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Critique de HordeDuContrevent


Stratégiquement, avec Norek, j'ai décidé de faire une Casusbelli pour l'approcher. Non, ce n'est pas une ouverture aux échecs comme nous pourrions le penser lorsque nous parlons d'Eric (alias @Casusbelli) mais d'une façon de procéder avec un auteur que nous voulons découvrir : en prenant ses livres par ordre chronologique. N'ayant jamais lu cet auteur de polar, je me suis tournée ainsi vers Code 93, son premier roman.

« Longer les couloirs d'une PJ, c'est faire face à ce que l'homme recèle de pire en lui ».

Les romans policiers ne sont pas franchement ma tasse de thé. A chaque fois, si je suis happée par l'histoire, je l'oublie rapidement plusieurs semaines après, tant les livres souvent se ressemblent. Mais au vu des critiques sur cet auteur, j'ai décidé de faire une exception (exception que je réitérerai avec Franck Thilliez). Ce fut une bonne découverte. La plume de l'auteur, l'ambiance distillée, la tension lors des découvertes macabres, la façon de camper les personnages, tous ces éléments m'ont vraiment plu, l'intrigue, dont on devine assez rapidement le dénouement, moins.

« Séries sur les flics, films sur les flics, reportages sur les flics. Il n'avait jamais compris pourquoi les gens les détestaient autant en vrai qu'ils les adoraient en fiction ».

J'ai découvert le fameux commissaire Coste « discret, avec son regard bleu un peu triste » et son équipe au sein de la police judiciaire du département très chaud du 93, la Seine Saint-Denis. J'ai entraperçu les failles du bonhomme, ses mystères, sa façon d'enquêter. Impossible de ne pas penser à la série Engrenages et sous les traits de Coste, je voyais un Thierry Godard usé et taiseux…Ce parallèle a même quelque peu gêné ma lecture tant je visualisais les films dans ma tête.
Les cas qui préoccupent Coste ne sont pas anodins et lui font présager le pire : un cadavre émasculé qui se réveille sur la table d'autopsie, un toxico mort de brûlures inexplicables dont la cage thoracique comporte un portable qui sonne toutes les trois heures, et parallèlement à ces découvertes macabres totalement théâtralisées, des lettres anonymes qui guide Coste vers un mystérieux dossier, le « Code 93 ». Je n'en dirais pas plus pour ne pas gâcher la découverte de cette intrigue certes intéressante mais pas assez subtile je trouve, du moins de facture très classique. Il s'agit du premier livre de Norek et malgré ce bémol, je vais poursuivre ma découverte, il m'est d'avis que la façon de ficeler ses intrigues va gagner en qualité.

Et puis, cette envie de continuer ma découverte se justifie par plusieurs raisons.
Ce livre, au-delà de l'intrigue dont on devine les tenants et les aboutissants (trop ?) rapidement, c'est surtout une ambiance, celle d'un territoire de banlieue avec ses quartiers, ses tours, sa délinquance, sa misère sociale, ses drames entre trafic de drogues, règlements de comptes, tournantes dans les caves. Un territoire où la grisaille le dispute à l'absence de rêves des habitants.

« Quatre voies grises et sans fin s'enfonçant comme une lance dans le coeur de la banlieue. Au fur et à mesure, voir les maisons devenir immeubles et les immeubles devenir tours. Détourner les yeux devant les camps de Roms. Caravanes à perte de vue, collées les unes aux autres à proximité des lignes du RER. Linge mis à sécher sur les grillages qui contiennent cette partie de la population qu'on ne sait aimer ni détester. Fermer sa vitre en passant devant la déchetterie intermunicipale et ses effluves, à seulement quelques encablures des premières habitations. C'est de cette manière que l'on respecte le 93 et ses citoyens : au point de leur foutre sous le nez des montagnes de poubelles ».

Ce roman, c'est une analyse des rapports entre le monde politique et ce département au taux de criminalité élevé et dont on aimerait bien diminuer les statistiques quitte à les maquiller, quitte à les tronquer…

Ce livre ce sont des personnages bien campés, réalistes, authentiques qui montre à quel point l'auteur sait de quoi il parle. Ça sent le vécu, l'auteur a été lui-même policier dans le 93, et, en imaginant qu'il se soit inspiré de faits réels, ça fait froid dans le dos.

Ce livre enfin, c'est une plume qui sait manier descriptions, dialogues, humour et gravité avec un agréable équilibre rendant la lecture immersive. Des pointes de poésie se font même sentir, ici et là, comme des rayons de soleil au milieu de toute cette grisaille. Et la façon de décrire les personnages est par moment incroyable, notamment ces personnages des banlieues comme englués dans une misère crasse, voyez plutôt :

« Une dame sans âge était profondément enfoncée dans un fauteuil élimé. Une large tache de gras auréolait le repose-tête. Engoncée dans une blouse à fleurs, elle portait les cheveux courts et teintés de ce bleu improbable que seuls les coiffeurs d'octogénaires se permettent. Elle quitta à peine du regard l'écran de télé. Devant elle, sur la table du salon, étaient disposés huit baby-phones grésillant chacun avec sa sonorité propre et couvrant quasiment le bruit du présentateur du journal télévisé.
-Toujours à l'écoute, mes enfants. Sept fenêtres et une porte, huit takiouakis pour tout entendre. Comme ça je sais si qu'on rentre chez moi ou si qu'on rôde. Mieux qu'une alarme de magasin.
-Ouais mamie, sauf que les alarmes sont directement reliées au commissariat et que vous, si quelqu'un entre, vous serez la seule à la savoir. Probablement la dernière aussi ».


Au final, Code 93 est un roman policier efficace car prenant et haletant, à l'intrigue de facture trop classique certes mais dont les qualités d'écriture permettent de savourer une ambiance, de s'attacher aux personnages et notamment au commissaire Coste qu'il me tarde de retrouver, de lever un peu le voile sur la façon dont le monde politique traite les problématiques d'un territoire à la criminalité galopante. Un auteur dont je vais poursuivre la découverte assurément, à la façon Casusbellienne !

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