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Critique de peloignon


Ce volumineux volume contient les quatre premiers livres que Nietzsche publie alors que se produit sa transition de la philologie vers la philosophie.
La « Naissance de la tragédie » est le dernier ouvrage où la forme philologique domine encore bien qu'il contienne déjà une véritable provocation d'inspiration wagnérienne, à la fois artistique et philosophique, envers l'ensemble de la philologie à prétention objective et scientifique. En effet, l' « esprit » grec n'est pas présenté ici dans le cadre de ce que l'on pourrait considérer comme sa réalité historique réelle, mais plutôt à partir d'un idéalisation fantasmatique d'un jeune philosophe artiste qui se permet de le plier à sa sensibilité du moment. le tout forme un jeu de langage étrange et plutôt amusant qu'il m'apparaît ridicule de prendre au sérieux, mais qui ouvre une perspective herméneutique esthétique très féconde lorsqu'elle ne vise pas à s'imposer hors de son atmosphère. Si certains, comme Bataille, vont tout de même s'ingénier à y trouver quelques lignes directrices à une compréhension de la société ou du politique, c'est qu'il y a quelque chose si séduisant dans cette idée d'alternance de l'apollinien et du dionysiaque!
Viennent ensuite les 4 « Considérations inactuelles… », où la lancée philologique de Nietzsche se fait toujours bien sentir, malgré une forme stylistique assez maladroite. L'interminable énumération des « perles » de Strauss à la fin de la première considération, constitue en effet, sans aucun doute, le plus ennuyeux moment que l'on puisse trouver dans tous les écrits nietzschéens. Cet inaccomplissement stylistique est dû en grande partie à l'apparition désormais prédominante de la philosophie dans les écrits nietzschéens. Son esprit est alors au somment de ses capacités d'enthousiasme, de santé, de lucidité et de confiance. Ces considérations contiennent d'ailleurs ce que Nietzsche a écrit de plus prometteur à mon avis, au sens philosophique. Leur brusque interruption correspond à sa rupture avec Wagner et au commencement de la faiblesse morbide qui devient, dès lors, son état physiologique presque permanent.
L'ouvrage le plus lourd du point de vue quantitatif de Nietzsche l'est aussi qualitativement. Dans « Humain, trop humain » Nietzsche cherche à rompre avec toutes les illusions qu'il a entretenues (et défendues vigoureusement) jusqu'alors. Pour ce faire, il s'ingénue à prendre le point de vue le plus réducteur et médiocre qui soit pour s'attaquer sans merci à tout ce qu'il peut juger beau, bon ou merveilleux. La réaction pathologique se fait ici lourdement sentir; la gaieté est absente, la légèreté exclue.
À noter qu'on retrouve souvent la même impression lorsqu'on lit « La volonté de puissance », ouvrage rassemblé à partir de fragments épars laissés par un Nietzsche effondré par son beau frère Peter Gast. Or, ce Peter Gast sert également de secrétaire à Nietzsche, lorsque, très malade, il lui dicte « Humain, trop humain ». Coïncidence? Je ne crois pas...
Enfin, « Aurore » continue sur la même lancée que « Humain,… », mais comme le titre l'indique, quelque chose se différent s'annonce. L'esprit joueur de Nietzsche recommence à faire sentir son empreinte. Bien que le contenu se résume à reprendre plus brièvement l'essentiel de « Humain, trop humain », la lecture est bien plus agréable.
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