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Critique de Denis_76


Lire et critiquer Nietzsche est toujours passionnant pour moi.
Nietzsche poursuit son combat contre le christianisme qu'il avait commencé avec Aurore ( 1882 ). Cette fois, il y va à coups de marteau, selon son expression !
Il déplore que Blaise Pascal se soit laissé convaincre, qu'Emmanuel Kant défende un impératif catégorique ( Tu dois ) comme le fait l'Eglise.
Nietzsche n'attaque pas Jésus, qu'il voit comme un innocent, presque comme un doux dingue.
Celui qu'il attaque est l'apôtre Paul qui a utilisé le sacrifice de Jésus et le symbole de la croix pour contrer, anéantir, dit-il, les forts, les hommes vigoureux de Rome, et carrément la civilisation gréco-romaine.
Paul prêche :
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"Ce qui est faible aux yeux du monde, ce qui est folie aux yeux du monde, ce qui est vil et méprisé aux yeux du monde, Dieu l'a choisi."
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Autrement dit, Paul utilise la masse des défavorisés, la tchandla, la masse des gens pour, relayé par les prêtres, diffuser la sainte parole qui prône la gloire de l'âme après la mort pour tous ceux qui n'auront pas péché, l'enfer pour les autres.
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Mais, écrit notre cher Friedrich, qui a vu l'après-mort, ou la résurrection du Christ ?
Qui peut décrire l'enfer ?
Où sont les preuves scientifiques de tout cela ? Quelle est la preuve de la béatitude ?
Tout cela est mensonge pour stopper net les progrès de la civilisation éclairée des Grecs et des Romains qu'il chérit.
Paul, grâce aux déshérités, devient puissant, mais les scientifiques mettent Dieu en question, donc les prêtres s'acharnent contre la science : ils provoquent des guerres pour occuper les gens, et promettent un châtiment pour les paralyser de peur. ( Cela fonctionne si bien que les riches payent des fortunes, les simonies, pour laver leurs péchés. )
Les chrétiens vont à l'assaut de l'aristocratie et de ses valeurs, et Nietzsche, le philologue, "attrapeur de rats", saute au plafond ( an die decke springen ) à l'épluchure ( c'est son métier ) de la bible, des évangiles et des mensonges proférés :
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"On ne saurait être philologue et médecin sans être d'emblée du même coup antéchrist. En tant que philologue, on regarde en effet derrière les Saintes Ecritures ; en tant que médecin, derrière la déchéance physiologique du chrétien typique. le médecin dit :
"incurable" ;
le philologue : "supercherie".
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Pour une fois, et c'est rare, je loue tout le travail de recherche du traducteur Eric Blondel, qui m'a aidé dans ma lecture, de par se culture transversale pointilleuse des philosophes. Cependant, sa thèse qui confirme le combat de Paul contre l'empire romain ( sic ) reste à développer, elle m'intéresse.
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Ce livre, comme la dizaine de Nietzsche que j'ai épluchée, m'a passionné car il m'interroge à plusieurs titres ( ah, que j'aurais aimé être prof de philo ! ) :
1 ) beaucoup de concepts du philosophe sont flous, plus ou moins volontairement ;
2 ) Certains concepts prêtent à confusion :
-- la volonté de puissance de Paul est bien sûr différente de celle de Nietzsche ou de son Zarathoustra, puisque leurs valeurs sont diamétralement opposées ; cependant, la langue allemande ou française n'est pas assez riche pour faire le distingo ; il en est de même pour les "âmes", terme utilisé abondemment par les prêtres, mais aussi par notre philosophe, je pense dans un sens différent ;
-- " l'instinct", en tant que notion nietzschéenne, n'est définie nulle part.

Bref, ce livre est bien écrit, et les aphorismes sont liés entre eux vers la ligne directrice forte, ce qui prouve que le chercheur a trouvé...ce qu'il cherchait !
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Quelques questions m'interpellent :
-- le christianisme est-il une révolution pour l'égalité comme l'est celle de 1789 ? Un parallèle serait intéressant à analyser.
-- Luther a combattu la Renaissance, dit Nietzsche ; je ne suis pas d'accord, enfin, comme lui, je n'étais pas né pour le voir, mais Luther a surtout lutté contre les simonies, pas contre l'art italien.
-- Rousseau ; le philosophe s'en prend au pauvre Rousseau ; qu'a donc t-il fait de blâmable ( à part abandonner ses enfants ), il ne le précise pas.
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Enfin, bref, ce fut une partie de plaisir, de recherche, et de remise en question, et notamment, il faudrait que je me plonge dans la bio de Paul, et dans la chute de l'empire romain.... et même si les prêtres n'ont pas besoin de voiture car les habits sacerdotaux, ce n'est quand même pas un miracle :)



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