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Critique de Fleitour


Un hommage à l'art culinaire, un art que la Cheffe va féminiser et sublimer.

Un portrait de femme par Marie NDiaye est toujours un voyage dans le temps, et dans l'espace infini des coeurs, qu'un phrasé fluide et envoûtant, va porter, depuis l'enfance jusqu'au plus haut de sa quête, à son apogée, une retraite que l'on devine, après un si long périple.

Les personnages qui accompagnent la Cheffe sont ses complices, ses aides ou ses cobayes, ils sont tous liés à son aventure, Marie NDiaye ne se disperse pas, la vie de la Cheffe est scannérisée, ceux-ci vivront pas à pas son ascension, ses bonheurs, ses doutes, l'affirmation d'une ascèse, la cuisine, une discipline portée au plus haut d'un art total et universel.

Le roman s'ouvre sur son enfance sur la pauvreté subie, voulue par ses parents comme une grâce, le travail juste pour nourrir une famille où le luxe est inutile, suspect. Ses parents lui enseignent la probité, la rigueur,le dépouillement.
La cuisine de la Cheffe émergera de cette simplicité, de bannir le clinquant l'esbroufe ou le trop plein.
Ses parents l'a mettrons au service de la famille Clapeau. Auprès de la cuisinière elle va découvrir cet univers qui deviendra son Graal, observant analysant elle deviendra la petite cuisinière des Landes, celle que le couple Clapeau fins gourmets considéreront "comme leur enfant"p134.

Un scrupule, ou comme un grain de sable qui enraye la vie de la jeune femme ; elle est enceinte, n'y a t-il pas de père ? Elle donne la vie à une petite fille. Il lui faudra des mois avant qu'elle reprenne son chemin, sa quête, car comment y échapper, "dès lors que le souffle de la cuisine avait bien voulu la visiter de nouveau.p155 "

Sa fille bien aimée, restera comme un gros caillou dissimulé dans sa chaussure et qui viendra sans cesse la provoquer, l'interroger sur son amour, l'ayant confiée à ses grands parents, la Cheffe cherchera sans cesse, "avec ferveur de racheter sa défaillance,p149 ".

Le dernier personnage, le narrateur, rentré jeune apprenti, serviteur zélé de la cheffe, son assistant, voue à la cheffe un amour passionné, sans retour, c'est lui qui recueille les confidences de la Cheffe, raconte son histoire, rend palpable le niveau d'exigence de ce grand chef qui décroche une étoile.

Adulée, pour son art, critiquée pour son caractère entier, âpre,
elle repousse les honneurs, comme ces compliments scolaires, les bons points de ceux qui ont bien répondus, "non me dit la cheffe : Si on me récompense, c'est que j'ai démérité. P231"

Elle se situe ailleurs sur une autre exigence en recherche d'une pensée d'une morale ou d'une espérance P142.
La préparation de la tarte aux pêches est un moment de pur bonheur. Toute la pensée de la Cheffe s'exprime dans ce point final qui ne doit ni effacer le souvenir des autres plats, ni égratigner le palais du gourmet, ni en mettre plein la vue, juste ce qui tombe bien, la délicatesse comme le baiser d'un au revoir soulignant tous les meilleurs moments sans en oublier aucun, la Cheffe avait cette classe.

Des lettres accompagnent cette narration, celles que l'assistant adresse à la Cheffe, il est parti vivre à lloret del Mar, récit étrange en décalage dans le temps, en italique, comme pour nous signifier qu'un jalon est posé pour continuer l'oeuvre de la Cheffe.


De Marmande à Bordeaux Marie Ndiaye à sillonné ces routes, côtoyé ces restaurateurs, ces êtres habités par une religion qui touche l'âme et la sensualité du corps sans rien oublier ni des couleurs ni des arômes.

Une femme la touchée, une autre femme puissante, fragile, sensible et déterminée à exister et construire sans chercher à plaire, comme si tous ses convives ressemblaient aux Clapeau, admirateurs simplement émerveillés.

Un roman au goût de miel sauvage, tellement féminin.


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