour désigner les Noirs, mais il est sans cesse sur la corde raide. Ses policiers Noirs voient en lui un Blanc et les Blancs voient en lui un ami des Noirs (ils utilisent l'autre mot, bien entendu). Il n'est pas facile d'être le seul face aux autres. Comme le disait Dumbledore "Il faut du courage pour affronter ses ennemis, mais il en faut encore plus pour affronter ses amis".
Personne n'est atteint de manichéisme, dans ce roman sombre, tout le monde évolue comme il le peut, dans un monde où l'injustice règne en maître, ou les Blancs ne veulent pas perdre leur hégémonie, partager leur ville ou leurs écoles avec des Noirs et où ces derniers ne demandent pas grand-chose, juste d'avoir des conditions décentes de vie.
Sans jamais sombrer dans le pathos, l'écriture de
Thomas Mullen est trempée dans l'acide, sa plume est une épée qui tranche mieux que le fil affuté d'un poignard.
Il dénonce, sans pour autant que les procès soient à charges, mais il ne se prive pas de dénoncer la laideur de la société américaine des années 50 (et même de l'après Première Guerre Mondiale où on lynchait des soldats Noirs vétérans de la Grande Guerre).
L'enquête est complexe, aura des ramifications un peu partout et nos enquêteurs auront bien du mal à trouver le coupable du meurtre et à mener des investigations alors que les flics Blancs ont déjà bétonné le dossier en accusant une possible innocente. Il faudra rester concentré sur sa lecture.
Un roman noir décrivant une période encore plus sombre, mais ô combien réaliste. Une trilogie explosive, que j'ai lue avec grand plaisir, même si j'avais les sangs qui bouillonnaient.
(1) One night in Bangkok de
Murray Head – après une mini transformation.
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