AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,48

sur 102 notes
5
49 avis
4
16 avis
3
2 avis
2
0 avis
1
0 avis
Ce petit roman de Pascaline Nolot est grand par l'émotion qu'il suscite, grand par sa volonté de voir enfin cesser les violences faites aux femmes et grand encore par sa maîtrise et sa construction.
J'ai lu Gris comme le coeur des indifférents en subissant toutes les couleurs indiquées par l'autrice pour chaque chapitre. du blanc au gris, je suis passé par le noir, le rose, le doré, le rouge, le mauve, le vert sans oublier un chapitre polychrome, pour finir par l'incolore.
Avec un talent d'écriture évident, Pascaline Nolot a su me captiver, m'effrayer devant la violence d'un père qui s'était donné toutes les apparences d'un homme bien. Hélas, il cognait, frappait, meurtrissait son épouse à la moindre colère, allant même jusqu'à la torturer.
Cette fille, nommée Lyra, 15 ans, est assise sur une chaise dans un couloir d'hôpital et sa mémoire travaille. Elle voit sa mère auprès d'elle pendant ces heures d'attente qui sont toujours le lot, la règle difficile à supporter dans ces établissements hospitaliers en manque d'effectifs et de moyens.
Des souvenirs douloureux remontent à la surface et prouvent une fois de plus, une fois de trop, que le pire était évitable. Même sa grand-mère, Grand-Ma, appelée aussi la Générale-Major, ne fait rien sous prétexte qu'elle avait bien déconseillé à sa fille d'épouser cet homme.
Quant aux voisins, bien qu'ils aient toujours tout entendu, ils préfèrent le silence, l'indifférence, surtout ne rien dire. Si sa mère est allée déposer plainte au commissariat, une simple main-courante a suffi. Les négligences, les oublis, les manques de courage se suivent, s'accumulent et l'insupportable, la révoltante liste des victimes des violences masculines ne cesse de s'allonger. 147 femmes ont été tuées par leur mari ou compagnon, en France, en 2022, 122 en 2021…
Jusqu'où faudra-t-il aller pour que ce scandale décide les autorités à agir enfin efficacement ? Pascaline Nolot, avec Gris comme le coeur des indifférents, tire la sonnette d'alarme à son tour. L'an passé, Luc Frémiot avait publié Non-assistance à femmes en danger, un livre que Sevlipp, sur Babelio, m'a fait connaître.
Pascaline Nolot tente de réveiller les consciences à son tour et la lecture de ce roman m'a pris aux tripes. Il faudrait que ce livre connaisse un écho retentissant dès sa sortie en librairie, le 2 mars prochain car les dégâts humains causés par ces violences faites aux femmes touchent aussi les enfants qui ne ressortent jamais indemnes après de tels drames.
Faut-il le préciser ? Cette violence n'est le fait que d'une petite partie de la gent masculine et il est justement important que tous les autres hommes prennent conscience de la gravité des faits pour qu'enfin cessent de tels agissements impardonnables.
Grâce à Babelio et aux éditions ScriNeo que je remercie, j'ai pu lire Gris comme le coeur des indifférents et j'aimerais vraiment que sa lecture permette d'endiguer efficacement ces violences qui ne doivent laisser personne indifférent.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
Commenter  J’apprécie          1170
Un grand merci à Babelio et aux éditions Scrineo...

« Hier, Papa a frappé Maman ». Comme avant-hier peut-être. Demain sûrement... Les jours se suivent ainsi et se ressemblent. Teintant de gris ceux de Lyra. Aux yeux de tous, notamment de cette infirmière qui lui demande comme elle va, elle est certaine qu'elle est devenue la fille de la femme battue. Elle attend impatiemment sa grand-mère, assise sur ces chaises inconfortables, aux côtés de sa mère, elle aussi silencieuse. Seul le message, ponctué de points d'exclamation et lui informant de son retard, arrivera à les faire rire. Car comment oublier les raisons de leur présence dans cet hôpital aux couloirs blancs ? Comment oublier tous les coups portés à maman ? Comment oublier les douleurs, les insultes, les vociférations, la terreur qu'il fait régner au sein de son foyer ? Comment oublier ce père et cet époux qui n'en porte plus que le nom...

« Hier, Papa a frappé Maman. C'était un jour banal... ». Pas de point d'exclamation ou de surprise. Simple constat amer et coutumier. Comme une banalité de ce que Lyra, ses deux frères et sa maman subissent au quotidien. Des coups, des bleus, des cris, des insultes, des larmes... au bon vouloir de ce père qui tyrannise, au gré de ses humeurs, noires la plupart du temps. Cette attente, dans les couloirs de l'hôpital, interminable, sera, pour Lyra, l'occasion de se souvenir. Des coups bien sûr, des mains tendues qu'elle n'a pas su attraper, des rancoeurs envers ceux qui savaient mais qui n'ont rien voulu entendre. Avec ses mots, simples mais qui vont droit au but, et son regard d'adolescente, Lyra raconte ce qu'elle vit au quotidien, ce que sa maman subit, ses désillusions et ce sur quoi elle ne peut poser des mots, comme si la réalité, tragique et impensable, lui échappait. Poignant, émouvant et réaliste, ce court roman de Pascaline Nolot, de sa plume incisive et percutante, aborde intelligemment cette violence faite aux femmes, le féminicide, l'indifférence...
Bouleversant...
Commenter  J’apprécie          575
J'avais découvert Pascaline Nolot avec un "conte revisité", un peu horrifique : "Rouge". Mais ici, on est dans un tout autre registre, bien plus profond et qui touche à un fléau à dénoncer encore et encore, la maltraitance au sein des familles et les féminicides toujours plus nombreux.
L'auteure a choisi pour biais de le traiter à hauteur d'adolescent, le public ciblé par ce court roman terriblement réaliste. Je trouve ce choix judicieux, parce que c'est justement à l'adolescence qu'on peut encore sensibiliser les filles au phénomème pernicieux de l'emprise, et les garçons à celui de la violence qui commence parfois par des remarques qu'on pense anodines, mais qui vont saper peu à peu les bases d'une relation amoureuse. L'inverse étant valable également, mais le phénomène est quand même plus courant dans le sens femme victime des violences infligées par un homme.

C'est Lyra, 15 ans, qui nous narre la triste histoire de sa famille depuis un couloir d'hôpital. On attend la grand-mère, une femme froide et antipathique dont la seule réaction quand elle a appris que papa avait encore une fois tapé Maman a été : "je lui avais dit de ne pas l'épouser. A présent elle doit assumer". Ca vous résume bien la personne...
Pendant cette longue attente, Lyra se remémore les épisodes qui ont jalonné ces dernières années, certains teintés souvent faussement de couleurs gaies, mais la plupart sombres voire sanglants. Les dix chapitres sont chacun dotés d'un titre reflétant leur couleur, la tonalité des souvenirs qu'ils évoquent. Parfois, un membre du personnel s'arrête pour demander s'il y a besoin d'aide, ou d'écoute, mais Lyra se ferme, préférant rester dans son monde intérieur. Elle pense beaucoup à ses petits frères, des jumeaux qu'elle s'est toujours efforcé de préserver de cette violence omniprésente à la maison. Elle pense aussi aux voisins, qui n'ont pas envie d'être dérangés, qui préfèrent se dire que c'est une simple querelle domestique de plus...
A ce père que le monde voit comme un héros, parce qu'il a un jour secouru quelqu'un de la noyade.
(A ce moment-là de ma lecture je n'ai pu m'empêcher d'établir un parallèle avec un homme bien réel, qui a fait partie de la vie de ma famille pendant de longues années. A sa mort, heureusement prématurée, la foule se pressait dans l'église, pleurant ce médecin dévoué à ses patients, la bonté et la compréhension incarnées à les entendre, qui ne faisait même pas payer les consultations à ceux qui avaient peu de moyens et se rendait au chevet de ses patients à toute heure du jour ou de la nuit. Ces braves gens ignoraient que le même avait fait vivre un enfer à sa famille, et que seule la décence interdisait à certains d'entre nous de manifester du soulagement.)

Pardon pour cet aparté, mais c'était pour souligner le hiatus qui existe bien souvent entre la perception que l'on peut avoir d'une personne et la réalité.

Pascaline Nolot a parfaitement cerné le "problème", et l'expose sans pathos inutile mais avec des mots qui sauront toucher les jeunes (et les moins jeunes aussi, du moins je l'espère). Sa conclusion, glaçante, donne toute la mesure de faits qui ne sont pas des faits divers (clin d'oeil à un autre livre récent sur le même thème), mais qui mettent en jeu des vies humaines, des vies de femmes, le nombre de féminicides étant en augmentation constante. On y trouve aussi des conseils pour celles et ceux qui se retrouveraient confrontés directement ou indirectement à des faits de violence familiale, ainsi que les numéros de téléphones à appeler le cas échéant.
Merci à Babelio, à Scrinéo et surtout à Pascaline Nolot de m'avoir offert ce livre, qui va touver sa place dès la semaine prochaine dans le CDI de mon lycée.
Commenter  J’apprécie          5432
« Cramponnée à son évier, ma mère est devenue si pâle qu'elle semble sur le point de s'effacer. (...) Nous devrions appeler les secours, les pompiers ! Nous ne le ferons pas. C'est la règle ; c'est comme ça. »
.
Aujourd'hui, pourtant, Lyra est à l'hôpital avec sa mère. Encore une fois, le père est entré dans une folie furieuse, violente, cette « fureur mal dirigée » dont il est coutumier. En attendant l'arrivée de sa grand-mère, la jeune fille de quinze ans cogite, repense aux dernières années, aux derniers mois, où elle redoutait de trouver en rentrant chez elle sa mère meurtrie, baignant dans son sang.
.
Ce récit vise les 13-18 ans, d'après les indications de l'éditeur. J'ai débord déploré un soupçon de mièvrerie, avec l'inévitable amourette à sens unique.
Mais si l'auteur nous endort, c'est sans doute pour mieux nous secouer ensuite...
.
Ce court roman est indispensable pour sensibiliser collégiens & lycéens aux violences conjugales - exprimant parfaitement la terreur, la crainte des représailles, l'inertie administrative qui les accompagnent...
.
« (...) depuis janvier, 82 féminicides, 82 parties au ciel. Qui se souvient d'elles ? Qui les pleure, à part leur progéniture amputée ? Ce décompte morbide, poignant, que certains jugent vain, sert - je l'espère - à ne pas les effacer alors même qu'on ne les avait ni abritées ni vraiment écoutées. » (p. 92) *
.
-----
.
* Elles sont 109 femmes à avoir perdu la vie sous les coups de leur partenaire, leur conjoint, leur concubin ou leur ex en 2022, d'après le collectif Féminicides par compagnons ou ex.
source : https://lesjours.fr/obsessions/feminicides-2023/ep1-feminicides-2023/
.
-----
.
■ 3919 - Violences Femmes Info
■ 119 - Service National d'Ecoute de l'Enfance en Danger
.
____
.
Merci à Babelio & Scrineo pour cette MCS.
Commenter  J’apprécie          327
« Hier, Papa a frappé Maman. " Voilà comment commence ce roman à destination des adolescents et abordant le difficile sujet de la violence conjugale.. sans faire de vilains jeux de mots, on peut dire que ce roman aura l'effet d'un uppercut pour certains jeunes lecteurs qui seront sensibilisés à cette thématique encore taboue grace à un texte fort et habilement construit.. un seul petit regret: le texte est trop court, on dirait plus une longue nouvelle qu'un roman ce qui laisse peu de place aux personnages de vraiment s'épaissir... merci à babelio et aux éditions scrineo pour la lecture !
Commenter  J’apprécie          243
Magnifique, tout simplement.
Mon premier coup de coeur de l'année.
Un livre que j'aurai aimé pouvoir lire d'une traite, mais que les obligations de la vie m'ont contrainte à lire… en deux fois. Parce que c'est un livre vraiment fort, un livre à lire, à faire lire, à partager.
Un livre affreusement contemporain, et en même temps intemporel.
Pourquoi ? Parce que le problème dont il traite – les femmes battues par leur conjoint – a toujours existé. Parce que les réactions de chacun des protagonistes sont malheureusement possibles, crédibles, et, en ce qui concernent certains d'entre eux, tout aussi intemporels, et révoltants.
Oui, il existe des personnes qui essaient, comme M. Bilici, qui tendent la main, qui font ce qu'ils peuvent, à leur mesure, et qui ne font pas cela pour eux, pour montrer à tous à quel point ils sont bons, héroïques même, mais pour les autres, celles et ceux dont ils ont su détecter la souffrance L'on me dira qu'il faut savoir repérer les signes. Je répondrai que certains sont vraiment très visibles, très audibles, et trop de personnes encore sont exactement comme ceux qui sont désignés dans le titre : indifférents.
Le terme « déconstruire » fait sourire, et pourtant, il en est, des conditionnements, qu'il faut déconstruire. Je ne parle pas de Lyra, le personnage principal, narratrice, témoin de ce qu'a enduré sa mère, témoin de ce qu'a fait son père pendant toutes ses années, victime collatérale, tout comme ses deux frères, de cette violence. Les enfants sont trop souvent les oubliés, et pourtant, nous pouvons lire dans ce roman les situations, toujours répétées, toujours revécues.
Je pense à tout ceux qui pensent que cela ne les regarde pas, que c'est tout simplement une querelle de couple « ordinaire », dans laquelle les deux membres du couple seraient parfaitement à égalité. Je pense à ceux qui croient que c'est sa faute, à elle qu'elle l'avait mérité – pour eux – parce qu'elle n'aurait pas dû se mettre avec lui. Je pense à ceux qui trouvent que la jalousie est normale. Je pense aussi, parce qu'une oeuvre d'art est aussi politique, que c'est au gouvernement d'agir – et non de se contenter de parler.
Je pourrai tout énumérer, et ce serait passer à côté des qualités littéraires de ce roman, de cette tragédie que Lyra revit, dans le couloir de l'hôpital – autant de retour en arrière, autant de douleur, pas de joie, pas de jours heureux. Je pense à son envie d'une autre vie, une envie de pouvoir faire confiance, aussi. Lyra aime la littérature, comme sa mère l'aimait, mais elle ne s'embarrasse pas de figures de style, de fioritures pour nous raconter ce qu'elle a vécu. Son récit est réaliste, précis, parce que rien n'est joli dans les violences conjugales. Alors oui, il lui faudra du temps pour tout nous dire, pour tout nous raconter. Elle le fera, avec des mots simples, nets, précis. Parce que déconstruire, c'est cela aussi : ne plus parer les violences conjugales de jolis mots, de belles métaphore qui ont contribué pendant des siècles à les rendre acceptables au nom de ce que certains appellent l'amour, mais ne l'est pas.
Un tel livre peut-il être lu par un enfant, un adolescent qui a été témoin de ses violences ? Oui, sans hésitation.
Commenter  J’apprécie          220
Un roman assez bref mais coup de poing !
Pascaline Nolot nous entraine dans les méandres des pensées d'une jeune fille de 15 ans qui se retrouve dans le couloir d'un hôpital avec sa mère que son père a une fois de plus battue. On sent cette jeune fille en état de choc, ses pensées ne sont pas construites, se succèdent et s'imposent à elle contre son gré parfois.
Que s'est-il exactement passé ? Pourquoi sont-elles à l'hôpital cette fois alors qu'elle avait interdiction d'appeler les secours ni d'évoquer la situation avec quiconque ?
Le lecteur reconstitue le puzzle progressivement.

Une situation bien trop commune, hélas. Ce roman ouvrira cependant les yeux de quelques personnes, fera réagir, donnera peut-être la force qui manque parfois pour se sortir de cet enfer. Femme ou enfants, les deux subissent un traumatisme. le plus cruel étant le refus de réaction des voisins … si bien mis en avant en quelques mots.
A lire et faire lire (mais attention, des passages difficiles pour les plus sensibles).
Commenter  J’apprécie          210
Voici mon retour de lecture sur le roman pour ados et jeunes adultes : Gris comme le coeur des indifférents de Pascaline Nolot.
La veille, Lyra, quinze ans, a entendu son père frapper sa mère.
Pour les deux femmes, hélas, il s'agissait d'un jour ordinaire. Ou presque. Aujourd'hui, il n'y a plus de coups, plus de cris.
Ensemble, elles attendent dans un long couloir d'hôpital.
Les pensées de l'adolescente s'emballent, elle ne cesse de songer aux jours précédents…
Gris comme le coeur des indifférents est un court roman poignant, bouleversant, qui ne vous laissera pas indifférent.
Quelle claque que cet ouvrage !
Il dénonce la violence qui se déroule au sein des familles, le silence, ce satané silence qui fait des dégâts. Il évoque aussi le féminicide. Il y en a de plus en plus, c'est malheureusement totalement d'actualité. C'est pourquoi il est important de le rappeler et d'écrire des ouvrages à destination des ados et jeunes adultes, qui peuvent d'ailleurs être aussi lus par les adultes. L'écriture est pointue, elle fait mouche. L'autrice évoque le sujet avec beaucoup de pudeur, sans en faire trop.
Je me doutais, mais je n'ai compris que toute la teneur qu'au bout d'un petit moment.
Nous avons là un excellent roman sur lequel je ne vais pas en dévoiler plus.
Il est préférable de se laisser immerger dans Gris comme le coeur des indifférents sans trop en savoir dessus. Vous aussi risquer d'être bouleversé et d'y penser pendant un petit moment..
Ma note : un énorme cinq étoiles.
Commenter  J’apprécie          201
Un roman ! Un seul roman, Rouge, a suffi pour que Pascaline Nolot devienne l'une de ces autrices dont je suis prête à lire toutes les nouvelles parutions. Alors quand Babelio m'a proposé de découvrir Gris comme le coeur des indifférents, je n'ai pas hésité un instant d'autant que son thème de fond, les violences faites aux femmes, est important.

« Hier, Papa a frappé maman. » Un début et une fin en soi, car on le sait, la société ferme bien souvent les yeux devant ces violences domestiques qui brisent des foyers, si ce ne sont pas littéralement des vies. Celles de femmes qui subissent le joug d'un homme tyrannique et violent, que ce soit verbalement et/ou physiquement. Alors ce court, mais percutant roman, leur offre un moyen d'exister, nous dévoilant, à travers le regard d'une adolescente, le calvaire d'une femme faisant écho à celui de bien d'autres

Lyra, quinze ans, attend dans le couloir dépersonnalisé d'un hôpital avec sa mère, cette mère dont l'affection se ressent dans chaque geste délicat et mesuré. Son père a frappé sa mère, mais elle ne veut pas de la pitié des uns, quand il aurait plutôt fallu la (ré)action des autres. Au fil des minutes, qui s'égrènent dans une temporalité propre à ceux qui ont vécu des drames, Lyra se souvient. Elle se souvient des quelques jours heureux vécus avec son père, mais principalement de la souffrance insufflée par ce bourreau, qui s'est constitué un double aux yeux de la société. Héros pour ceux qui ne le connaissent pas vraiment, monstre pour les siens. Un monstre dont les accès et les excès de colère dictent la conduite de toute la famille, et brisent jour après jour sa femme qui tient debout malgré tout.

D'une plume subtile, l'autrice déconstruit toutes ces petites phrases assassines que l'on entend dans les conversations, et qui sont tout autant de coups portés à des femmes qui en ont déjà beaucoup trop à encaisser. Non, une femme battue n'est pas une femme faible ; non, une femme battue ne le mérite pas même si elle reste avec son bourreau, d'autant qu'il n'est pas si simple de partir ; et non, une femme battue ne l'a pas cherché, jamais ! Des vérités assénées sans violence, la vie de Lyra en étant de toute manière déjà bien trop pourvue. Cette adolescente nous touche, nous heurte et nous émeut : alors qu'elle devrait être à l'âge de l'insouciance et de la construction de soi, elle nous apparaît d'une maturité incroyable.

De celle que l'on acquiert par instinct de survie et de protection… D'ailleurs, Lyra protège de son mieux ses deux petits frères, leur épargnant au maximum les scènes de violence devenues ordinaires chez eux. Et puis, elle soigne et panse les blessures physiques et morales d'une mère qui encaisse pour que ses enfants n'aient jamais à le faire. Il y a beaucoup d'amour chez Lyra pour sa mère, mais il y a aussi de la colère, avant que ne vienne la frapper une certaine prise de conscience sur cette mère d'une force incroyable, dernier rempart devant une mer déchainée.

À cet égard, la fin m'a retournée car je l'espérais autre, mais surtout parce qu'elle nous renvoie à une réalité teintée de gris. Teintée de gris comme le coeur de tous ces indifférents qui savent ou qui devinent, mais qui préfèrent se terrer dans une ignorance feinte ou pire, blâmer la victime au lieu de l'aider à fuir son bourreau. Une indifférence, qui devient une autre forme de violence, a fortiori quand elle émane de l'entourage, à l'instar de cette mère qui ne lèvera pas le moindre petit doigt pour sa fille ou ses petits-enfants… Heureusement, il y a parfois des mains tendues, permettant à Lyra d'espérer un jour apprendre à faire confiance au genre masculin, car si tous les hommes ne sont pas violents, difficile ne pas se méfier quand votre premier modèle est un puits sans fond de noirceur, de manipulation et de brutalité.

Ce thème des violences faites aux femmes est difficile, certes, mais il est important d'en parler surtout quand c'est fait avec une telle dose d'humanité. L'écriture de Pascaline Nolot exprime beaucoup mais avec pudeur à l'image de sa narratrice, une jeune fille qui s'interroge, se souvient et raconte avant d'apprendre à se raconter. Alors que l'autrice s'efface au profit de Lyra, on ressent pourtant sa grande empathie, ce qui apporte beaucoup de force à ce récit unique, mais encore trop courant par le drame qu'il dénonce…

En conclusion, Gris comme le coeur des indifférents de Pascaline Nolot évoque sans pathos, mais avec une force incroyable et beaucoup de réalisme, les violences faites aux femmes. Un thème difficile, mais hélas encore d'actualité, que l'on aborde à travers le regard d'une adolescente touchante, victime collatérale de la violence de son père envers sa mère. Court, mais percutant et émouvant, un récit qui rappelle l'importance de ne pas rester indifférent devant le pire, que la violence n'est jamais de la faute de la victime et que l'oublier, c'est doublement la condamner !
Lien : https://lightandsmell.wordpr..
Commenter  J’apprécie          191
Lorsque Babelio m'a proposé cette Masse Critique privilégiée, j'ai vu le nom de l'auteure et j'ai aussitot accepté car j'avais beaucoup aimé "Eliott et la bibliothèque fabuleuse".
A réception du livre j'ai constaté que, si elle ne change pas de registre, dénonçant des sujets sensibles qui la préoccupent, Pascaline Nolot change radicalement de ton! Fini l'humour et la poésie.
Ici on est directement dans la douleur, l'indicible, placé au milieu des pensées post-traumatiques d'une jeune fille. Une fois de plus son père a battu sa mère et toutes deux se retrouvent dans un couloir d'hopital...
Le texte nous livre juste l'essentiel: les pensées de la jeune fille qui vont d'un souvenir à l'autre, plus ou moins proche, plus ou moins douloureux.
Récit poignant, révoltant, bouleversant.
A lire!
Commenter  J’apprécie          185




Lecteurs (178) Voir plus



Quiz Voir plus

Eliott et la Bibliothèque Fabuleuse

Par qui Eliott se fait harcelait

Marie
Julie
Charlie
Laurie

6 questions
1 lecteurs ont répondu
Thème : Éliott et la bibliothèque fabuleuse de Pascaline NolotCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..