Il faut vous imaginer la campagne au printemps, une petite campagne avec des boutons d'or et des haies et des villages et une maison couverte de glycine. Au bout d'un jardin, il y a un rideau de peupliers, et au centre du rideau, il y en a un plus grand que les autres dans lequel je grimpe.
...celui qu'on attend, les yeux fermés, celui qui ne viendra pas. Celui qui manque, qui a toujours manqué. Celui qu'on a perdu, mais pas seulement de vue. Perdu tout court. Celui dont on aimerait partager ne serait ce qu'un secret , avec son papa, pour en finir avec le silence.
J'espère que vous avez des confidences moins sinistres, parce que si elles sont du même acabit que la mienne, vous n'allez pas vendre beaucoup de livres.
Une drôle de vie commence. Une vie en transparence. Une vie avec les secrets des autres.
Plus les années passent, plus je pense que nous ne sommes pas les enfants de nos parents, mais les enfants des circonstances.
J'aimais beaucoup ma grand-mère. A la fin de sa vie, elle était très malade, mais elle refusait obstinément qu'on l'hospitalise. elle disait qu'elle ne voulait pas creuser le trou de la Sécurité sociale. Sa tombe, c'était suffisant.
Tant il est vrai que la paix domestique vaut bien quelques silences. Tant il est vrai que la vérité n'est pas forcément synonyme de franchise...
Vous trouverez peut-être que ça n'est pas une confidence, cette question de milieu, parce que ça concerne tout le monde, mais justement, pour moi, une confidence, c'est une histoire que l'on garde pour soi parce qu'elle concerne tout le monde. Si elle ne concernait pas tout le monde, on n'aurait pas besoin de la garder pour soi.
J'ai aussi lu des bouquins sur la passion, la jalousie, c'est comme ça que je suis tombée sur "L'Occupation" , le livre d'Annie Ernaux.
Punaise ! Elle n'y va pas avec le dos de la cuillère, Annie Ernaux, mais dans ce texte, elle écrit qu'elle s'est interdit ça, les fétiches, les mauvais sorts. Elle avait été tentée, mais elle avait résisté. Elle ne voulait pas s'abaisser jusque-là, elle trouvait ça crétin, ou débile, je ne sais plus, alors je me suis ressaisie. J'ai recopié plusieurs fois le passage en question, comme si le stylo pouvait remplacer les aiguilles à tapisserie. A la fin, j'étais décidée.
Je froisse le papier et il me semble que c'est elle que j'écrase sous mes doigts. Un petit elle déshydraté, comme une feuille morte, une souris qui aurait séché derrière le frigo.