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Critique de 5Arabella


Les études universitaires de Nietzsche, après un bref passage par la théologie souhaité par sa mère, se sont orientés vers la philologie classique. C'est dans ce domaine qu'il obtient une chaire à l'université de Bâle en 1869. Son intérêt pour la philosophie s'est éveillé par la suite, et sa formation dans ce domaine est celle d'un autodidacte. A Bâle, il donne des cours sur divers sujets en rapport avec sa spécialité : les lyriques grecs, Sophocle, l'histoire de la tragédie grecque etc. Il écrit des textes à partir de ces matériaux, certains édités sous forme de brochures. Ces travaux vont constituer la base de son premier livre, La naissance de la tragédie. Terminé en 1871, il est d'abord refusé par l'éditeur, Nietzsche édite des extraits à son compte, puis le livre est finalement publié au début de 1872.

Si le sujet paraît se rattacher à la philologie, et Nietzsche, de par ses fonctions avait obligation de publier des textes se rapportant à la philologie grecque, il s'agit avant tout pour lui, de faire oeuvre de philosophe. C'est en quelque sorte l'ouvrage fondateur de sa pensée philosophique, dans lequel une grand partie des thématiques et questions récurrentes dans son oeuvre apparaissent.

Dans la première partie de l'ouvrage, Nietzsche expose ses hypothèses sur l'origine de la tragédie grecque. Il cherche l'origine de la tragédie dans la musique : il pense que le théâtre est né du dithyrambe chanté par un choeur autour de l'autel de Dionysos, le dieu de l'ivresse. Ce n'est que dans un deuxième temps que les acteurs, leurs paroles, leurs actions, qui produisent les héros tragiques à proprement parler, ont gagné en importance. Les parties chantées se seraient progressivement développées pour constituer la tragédie telle qu'elle nous a été transmise. Il faut dire que Nietzsche accorde une grande importance à l'art, et il place la musique en tête de tous les arts. La musique se passe des mots, et arrive par ses moyens à dire l'indicible ; elle laisse les impressions, sensations se déployer. Il associe la musique à Dionysos, le principe dionysiaque est signe d'une adhésion totale à la vie. L'artiste dionysiaque ne représente pas, il fait ressentir – la joie, la douleur. Sa forme d'expression par excellence, c'est la musique, la danse, le chant.
Mais pour arriver à la tragédie, il faut aussi Apollon : ce dernier est le dieu de la lumière, de la clarté, de la belle forme, des contours précis. Il s'exprimera de préférence dans la sculpture, la peinture, l'architecture, à travers les formes plastiques en général, et également dans la poésie épique, qui met en scène des individualités, des héros.

C'est l'association des deux, du dionysiaque qui par la musique, de sa capacité à faire ressentir, au-delà du mot, qui relève du monde des phénomènes, l'essence du monde, et l'apollinien qui donne une apparence belle et harmonieuse, dans la sérénité, la maîtrise de soi que s'est construite la tragédie grecque, qu'elle a atteint son apogée, sa perfection.

Mais dans la deuxième partie de son livre, Nietzsche évoque ce qu'il pose comme le déclin du genre tragique chez les Grecs. Il associe ce déclin à Euripide et à Socrate. L'équilibre miraculeux entre le dionysiaque et l'apollinien qui est au coeur de la tragédie, présent chez Eschyle et Sophocle serait rompu par Euripide qui privilégie l'apollinien au détriment du dionysiaque, mettant paradoxalement en cause l'apollinien également. Mais cette démarche d'Euripide serait pour Nietzsche inspirée par la philosophie de Socrate, une pensée rationaliste, qui cherche à mettre de l'ordre, à analyser, à clarifier, et qui remplace les contemplations apolliniennes et les extases dionysiaques. C'est en fait la négation d'un art véritable. Avec Socrate émerge, l'homme théorique, qui croit pouvoir pénétrer les mystères de l'existence grâce à sa raison. Mais c'est une illusion, selon Nietzsche, car la pensée rationnelle ne vient pas à bout des mystères de l'existence. L'illusion de la connaissance vient ainsi se substituer à l'illusion artistique. Mais cette illusion de la connaissance est dangereuse car elle méconnaît sa propre nature d'illusion - l'art, en revanche, assume pleinement, d'être un jeu avec les apparences, d'être un simulacre.

Enfin dans la troisième partie de son livre Nietzsche fait le parallèle entre la tragédie grecque et le drame musical de Richard Wagner (dont il était très proche à l'époque où il a écrit son livre, à qui d'ailleurs il était dédié) et exprime ses espoirs d'un renouveau de la culture allemande. Il prendra par la suite des distances avec l'oeuvre et la personne de Wagner.
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