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EAN : 9780300227062
368 pages
Yale University Press (02/05/2017)
5/5   1 notes
Résumé :
ATTENTION CHEF D'OEUVRE

Máirtín Ó Cadhain (1906-70) is widely acknowledged as one of the most significant writers in the Irish language and a giant among twentieth-century authors.

« Cré na Cille » (édition originale en 1949, réédité en 1909, Clo Iar-Chonnachta Teo , 364 p.) traduit par Liam Mac Con Iomaire et Tim Robinson
publié simultanément par Yale UNiversity Press avec la traduction de Alan Titley (voir The Dirty Dust )
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Máirtín Ó Cadhain (prononcer Marteen O'Kine) est originaire d'un petit village, An Cnocán Glas, près de Spiddal (An Spidéal), Connemara (1906-70). Il devient enseignant mais entre très vite en conflit avec l'église irlandaise. Auteur de nombreuses nouvelles en gaélique, il se bat pour la défense de sa langue.
« Cré na Cille » (1949, Clo Iar-Chonnachta Teo, 364 p.) est le seul roman à avoir été publié de son vivant. Les deux autres, « Athnuachan » (renouveau) (1995, Coiscéim. Baile Átha Cliath, 396 p.) et « Barbed Wire » (2002, Coiscéim, Baile Átha Cliath, 501 p.) n'ont été publiés que récemment. Ce dernier titre est une charge féroce contre la disparition de la langue gaélique. « La langue irlandaise est la reconquête de l'Irlande, et la reconquête de l'Irlande est la langue irlandaise ». Un recueil bilingue de nouvelles « The Key / An Eochair» traduit par Louis de Paor et Lochlainn Ó Tuairisg (2015, Dalkey Archive Press, Dublin, 200 p.) est également disponible. A ma connaissance, aucune traduction de ces livres n'existe en français, ce qui est regrettable.
« Cré na Cille » est un roman essentiellement constitué de dialogues, souvent savoureux, échangés dans un cimetière d'une petite ville irlandaise du Connemara. Originellement publié en gaélique en 49, il a fallu attendre une soixantaine d'années avant que le roman soit accessible en anglais. Y reviennent les peurs, obsessions séculaires qui rythment la vie quotidienne de l'Irlande. Caitriona Paudeen est une des enterrées les plus récentes, ce qui en fera le personnage central du livre, en fait c'était une mégère du genre vicelarde. Dès le début, elle n'arrête pas de critiquer son mode de vie pour sa radinerie. « Don't know if I am in the Pound grave, or the Fifteen Shilling grave? Fuck them anyway if they plonked me in the Ten Shilling plot after all the warnings I gave them. » (J'ignore si je suis dans une tombe à une livre ou à quinze shillings. Maudits soient-ils, s'ils m'ont flanqués dans la tombe à dix shillings, après tous les avertissements que je leur ai faits.). Par la suite, les autres morts vont lui demander des nouvelles récentes de ceux qui sont restés dans le village. Bien sûr, cela va provoquer autant de colères que de disputailleries. Finalement on n'est pas si loin que cela des Enfers de l'Enéide…….
Caitriona Paudeen (la forme génitive Pháidín est utilisée dans la traduction M&R) est furieuse car d'une part elle décède avant sa soeur Nell, mais aussi parce qu'elle est enterrée à coté de Nora Johny, la belle-mère de son fils Patrick. Evidemment, les deux femmes sont farouchement ennemies. Sont également présents, même morts, un commerçant, habile (boni)menteur, Peter the Publican, le tenancier du pub qui allonge son whiskey (toujours vivant), le voleur d'algues, Mannix le vendeur d'assurances qui tourne tout à son profit, le maitre d'école qui peste contre sa femme mais conte fleurette à Nora Johny, la femme qui découvre la culture, Coley, le diseur d'histoires, mais qui ne sait pas lire, et Dotie trop sentimentale, En plus, est enterré un aviateur français, ne parlant pas le gaëlique, mais qui s'exprime en français « Monsieur Churchill a dit qu'il retournerait pour libérer la France. Vous comprenez mon ami ? ». On sent en lui un disciple de Sartre « L'Enfer c'est les autres ». il y a aussi ces deux footeux qui se disputent allègrement sur l'issue de matchs en 41 entre les équipes de Kevin, Galway, Cavan et All-Ireland. Et puis cet autre dont un des rares exploits de sa vie est d'avoir bu d'affilée 42 pintes de bière en une soirée (soit une vingtaine de litres).
Bref, tout ce petit monde se parle, ou plutôt parle sans écouter trop les réponses des autres. On y reviendra. Les peurs, les obsessions, les petits psychodrames de tous les jours sont leurs sujets principaux de conversation. Pour la plupart c'est de savoir si leur enterrement s'est bien déroulé, et si leurs survivants leur ont offert le cercueil ou la tombe qu'il fallait « the Pound grave, or the Fifteen Shilling grave », voire même « the Ten Shilling plot »ou si la croix sur la tombe est belle « in Connemara marble ». il y a cependant des exceptions à ces préoccupations locales, et ils vont organiser des élections, et même un Rotary « We will have regular debates, lectures, soirée, Pub Quizzes, Symposiums, Colloqiums, Plentiful Periodicals, Chapters, Summer Schools, and Weekend Schools and Information on Demand for those in the Half Guinea Place » (Nous aurons des discussions régulières, lectures, soirée, Quizz du Pub, Symposiums, Colloques, Presse de Périodiques, Chapitres, Ecoles d'Eté, Ecoles de Weekend et Information à la Demande pour ceux du Half Guinea Place).
Les nouvelles externes au village sont rares. Il y a des indications comme quoi la Seconde Guerre Mondiale est en cours, avec des injonctions à Hitler. Mais c'est en tant qu'ennemi de l'Angleterre dont on pense qu'elle sera détruite. Les réminiscences des conflits antérieurs, comme la Première Guerre, avec son lot de morts, sont lointaines « Wake up, I tell you. Aren't you nearly thirty years dead? » (Réveille-toi, je te dis. Cela fait déjà trente ans que tu es mort) ? Les références externes au village ne concernent que la grande ville Galway, décrite sous le nom de « Fancy City » (T) ou « Brightcity » (M&R). L'humour, souvent noir, cela va de soi, est omniprésent dans le texte « You were as clean and smooth as if they had ironed you out on the bed. » (Tu es aussi propre et lisse que si on t'avais repassé sur ton lit.) Les répliques sont parfois savoureuses. «I hope he lies and never rises! I hope he gets the thirty-seven diseases of the Ark! I hope all his tubes get glutted and his bunghole stuffed! The Ulster flies! The yellow bellies! The plague of Lazarus! Job's jitters! Swine snots! Lock arse! Drippy disease, flatulent farts, wobbly warbles, wriggly wireworm. . . ». (J'espère qu'il ment et qu'il ne se lève pas ! J'espère qu'il a attrapé les trente-sept maladies de l'Arche! J'espère que tous ses intestins sont collés et son troufignon bouché ! Les mouches de l'Ulster, Les boyaux jaunes ! La maladie de Lazare ! Les démangeaisons de Job! Morves de porc! Cul serré ! La goutte, les pets foireux, gazouillis bancal, vers frétillant.)
Les différents chapitres sont essentiellement des dialogues. Il n'y a pratiquement pas de descriptions, sinon celle qu'en font les différents personnages. Cependant les chapitres successifs sont séparés par des Interludes, généralement introduits par le « Trumpet of the Graveyard ». C'est un personnage haut en couleurs. « I am the Trumpet of the Graveyard. Hearken unto my voice! You must hearken to what I have to say…» (Je suis le Héraut du Cimetière. Ecoutez ma voix! Vous devez écouter ce que j'ai à dire). Et ce Héraut a fortement conscience de sa charge d'introduire les nouveaux enterrés. Il en devient grandiloquent. « For I am every voice that was, that is, and that will be. I was the first voice in the formlessness of the universe. I am the last voice that will be heard in the dust of Armageddon. I was the muffled voice of the first embryo in the first womb. When the golden harvest is stacked in the haggard, I am the voice that will summon home the last gleaner from the Grain-field of Time. For I am the firstborn son of Time and Life, and steward of their household. I am reaper, stack-builder, and thresher of time, I am storeman, cellarer, and turnkey of Life. Let my voice be heard! It must be heard …». (Car je suis toutes les voix qui furent et qui seront. J'étais la première voix dans le chaos universel. Je suis la dernière voix à être entendue dans la poussière d'Armageddon. J'étais la voix étouffée du premier embryon dans la première matrice. Quand la moisson d'or est rentrée au hangar, je suis la voix qui appelle à la maison le dernier glaneur des grains du champ du Temps. Car je suis le fils ainé du Temps et de la Vie, et l'intendant du ménage, je suis le moissonneur du temps, je suis le magasinier, le caviste et gardien des clés de la Vie. Laissez ma voix être entendue ! Je dois être entendu…). Cependant ces interludes permettent d'aérer le texte et c'est agréable.
Par ailleurs il y a certains passages qui se révèlent assez poétiques. « A tubercular tinge has crept into the crepuscular sky. Milk is indurating in the udders of the cow while she seeks shelter in the inglenook of the ditch. The voice of the young swain who tends the sheep on the hills is suffused with a sadness which cannot be silenced » (Une couleur tubarde a envahi le ciel crépusculaire. le lait s'indure dans le pis de la vache tandis qu'elle cherche un abri dans l'abri du fossé. La voix de la jeune amante qui garde les moutons sur les collines se répand avec une tristesse qui ne peut être réduite au silence.)
A propos des deux traductions, toutes deux chez le même éditeur à un an d'intervalle, déjà citées (ici simplement T et M&R), ma connaissance du gaëlique étant relativement limité, je ne peux que traduire ce que les critiques anglais en disent. La première « The Dirty Dust » (La Sale Poussière), soit T, date de mars 15. La seconde « Graveyard Clay » (L'Argile du Cimetière) colle de façon plus littérale au texte (M&R). La traduction littérale en serait « La Terre du Cimetière ». Il en résulte un texte plus châtié, et souvent moins débridé, voire rabelaisien que a traduction T. Les puristes estiment même que cette traduction est vulgaire et trop crue. Ayant lu des extraits seulement de M&R, et ayant souvent des difficultés de traduction orale pour T, je pense que cette dernière traduction comprend plus le sel de l'histoire, dans son langage de tous les jours. Dans sa préface, Titley reconnait d'ailleurs la difficulté de traduire le texte « There is no easy equivalence between languages. It is not the meaning itself which is the problem but the tone, and feel, and echo. » (il n'y a pas d'équivalence simple entre les langues. Ce n'est pas le sens en-soi qui pose problème, mais le ton, le sentiment et l'écho qu'ils provoquent). Quoiqu'il en soit, « The Dirty Dust » est un chef d'oeuvre d'humour (forcément noir).
Dans la préface également, Titley rappelle comment l'idée du texte est venue à Máirtín Ó Cadhain. « We dug two graves but we didn't find the right coffins in them. The map of the graves was sent for, but the map was as if a child had been doing his sums with the poker in the ashes of the fire. It was getting late and the funeral was due at any moment. We said that we would dig another grave and that would be that. Going home, one of my neighbours said: 'do you know where we got rid of her in the end, but down on someone whom I'll call Red Micil.' 'Oh', said another, 'Oh dear, but isn't there going to be the grammar down there'. ». (On a creusé deux tombes, mais on n'y a pas descendu le bon cercueil. le plan des tombes avait été préparé, mais ce plan était comme si un enfant avait fait des sommes au poker dans les cendres du feu. Il se faisait tard et l'enterrement était attendu d'un moment à l'autre. On a dit que l'on creuserait une autre tombe qui serait cette fois la bonne. En rentrant chez nous, un de mes voisins a dit: «Savez-vous où nous nous en sommes débarrassés finalement, sur quelqu'un que je vais appeler Red Micil. «Oh», dit un autre, «Oh, mais il ne va pas nous faire la leçon depuis là en bas.).
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
« For I am every voice that was, that is, and that will be. I was the first voice in the formlessness of the universe. I am the last voice that will be heard in the dust of Armageddon. I was the muffled voice of the first embryo in the first womb. When the golden harvest is stacked in the haggard, I am the voice that will summon home the last gleaner from the Grain-field of Time. For I am the firstborn son of Time and Life, and steward of their household. I am reaper, stack-builder, and thresher of time, I am storeman, cellarer, and turnkey of Life. Let my voice be heard! It must be heard …».

(Car je suis toutes les voix qui furent et qui seront. J’étais la première voix dans le chaos universel. Je suis la dernière voix à être entendue dans la poussière d’Armageddon. J’étais la voix étouffée du premier embryon dans la première matrice. Quand la moisson d’or est rentrée au hangar, je suis la voix qui appelle à la maison le dernier glaneur des grains du champ du Temps. Car je suis le fils ainé du Temps et de la Vie, et l’intendant du ménage, je suis le moissonneur du temps, je suis le magasinier, le caviste et gardien des clés de la Vie. Laissez ma voix être entendue ! Je dois être entendu…).
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«I hope he lies and never rises! I hope he gets the thirty-seven diseases of the Ark! I hope all his tubes get glutted and his bunghole stuffed! The Ulster flies! The yellow bellies! The plague of Lazarus! Job’s jitters! Swine snots! Lock arse! Drippy disease, flatulent farts, wobbly warbles, wriggly wireworm. . . ».

(J’espère qu’il ment et qu’il ne se lève pas ! J’espère qu’il a attrapé les trente-sept maladies de l’Arche! J’espère que tous ses intestins sont collés et son troufignon bouché ! Les mouches de l’Ulster, Les boyaux jaunes ! La maladie de Lazare ! Les démangeaisons de Job! Morves de porc! Cul serré ! La goutte, les pets foireux, gazouillis bancal, vers frétillant.)
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« A tubercular tinge has crept into the crepuscular sky. Milk is indurating in the udders of the cow while she seeks shelter in the inglenook of the ditch. The voice of the young swain who tends the sheep on the hills is suffused with a sadness which cannot be silenced »

(Une couleur tubarde a envahi le ciel crépusculaire. Le lait s’indure dans le pis de la vache tandis qu'elle cherche un abri dans l’abri du fossé. La voix de la jeune amante qui garde les moutons sur les collines se répand avec une tristesse qui ne peut être réduite au silence.)
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« We will have regular debates, lectures, soirée, Pub Quizzes, Symposiums, Colloqiums, Plentiful Periodicals, Chapters, Summer Schools, and Weekend Schools and Information on Demand for those in the Half Guinea Place »

(Nous aurons des discussions régulières, lectures, soirée, Quizz du Pub, Symposiums, Colloques, Presse de Périodiques, Chapitres, Ecoles d’Eté, Ecoles de Weekend et Information à la Demande pour ceux du Half Guinea Place).
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Don’t know if I am in the Pound grave, or the Fifteen Shilling grave? Fuck them anyway if they plonked me in the Ten Shilling plot after all the warnings I gave them. »

(J’ignore si je suis dans une tombe à une livre ou à quinze shillings. Maudits soient-ils, s’ils m’ont flanqués dans la tombe à dix shillings, après tous les avertissements que je leur ai faits.)
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