[···] s'il est vrai qu'une analyse parvient à libérer un individu d'un certain nombre de ses entraves, elle n'a jamais prétendu le désinsérer de la totalité de ses déterminants.
Malgré la dénonciation et l'opprobre dont il n'a jamais cessé d'être l'objet, l'adultère a en effet toujours eu cours. Comme s'il constituait, pour l'humain, une expérience tentatrice au point de se sentir condamné à devoir la traverser tôt ou tard dans sa vie. (…)
On sait qu'il y a au, de tout temps et dans tous les codes, au sein de société unanimement dénoncées aujourd'hui pour leurs excès "machistes", des commandements condamnant cette pratique. Adressés aux seuls hommes et stigmatisant l'attrait féminin, qualifié de diabolique, ils les engageaient à ne pas y céder et à réfréner la violence de leurs pulsions sexuelles. Force est de reconnaître que les résultats obtenus n'ont guère été brillants. Car ces mêmes hommes n'ont pas cessé de mener une sourde lutte contre l'injonction qui leur était faite. " La chair est faible", ont-ils plaidé, ce dont ils ont rendu les femmes coupables au point de justifier le sort qu'ils leur ont réservé : de l'invention puis de la réglementation de la prostitution à la maltraitance légale des femmes, avec les règles iniques des jugements pour faute dans les procès de divorce, en passant par toute une littérature légitimant en les magnifiant les exploits sexuels masculins.
Il n'y a pas dans l'adultère un agent actif coupable et une victime trahie ; il n'y a de part et d'autre que des victimes, innocentes, de leurs histoires respectives.
La clinique, comme on sera amené à le vérifier au fil des cas qui seront exposés, démontre à cet égard que l'adultère en tant qu'acte n'est jamais, jamais, l'effet d'un caprice ou d'un hasard. Il s'inscrit toujours dans un parcours existentiel dont nombre d'éléments proches ou lointains auront rigoureusement déterminé sa survenue.
Le sens commun a toujours plus ou moins associé l'adultère à l'insatisfaction sexuelle de la personne qui s'y adonne. Au point de manifester à son égard autant de compréhension que de mansuétude. Sauf dans certains pays, stigmatisés à juste titre pour leur obscurantisme et la violence des sanctions qu'ils continuent à prendre à leur endroit, les amants ont toujours bénéficié d'un capital de sympathie. L'amour, censé les avoir poussés à transgresser les engagements qu'ils ont pris, est une denrée beaucoup trop précieuse pour qu'on s'autorise à en juger.
A tous les couples, à ceux qui ont affronté la tempête en la combattant sans désespérer, comme à ceux qui y ont parfois sombré faute d'avoir été suffisamment gréés par leurs histoires.
seuls les paranoïaques sont convaincus de la fidélité de leurs femmes.
On ne peut pas, en effet, « être deux » quand un troisième vient s’immiscer et confisquer ce « deux » lui-même à son propre bénéfice.