Citations sur L'Obstiné : Confessions du flic qui exhume les cold cases (12)
Les affaires se suivent, c'est une litanie, le chapelet des horreurs ne connaît pas de trêve. Et on ne peut s'empêcher de constater que les victimes d'homicide, hors contexte de bagarres, sont souvent des femmes, aux carences affectives initiales ou à la vie sentimentale cabossée, rêvant d'être enfin aimées, au point de le croire contre toute raison.
Marie-Rose Blétry m’a trouvé sobre. C’est tout ce qui devrait m’importer, mais malgré moi, je continue à souffrir de ne pas avoir trouvé dans la police la grande famille dont je rêvais. Page 247
Parfois, après une journée où j'ai la sensation d'avoir perdu mon temps, je me surprends à vouloir tout arrêter, mais je n'ai que cinquante ans. j'envisage de renouer avec ma passion de jeunesse pour la photographie, ou de me lancer professionnellement dans l'ébénisterie, qui absorbe beaucoup de mon temps quand je ne travaille pas. Mais je me ressaisis toujours, rattrapé par le facteur humain. Je tente de réparer les victimes, j'essaie d'orienter les coupables vers la prise de conscience pour les détourner de la récidive, je pèse sur le cours des vies, très concrè-tement. Qu'irais-je faire de plus précieux ailleurs ?
Deux choses me marquent dans un procès, la satisfaction d'avoir bien travaillé et que ce soit derrière moi, mais aussi une peine profonde car nul n'est jamais pleinement heureux de voir partir un homme en prison. Je n'ai jamais de joie. C'est plutôt une délivrance. Après, les nerfs lâchent. On s'effondre, sans aucune envie de déboucher le champagne. On ne danse pas sur une vie qui se terminera peut-être derrière les barreaux.
Je me fais à l'idee que la police en laquelle je crois est dans ma tete et dans mon cœur.
Dans mon métier, on apprend la patience. Attendre pour rencontre un témoin, voire un suspect potentiel, attendre les rapports d'expertise, attendre des autorisations de la justice, des autorités médicales, attendre des résultats d'investigation technique, nous passons notre vie à attendre, sans jamais avoir le temps de nous ennuyer.
Je n'oublie jamais qu'un cold-case, c'est un corps autrefois plein de vie, mais aussi un assassin dans la nature, chose aussi moralement inacceptable que potentiellement dangereuse. On n'a pas le droit de lâcher. Et aucune possibilité d'oublier.
Mais faut-il conditionner nos actes à la reconnaissance qu'ils nous valent, ou à la valeur absolue de la justice, qui n'est subordonnable à rien? Ma réponse tombe vite. J'ai choisi ce métier pour la gloire, oui... Mais la gloire de Dieu. Quitte à faire ricaner. C'est moi qui vit avec mon âme et conscience à plein temps. Alors, le regard des autres...
La poésie de la vie, comme la prière, me donnent des forces pour affronter le pire. Toujours aller chercher la lumière pour mieux traverser la noirceur. Page 227.
J'ai pris le large de la P] pour mener cette vie simple, mais parfois, la culpabilité m'effleure. N'est-ce pas un tort? Une lâcheté? Au fond, ne pas dénoncer ce qui dysfonctionne dans l'institution est une façon de faire perdurer son dysfonc-tionnement. Sauf si on parle, ce qui n'aurait jamais été possible sans prendre de la distance.