"Avez-vous en tendu parler de sculpteurs de destin? Moi oui. Et si je ne me trompe pas, quelqu'un de votre famille en fait partie. Alors, je vous invite à nous rencontrer, le 22 juillet, à 18 heures, dans l'arrière-salle du café des Lampions".
Vivre au jour le jour, mais s'afforcer d'y créer quelque chose de beau, de vivant, d'original, pour que chaque jour compte.
Vincent le suit des yeux, grand troufion chargé de son barda. Sous la lueur d'un réverbère, on voit luire son galon de sergent. Et en cet instant, une prière vient aux lèvres de Vincent : "Mon Dieu, protégez ce garçon. Car il manquerait au monde une parcelle d'humanité de grande qualité s'il venait à disparaître".
Le personnel est hébété de travail. Il dort à l'usine, gardé par des gendarmes, de peur de se faire écharper dans la rue par les grévistes. Leur vie et infernale, celle des gréviste âpre, celle de certains patrons très angoissée.
Il est permis à tout le monde de se tromper, a répondu Vincent. Il arrive qu'on s'engage dans un chemin de traverse avant de trouver la bonne voie.
Les ouvrières sortent par ateliers, ou par affinités. De petits groupes moutonnent devant le porche de l'usine qui n'en finit pas de vomir son personnel fatigué. Peu de femmes portent un manteau. La plupart se contentent, par ce froid, d'un fichu croisé par leur poitrine ou d'un caraco. Le manteau est trop cher, hors de portée de leur salaire.