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Critique de Sycorax


En lisant ce livre-enquête d'une journalisme en immersion, je me disais que j'allais en apprendre un peu plus sur le pays dans lequel je vis, par la voix des gens que je côtoie tous les jours, dont je suis moi-même partie intégrante.
Ces gens de la campagne, ces français de la gentrification, des banlieues, de la "France périphérique" (selon l'appellation consacrée par de récentes études sociologiques), les petits et moyens entrepreneurs, fonctionnaires, les agriculteurs, les petites mains anonymes des associations qui font bouger les choses dans notre pays. Ceux que l'on appelle les "sans-voix" mais grâce auxquels un pays come le nôtre avance malgré tout.

Quelle n'est pas ma surprise de voir surgir, dès les pages d'introduction, des arguments surgis du fond des âges de la conversation de comptoir ! J'ai eu l'impression d'entendre mes deux grands-pères qui ont participé à la Seconde guerre : "les jeunes d'aujourd'hui, dans ce pays, il leur faudrait une bonne guerre pour qu'ils se rendent compte de la chance qu'ils ont de pas avoir à bouffer des cailloux" (j'exagère à peine, voyez p. 17, les propos mêmes de l'auteur n'en sont finalement pas si éloignés).

Quelques pages plus loin (p. 33), on lit comme autre argumentaire éclairé la chose suivante : "La propreté est telle qu'on pourrait manger à même le sol, cela ne me surprend guère, les intérieurs tchétchènes sont toujours impeccables. Je tiens à préciser cela à tous ceux persuadés que, parce que l'on vit dans une ZUS, on est pauvre donc sale. Mon expérience m'a plutôt prouvé l'inverse. Durant les deux premières nuits, j'ai séjourné chez un intellectuel aisé, pénétré d'idées stéréotypées sur la population musulmane des "quartiers", alors que lui-même vivait dans un intérieur crasseux, inconscient de l'état déplorable de son propre appartement...".
On appréciera la puissance et la pertinence d'une telle argumentation...
On dirait que l'auteur a des comptes à régler avec ses détracteurs ou anticipe l'inévitable volée de critiques à laquelle elle s'expose fatalement avec un tel sujet, dévoilant à mon sens une frilosité contradictoire, comme si son propos ne se suffisait pas en lui-même.

Si j'ai envie d'entendre ou de lire ce genre d'inepties, je vais sur des blogs ou visionner des vidėo de quidams quelconques ; je ne me farcis pas la lecture d'une enquête journalistique de terrain de 400 pages.
Sur un sujet similaire, Florence Aubenas dans son "Quai de Ouistreham" ou Pierre Bourdieu dans "La misère du monde" ne se sont pas rabaissés à une telle indigence rhétorique pour étayer leurs propos.
J'ai personnellement trouvé que l'on est ici plus proches de la conversation de rue que d'une étude journalistique et sociologique digne de ce nom.

Il ne s'agit pas, bien sûr, de ramener l'intégralité de cet ouvrage à ces seules "scories" dialectiques, ni de nier la véracité des propos rapportés par la journaliste, mais de la part d'un auteur de son rang, on est droit d'attendre un sens de la déontologie plus appuyé.
J'ai donc lu le reste du livre avec circonspection, sans réelle conviction et pas dans son intégralité.
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