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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
C'est un cri de douleur et de désespérance.
Une jeune femme à qui sa fille a été confiée à l'adoption, lui écrit une lettre . Sous la forme de chapitres-mouvements, avec poésie, elle tente de lui expliquer sa vie d'exilée, paupérisée et addictive aux drogues dures.
Elle a pourtant essayé, mais ses démons l'ont rattrapés.
Il en ressort un petit livre bijou, même si le sujet tristement d'actualité nous laisse un gout amer et un petit moral.
#les68premieresfois#sélection2024#
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Ce texte, c'est d'abord et avant tout une voix, celle d'une mère junkie qui vient de perdre la garde de sa fille encore bébé, et s'adresse à elle, « ma douce », pour le jour où elle osera demander qui est sa mère biologique.

Une voix en seize chapitres nommés très justement « mouvements » tant le texte est mobile, liquide avec sa forme versifiée qui oscille entre prose et vers libres. N'étant que peu habituée à cette forme poétique, il m'a fallu un peu de temps pour m'habituer et que le cri de cette mère me parvienne et que son instinctivité, sa sincérité brute me touche.

« L'écriture surgit de l'absence. Si je trace des plans sur le grand vide, sauras-tu funambuler jusqu'à moi ?
Je me suis dit : le fil, tisse le fil, je me suis dit : tresse le langage,
et la corde
jetée dans l'océan pour que tu puisses franchir le jour.
Il s'agir de vivre.
Aller de minuit à minuit,
encore
et encore
et encore. »

La déstructuration de ces phrases, avec leur syntaxe dérangée par les retours à la ligne, saccade le rythme de lecture pour dire au plus profond la fibre humaine qui anime cette mère déchue dont on découvre le parcours tragique, de l'enfance saccagée à la toxicomanie irréversible. On reçoit immédiatement toutes les nuances des mots choisis avec précision par l'autrice. La liberté de l'agencement des mots répond à la liberté trouvée à écrire, donnant ainsi un pouvoir sur le réel.

« Ils disent qu'on vit sur la colline du crack.
On vit sur le seul bout de terre
qu'ils nous ont laissé.
On crève.
On a l'iris-océan sur la dernière
grève et si la fin vient à venir, s'ils nous chassent
de la colline, on prendra les égouts et le silence de la nuit
pour leur rappeler qu'on existe. »

Le sujet n'est pas l'addiction, même si elle est très présente avec cette « colline du crack - «  grand charnier hurlant à l'ombre de la ville des lumières et du pays de l'égalité, de la fraternité et de la liberté » - où vit la mère ; il s'agit avant tout de solitude de l'être, d'une femme, non blanche, née pauvre, à qui Sarah Mychkine donne la parole comme elle la donnerait à quelqu'un qui n'est pas censé l'avoir, une de ses invisibles, marginaux considérés comme un rebut de la société.

« Si tu savais,
je t'aimerai jusqu'à ce qu'ils me tuent,
parce qu'ils finiront par nous tuer,
à menton-poignard
d'indifférence.
Mais je t'aimerai
jusqu'au bout et au-delà encore.
Je t'aimerai pour tous leurs silences, ma douce. »

Le récit se fait rapidement politique car la mère, à la fois martyre et témoin, veut montrer à sa fille la réalité d'un monde qui crée de la violence, maltraite les corps des plus faibles et tolère la misère sociale du moment qu'elle est loin des regards. La mère crie pour être, comme un contre-récit à la déréliction qui l'entoure et la submerge. Elle crie pour s'arracher à sa condition de mère-néant, guidée par cet amour maternel qu'elle crie dans le silence car cette adresse sera forcément sans réponse.

« Pardonne-moi.
J'aurais voulu accoucher de soleils pour que tu te saches plus
grande que l'univers.
Pardonne-moi.
Entre mes cuisses,
il n'y a que poussière. »

Un très beau texte à fleur de mots souvent au flow déchirant et puissant.
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Livre lu dans le cadre de la sélection 68premiéresfois2024.
De plus, une maison d'édition dont je découvre certains ouvrages après des rencontres Vleel et qui a de jolies couvertures avec ces ronds qui nous ouvrent un univers.
Pour celui-ci, avec un titre énigmatique, une peinture avec une jeune femme dans une sorte de fenêtre.
Ce texte est une lettre écrite par une mère à sa fille, qu'elle a dû abandonné ou plutôt que l'on a obligé à abandonner.
J'ai eu envie de lire à haute voix ce texte, bouleversant.
Comme la phrase mis en exergue de Sony Labou Tansi : "Si vous avez peur, c'est que vous êtes dans le camp de la catastrophe. C'est que vous fuyez la vie et çà ne suffit pas pour exister.", ce texte est un cri d'espoir malgré les éléments noirs de cette vie.
Il y a dans ce texte de l'encre, de la sueur, de la saline et du sang.
Un texte qui bouleverse, interroge, interpelle mais ne laisse pas indifférent et au fur et à mesure des paroles, nous arrivons à situer la vie de cette mére et son cri de désespoir et d'espoir vis à vis de son bébé.
"Il faut que tu te souviennes
mes arrières grands-mères, mes arrières grands pères;
la chaîne de souffrance infinie dont je suis le dernier maillon,
la grande machine coloniale qui a réduit les terres de nos ancêtres à des éponges de sang et le chant des espoirs creux qui poussent les nôtres à prendre la mer pour retrouver la misère et la haine sous un autre visage." p128
"Un jour, tu leur demanderas qui est ta mère, et dans cette lettre, tu liras tous les creux qu'ils n'ont pas su remplir" p106
Ce texte aborde le sujet de l'abandon, du placement "pour leur bien" mais aussi de ne pas effacer les premiers moments de la vie, malgré des difficultés. L'auteure aborde aussi le passé et en particulier, celui de la colonisation, décolonisation, de l'addiction aux drogues, de la capacité ou incapacité d'élever des enfants, de l'abandon, du placement.
Mais c'est surtout un texte poétique, un cri de douleur, d'espoir qui pourrait être lu sur scène, scandé, chanté..





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Ce premier roman est composé du texte de la longue lettre en prose poétique qu'une jeune toxicomane adresse à sa fille nouveau-née dont la garde vient de lui être retirée. Articulé en seize mouvements plus un post-scriptum, chacune de ses phrases constitue un paragraphe qui se présente graphiquement tantôt scandé comme par des vers, tantôt en continu.
Contrairement à ce qu'avance la quatrième de couverture, la poésie n'est aucunement lumineuse ni ne parvient à conjurer la noirceur de son sujet. À l'inverse, dans le ton vrai d'un désespoir plombant, étouffant, irrémédiable, le texte restitue avec un réalisme extrême les sentiments de déchirement face à la séparation et d'urgence à communiquer un message, seul lien hypothétique avec la future adulte qui s'interrogera sur l'identité de sa génitrice. Dans ce texte hachée qui possède la puissance d'un cri de détresse mortifère, incarnant un lien de filiation à la vie à la mort, on suit le passage entre plusieurs étapes émotionnelles, qui se chevauchent avec quelques allers-retours. Il y a une adresse haineuse à « ils », les nantis, les assistantes sociales qui lui ont arraché son enfant et l'élèveront dans le mépris d'elle, les gens normaux qui sont capables de vivre et d'aimer, les personnes qui n'appartiennent pas à la marginalité, ni colonisés ni dominés ; il y a ensuite une introspection sur soi et son passé, adresse honteuse et humiliée à son identité de victime d'inceste, d'addict au crack par choix et par nécessité ; il y a enfin l'adresse implorante au « tu », « Ma douce », entre le souvenir de l'espoir d'une catharsis par l'amour maternel naissant, par la stupéfaction de l'apparition d'une nouvelle vie séparée de la sienne et le constat de la défaite devant son incapacité d'aimer. Il y a l'anticipation de la future recherche de ses racines par sa fille, une lucide exploration de son addiction, une féroce description de la « colline » mais surtout de la maladie d'exister dont elle est atteinte. Lecture-blessure à l'arme blanche, elle provoque un malaise dont on ne se remet pas facilement.
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Très beau roman en vers. le découpage en "mouvements" fait monter la tension tout au long du récit, à mesure qu'on comprend mieux l'histoire de la narratrice. C'est dur, touchant, et écrit dans une langue rythmée en limpide. C'est une très belle découverte !
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Une mère a une heure pour écrire une lettre à sa fille, son bébé qu'on vient de lui retirer. Elle est accroc au crack et ne peut s'occuper d'elle. le roman se découpe en 16 mouvements et un post-scriptum. Elle raconte par bribes sa vie et fonde en elle ses espoirs. Que peut-elle lui transmettre en une heure ? aura-t-elle cette lettre un jour ? est-ce qu'elle demandera qui est sa mère ?
Ce premier roman oscille entre prose et poésie. Sara Mychkine a publié au préalable un livre de poésie aux éditions Frison-Roche Belles-Lettres en 2022. C'est une écriture très poétique qui ressort de ce roman. Une voix qui dénonce la misère des générations issues du colonialisme, le combat de l'émigration, le racisme, la violence et la misère. Elle a été victime d'inceste. Elle voit le regard des hommes et sait que son corps lui permet de gagner de l'argent pour avoir de la drogue. Elle vit un temps dans un hôtel social avec sa fille avant de replonger et de rejoindre les tentes sur la colline de Paris pour trouver du crack.
J'ai trouvé ce premier roman puissant et intéressant. Il est publié par les éditions le Bruit du monde qui ont « pour vocation de révéler une littérature capable d'enrichir nos imaginaires et d'élargir nos horizons ».
Ce roman est certes noir et violent mais très poétique et empli d'amour. Finalement ce que recherche cette mère dans son malheur extrême, c'est un peu d'amour. Son écrit est une lettre d'amour à sa fille. Elle a une heure pour l'écrire et je l'ai lu en une heure. Et vous, avez-vous une heure pour plonger dans la vie de cette femme et mère torturée ? Aimez-vous être bousculé par vos lectures ?
Lien : https://joellebooks.fr/2023/..
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Lu d'une traite, difficile de formuler mes pensées sur ce livre.
Ecrit dans un style épuré et cinglant, il raconte l'amour d'une mère pour sa fille qu'elle a dû abandonner. Un récit touchant, déstabilisant, qui donne le vertige.
J'avoue ne pas avoir tout compris à cause du style de l'autrice (la poésie, c'est pas mon fort) mais je l'ai tout de même beaucoup apprécié.
Attention aux nombreux TW :
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