La nature, en nous éloignant des vanités de la civilisation, en nous arrachant aux automatismes de la ville, aux petites histoires qu'on s'y invente, à la vitesse, nous offre l'occasion de nous déprendre de nos conditionnements, de reconquérir un libre arbitre malmené, d'oublier un peu son nombril pour considérer quelque chose de bien plus grand que soi-même, quelque chose qui nous dépasse. La société contemporaine dicte nos désirs, exalte la compétition, produit l'insatisfaction, valorise l'agitation et condamne la contemplation. Elle fait de nous des êtres engoncés, impose des existences étriquées (...). La nature explose ces cadres, atomise ces diktats, nous rend la liberté et le temps perdu. Je crois que la nature rend moins con.
La mort est l’incontournable tabou de nos sociétés. La rendre invisible, c𠆞st effacer un peu de sa réalité. »
« Nous avons intériorisé l’irresponsabilité. Parce que c𠆞st confortable, parce que ça fait marcher l’industrie et rentrer les profits. »
« Faire rien est une activité que j𠆚i appris à prendre très au sérieux
Vendre l𠆚pocalypse demande moins dorts que penser la renaissance.
Je progresse. J'aiguise mes sens. Je touche, je manipule, J'écoute, je vois, bien sûr.
A Paris, mes sens sont peu mobilisés. Ils sont agressés. Je ne les aiguise pas là bas, j'ai tendance à les subir.
Pour rien au monde, bien entendu, je ne souhaiterais être privée de l'un de mes sens. Il n'empêche qu'ils sont les vecteurs d'agressions, d'intrusions.
Je subis l'odorat. Car à Paris on subit les émanations incessantes des pots d'échappement, les relents des poubelles, l'hystérie des enseignes de parfums, les fragrances toxiques des détergents, les haleines chargées des wagons bondés.
On avance dans ce patchwork peu engageant.
L’ouïe n'est pas mieux traitée. La cacophonie de la vie parisienne est proprement intolérable pour une paire d'oreilles venues d'un village tranquille. Vrombissement de moteurs, point-mort, première, point-mort, première, accélération vengeresse, klaxons, cris excédés, sirène de pompier, sirène de police, efforts poussifs des camions poubelles, chute assourdissante du verre dans la benne, rumeurs d'escalators... Le silence est si rare...
Nous voguons. Doucement nous voguons. J'enfonce bien ma pagaie, je tire fort mais nous voguons doucement. Nous prenons à droite, à gauche, la rivière est une déesse à mille bras. Certains sont étroits, on y distingue à peine le ciel, immergés qu'ils sont dans un tunnel de vert, dans un écrin végétal. Des ragondins plongent, disparaissent, d'interminables racines affleurent et sculptent les rives, j'évolue dans un tableau.
Si les talents dont nous sommes doués s'effondrent devant les tâches de la vie, s'ils se dessèchent ou qu'ils se déchaînent, nous n'avons à nous en prendre qu'à notre fuite par rapport à la nature, à l'âge d'or de nos ancêtres les plus reculés (celui-ci ne revenant que dans nos rêves). Cette fuite conduit à supprimer notre naturel et engendre une hypercivilisation qui tyrannise l'âme.
Carl Gustave JUNG