La vie n'écrit pas d'histoires.
C'est nous qui falsifions ce qui nous arrive pour en faire des histoires où nous nous enfermons, barricadent toutes les portes. Et nous laissons la vie dehors.
La vie n'écrit pas d'histoires. C'est nous qui falsifions ce qui nous arrive pour en faire des histoires où nous nous enfermons, barricadant toutes les portes. Et nous laissons la vie dehors.
Lorsque j’avais encore un emploi, le quotidien tu travail m’étouffait. Ficelé en gerbes d’heures, il m’apparaissait comme la répétition éternelle de l’identique. Anesthésiant. Qu’est-ce que j’entends au juste par quotidien ? Le quotidien des autres ? La somme de tous les quotidiens ? Ou bien quotidien est-il un terme mal approprié ? Est-ce que je veux dire liberté ?
j'en serais donc là. Oui, je n'ai presque plus rien. Il y a toujours eu ce désir de jeter du lest, désir de réduction. Se consumer, si possible jusqu'à la moelle. Homme sans nom ne méritant pas la moindre attention. Est-ce pour ça que j'ai fui les liaisons, les maisons et même l'amour. Est-ce que j'avais peur d'être fixé ?
Dès que j'avais un emploi, je le jouais plus que je ne l'exerçais. Je ne pouvais jamais m'y donner vraiment, j'avais d'emblée l'impression d'être dans des vêtements d'emprunt et de circuler avec de faux papiers. (...) Comme si non seulement je n'avais aucun droit au travail, aucune légitimité, mais aussi aucun droit à l'existence. Et bien vite je partais. Un seul objectif, retrouver la rue et plonger. Il n'y a que dans la rue que je me sentais bien, en transit, enfoncé dans le quotidien des autres. (p.31)
Quand on vit longtemps dans la rue, le monde est plein d'interdits. On vit en liberté mais on vit comme en quarantaine, intouchable comme sous une cloche de verre que l'on transporte avec soi. (p.11)
Surtout pas de canal rectiligne, surtout pas de rails bien alignés, surtout pas la force de l'habitude. (...) Surmonter la vie c'est surmonter le quotidien et parfois le faire briller. (p.48-49)
Le chien vient au monde, et quelques semaines plus tard il appartient à un maître, il devient son attente impatiente. Il connaît le code du bien et du mal qui lui a été inculquée, et par conséquent la mauvaise conscience, il peut être accablé. Sa joie, ce sont les louanges du maître. Il n'en ai jamais rassasié. Il veut tout partager avec son maître, même la nourriture, même le restaurant enfumé, ses amis, ses ennemis. Il jouit d'une confiance aveugle. Devant son chien, le maître se montre complètement nu. (p.65-66)
Il ne veut pas d'aide publique. D'ailleurs il a perdu ses papiers. Il a sa fierté. Ce n'est pas un va-nu-pieds, c'est un homme cultivé. Il se considère comme un loup solitaire. Personne ne doit l'approcher de trop près. (p. 67)
Il a vu l'appartement vidé. Le choc a abattu cet homme comme un arbre. Il aurait pu trouver un logement et travail, j'en suis sûr, mais pas un nouveau sens à sa vie. Il a perdu connaissance, il a pris la fuite. Surtout ne pas penser. Partir. Ne pas penser. Courir. Juste partir, loin. (p.68)