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Critique de cprevost


Herta Müller a reçu cette année le prix Nobel pour avoir « avec la concentration de la poésie et l'objectivité de la prose, dessiné les paysages de l'abandon, de l'oppression, de la peur, de la trahison, de la répression, de l'humiliation». Dans « La convocation » l'auteur nous dit la douleur du « rester » dans la Roumanie de Ceauşescu et l'impossibilité de simplement rêver le « partir ».
La narratrice, prête à épouser n'importe quel Italien pour sortir du pays, a glissé un message dans la poche d'un pantalon qu'elle confectionnait pour une maison de couture transalpine. Depuis, dénoncée par son collègue, elle est convoquée inlassablement par la Securitate et absurdement interrogée par un officier rotor. le texte est d'une absolue noirceur avec cependant quelques éblouissements poétiques qui disent la beauté irrépressible du monde. Ainsi, au point du jour sur le chemin de l'interrogatoire, la lune ne sait où aller, le ciel doit lâcher le sol et les tramways sont autant de pièces éclairées… La technique du récit est également exemplaire. Nous sommes, tout au long du roman, dans l'espace clos du tramway en chemin vers celui qui ne manque jamais d'humilier la narratrice. L'angoisse est omni présente et trois récits s'enchâssent : le trajet, le conducteur et les autres passagers ; le retour sur les épisodes marquants de sa biographie (métaphorique de celle de l'auteur ?) ; et enfin la réalité imminente et terrible de l'interrogatoire qui s'impose par intermittence.
C'est un monde grisâtre d'enfermement que nous montre Herta Müller. Les rapports entre les êtres semblent envisager d'un point de vue uniquement matériels où le rapport à l'autre est souvent instrumenté. Peut-être les liens du personnage principal avec son mari alcoolique et avec sa meilleure amie Lilli qui meurt lors d'une tentative d'évasion, échappent à cela ? « La convocation » est manifestement un texte du ressentiment – par ailleurs parfaitement compréhensible et légitime de la part de l'auteur– qui fait cependant à mon sens peu de place à l'intelligence, la sensibilité et l'humanité incoercibles de l'Individu. Est-ce que les régimes de l'Est ont pu gommer totalement ses qualités humaines ? Il manque aussi ici, me semble-t-il, un peu de la force, de la lucidité de penser contre soi. Herta Müller, souabe du Banat, fille d'un ancien soldat de la Waffen SS, appartenant donc à une minorité allemande de Roumanie au lendemain de la terrifiante deuxième guerre mondiale, met peu de chose de cette complexe biographie et de l'Histoire contemporaine, cela nous aiderait pourtant à « surmonter l'insurmontable ».

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