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Critique de Dionysos89


Je poursuis joyeusement la bibliographie de Justine Niogret et j'attaque son deuxième roman au titre peu commun : Mordre le bouclier.

Difficile de critiquer comme il convient un tel ouvrage quand on vient de terminer sa lecture en découvrant l'avis du cador qu'est Jean-Philippe Jaworski en postface (auteur qu'il me tarde de lire prochainement). Celui-ci a tout parfaitement résumé, mais malgré tout, tentons de cerner quelques grandes lignes de Mordre le bouclier.

Dans cette suite directe de Chien du Heaume, Justine Niogret dévoile davantage la quête de l'héroïne pour retrouver son nom et marcher sur les traces de son père. La première partie de cette quête est bouclée très rapidement dans ce roman, la seconde en revanche s'éternise un peu plus. Nous pouvons déjà remarquer qu'à l'inverse du premier tome, celui-ci prend un départ plus poussif avant d'accélérer nettement la cadence vers la fin (peut-être cet avis est-il dû en partie au fait que j'ai lu le deuxième tome de manière plus saccadée).
Dans tous les cas, Justine Niogret réussit habilement, par de belles scènes tantôt épiques, tantôt très personnelles, à vanter son amour des livres, à aborder des sujets aussi philosophiques que le « corps blessé » ou le « corps-objet », voire même à nouer son histoire dans un onirisme désormais complètement assumé. C'est d'ailleurs par ce dernier élément que le peu de magie du roman apparaît. Un personnage mystérieux du premier tome fait alors son retour et scelle une nouvelle fois le destin d'un ou plusieurs personnages. Ce couperet fatidique semble inéluctable et rend certaines situations particulièrement tristes et touchantes.
À ce premier niveau de lecture, d'innombrables autres peuvent se dévoiler au gré des idées du lecteur, c'est là l'astuce de cette auteure, je crois, et Jean-Philippe Jaworski le souligne très bien en postface. Tome relatant la peur de tomber dans une folie personnelle, Mordre le bouclier prend aux tripes sans forcément qu'on se rende compte d'où vient ce mal. Malgré tout, on se prend au jeu et en creusant encore davantage, on comprend l'incroyable prégnance de la mythologie au sein de ce récit. Sans aller jusqu'à invoquer les totems et les héros divinisés comme Jaworski, je dirais que c'est l'histoire en elle-même qui pourrait faire office de mythe dans le sens où on voit sous nos yeux un monde nouveau se construire et où on suit un personnage qui découvre un monde qu'elle pensait connaître mais qui se révèle particulièrement complexe pour elle. Et finalement même, ne pourrait-on pas se questionner sur l'intérêt de la quête de Chien ? À tourner en rond dans le premier tome et à suivre Bréhyr dans le deuxième, l'héroïne peut apparaître tout au long du récit comme en train d'accomplir une non-quête, comme si elle se voilait continuellement la face. Les dernières réflexions avec Saint Roses et les dernières lignes du récit viennent un peu contredire cette idée qui avait germée en moi en lisant Mordre le bouclier. Toutefois, on peut remarquer le pied de nez de la toute dernière phrase : « Un nom ne vaut pas toute une histoire » ; l'auteure semble se moquer d'elle-même (ce qui semble être dans son caractère) et c'est assez rare chez beaucoup d'auteurs pour être souligné et apprécié à sa juste valeur.

Mordre le bouclier est donc une nouvelle preuve du style passionnant et atypique de cette auteure, surtout quand on le met en perspective avec le ton volontairement détendu et enjoué adopté dans le lexique, rendez-vous désormais attendu et ô combien jubilatoire (Justine Niogret fait des blagues sur des poètes presque inconnus et cite une recette en latin : rien que pour ça, elle a toute ma considération !).
La fantasy française, portée notamment par Justine Niogret, a de beaux jours devant elle…

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