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Suzanne V. Mayoux (Traducteur)
EAN : 9782020481366
592 pages
Seuil (30/12/2000)
4.29/5   36 notes
Résumé :
Larry Markham, un bout de pied en moins, tâche de reprendre le fil de sa vie après l'enfer du Vietnam. Hanté par les souvenirs de jungle et de sang, il renoue avec un emploi fade, un mariage raté et une maîtresse inconstante. Seul son rôle de thérapeute auprès d'un groupe de vétérans lui apporte un peu de répit. Mais quand un membre du groupe s'échappe de l'hôpital et le menace de mort, lui et les siens, le réveil s'impose...
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Quatorze ans maintenant que Larry Markham est revenu du Vietnam. On pourrait imaginer que le traumatisme, s'il est toujours présent, s'est émoussé avec le temps. Nada. Larry, c'est comme s'il était rentré hier. Et il n'est pas le seul dans cette situation. Pas de doute que les années auront beau se succéder et mettre de la distance avec cette sale guerre, aucun de ceux qui ont eu la veine de rentrer ne s'en remettra jamais vraiment.
Et pourtant, ils y aspirent tous à reprendre la vie qu'ils ont laissée en partant. Larry s'est dégoté un boulot dans la distribution de pâtisserie industrielle, il fournit les supermarchés, remplit les distributeurs etc., une tâche qui lui laisse le temps, trop, de penser : à son mariage qui bat de l'aile parce que sa femme a fini par se lasser de ses hurlements nocturnes et de son comportement souvent borderline, à son fils mentalement différent des autres garçons de son âge et surtout à son unité, là-bas, dans la jungle humide dont lui seul est revenu. Et, comme si ça ne suffisait pas à le tenir au bord du gouffre, voilà qu'un vétéran enfuit de l'hôpital militaire, où Larry encadre bénévolement un groupe de soldats invalides ou souffrant de SPT, sème la mort autour de lui avant de le prendre pour ultime cible, lui laissant entre temps l'amusement d'indices sous forme de cartes à jouer disséminées un peu partout (difficile de ne pas y voir un clin d'oeil à Koko de Peter Straub qui nous avait crée un peu le même genre d'ancien soldat-tueur traumatisé)

Mêlant histoire présente et souvenirs du passé, inextricablement liés entre eux, Stewart O'Nan, à qui je sens que je ne vais pas tarder à vouer un culte, nous raconte le Vietnam sans parti pris, sans pathos ni patriotisme, juste le quotidien de jeunes hommes largués dans une jungle hostile qui, entre celui qui se croit dans un jeu vidéo et n'imagine pas pouvoir se faire réellement tuer et le grand solitaire qui passe son temps à compter les jours qu'il lui reste avant de dégager de cet enfer, tentent juste de survivre avec cette omniprésente trouille au ventre et, pour la plupart sinon pour tous, pas la plus petite idée de ce qu'ils fichent là.

Le suspense amené avec le tueur forcené est lui aussi plutôt bien ficelé mais ne constitue en rien le point d'orgue de l'histoire. Plutôt voir ça comme une petite intrigue bonus mais aucun doute que l'essence du Nom des Morts reste la réflexion sur les guerres quelles qu'elles soient, les traumatismes qu'elles engendrent, les vies de milliers de soldats qu'elles foutent en l'air (mais étonnamment jamais celles de généraux qui font presque toujours de vieux os), les dommages collatéraux qu'elles produisent et la difficulté voire parfois (souvent ?) l'impossibilité de se reconstruire parce qu'on a beau essayer de toutes ses forces, rien ne repousse jamais sur ces absurdes champs d'honneur éclaboussés du sang des sacrifiés.

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Le nom des morts est un grand roman, pas seulement un roman inoubliable sur la guerre du Vietnam ou sur la guerre en général. C'est un livre sur la difficulté à survivre au traumatisme.
C'est donc un livre qui bouleversera et touchera profondément le lecteur, et dans lequel se reconnaîtront tous ceux qui ont vécu des tragédies dans leur vie.
Collé du début à la fin à son personnage survivant, le récit est d'abord remarquable par l'intimité profonde que l'auteur tisse entre le lecteur et Larry Markham.
Et aussi, par son habilité exceptionnelle à nous faire sentir le désespoir et la détresse de cet homme sans jamais devoir les nommer. À parvenir à nous émouvoir entre les lignes, au-delà de l'apparente apathie et des gestes quotidiens désincarnés et indifférents de cet être anesthésié qui parcourt sa vie en absent, comme un zombie. Cela aurait pu être lassant ou ennuyant à mourir.

Et c'est là précisément l'exploit, que seul un grand écrivain peut accomplir. Si le personnage est brisé et sans ressort, enfermé en lui-même, nous les lecteurs ressentons tout ce que lui-même peut à peine percevoir de ses propres émotions. Grâce en particulier aux efficaces retours dans le passé, qui nous plongent dans l'horreur indicible et insoutenable de la guerre et décrite avec brio, nous avons accès à ce qu'aucun de ses proches ne peut vraiment comprendre. Je ne peux imaginer un roman ou un livre sur la guerre du Vietnam qui puisse mieux nous faire comprendre l'isolement, l'incommunicabilité et le gouffre inévitable entre les vétérans et les civils, ou entre des victimes de traumatisme et ceux qui n'en sont pas.
Nous comprenons grâce à cette oeuvre que même entre vétérans, chacun est emmuré avec ses propres fantômes et ses propres cauchemars, et que les récits de guerre partagés ne procurent qu'un soulagement superficiel.

Il y a aussi dans ce livre un regard intéressant sur les proches de ces traumatisés, leur propre dégoût de la guerre et des horreurs qu'elle comporte les empêchant d'être vraiment présents et aidants. Il y a dans cet aspect aussi un parallèle à faire avec les personnes vivant un deuil. Passé un certain temps, tout le monde s'attend à ce qu'ils aient passé à autre chose, et ne peuvent plus ainsi être présents à ce que vit l'endeuillé.

Voilà donc ce qui en est pour le coeur du roman, mais ce qui en fait aussi un remarquable roman, ce sont les événements du récit, merveilleusement bien construit. D'abord, la lourdeur est allégée par une intrigue amoureuse qui apporte au personnage comme au lecteur un peu de lumière et de douceur. Ensuite une relation émouvante entre le père et son jeune fils qui apporte de la tendresse et humanise le personnage.
L'intelligence de l'écrivain est ici de nous présenter un être brisé par la guerre, mais qui n'en est pas moins fondamentalement un homme bon et aimant. La relation à son propre père ajoute également une autre dimension, lui qui a aussi connu la guerre et porte en lui ses propres traumatismes. Enfin, il y a l'intrigue policière, très habilement menée, et qui ne fait pas qu'ajouter un suspense au récit. En effet, le vétéran en cavale à la poursuite de Larry symbolise cette guerre qui le poursuit la nuit comme le jour, dans ces cauchemars comme dans ses relations. le vétéran fou symbolise cette violence qui rôde autour du personnage mais qu'il parvient à garder à distance malgré tout.

Comme vous le voyez, il s'agit d'un roman riche, avec d'excellents dialogues, des retours dans le passé qui s'imbriquent parfaitement au présent du récit, des personnages crédibles, forts, touchants.

Un grand roman définitivement marquant.
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Quel choc ce roman ! J'ai beaucoup aimé, je l'avais emporté dans mes bagages lors d'un voyage au Laos. Dans la touffeur de l'Asie, j'ai avancé en portant ce cauchemar, dans la forêt je guettais les bruits d'avion, dans la plaine à découvert je cherchais un abri en cas d'attaque, en marchant dans la boue des rizières, je craignais de faire éclater les bombes. Et toujours cette vision des épisodes où les soldats doivent sauter de l'avion et crapahuter sous la pluie dans un pays hostile. Larry découvre la réalité de la guerre. Puisqu'il est infirmier, il sera chargé des soins d'urgence, alors on va l'appeler toubib. Il se rend compte du rôle insoutenable qu'il va endosser.
Le titre explicite parle des camarades que Larry verra tomber les uns après les autres.
Steward O'Nan nous a dédicacé son roman : « This long rainy marche of a novel with much hope. »
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Larry Markham est un vétéran du Vietnam…
Là, vous vous dîtes : « et voilà, un récit de plus sur l'un de ces pauvres bougres suicidaires qui noient dans l'alcool les réminiscences des horreurs vécues, dont la vie est définitivement foutue, ou qui est devenu psychopathe… »
Et là je vous réponds : « vous, vous ne connaissez pas Stewart O'Nan ! ».
Stewart O'Nan n'a pas besoin de faire dans le sensationnel ou dans le larmoyant, pour que ses romans soient touchants et passionnants. Il sait écrire sur la douceâtre amertume dont est parfois paré le quotidien, sur les complications et les désillusions inhérentes aux relations que l'on a avec autrui, et tout cela presque sans en avoir l'air. C'est juste que ses personnages, bien qu'ils n'aient pas du tout vécu les mêmes expériences que nous, nous ressemblent terriblement. On se reconnaît dans leurs doutes, leurs faiblesses, et surtout dans cette énigmatique volonté de continuer à avancer, en dépit des coups durs et des déceptions.

Bien, revenons-en à ce cher Larry… qui, s'il n'a pas rapporté du Vietnam des poussées suicidaires ou des tendances alcooliques, est affligé d'une culpabilité latente, qui lui colle à la peau, parce qu'il n'a pas été capable de ramener tous ses compagnons sains et saufs, alors qu'il s'agissait, puisqu'il était infirmier, de son devoir. Il vit en permanence avec leur souvenir, qu'il entretient même avec une certaine nostalgie. Il s'impose l'obligation d'être reconnaissant à la vie, par respect envers ceux qui l'ont perdue, mais ce n'est pas si facile : si le Vietnam paraissait être l'enfer, l'existence qu'il mène à son retour aux Etats-Unis n'est pas vraiment le paradis... un fils handicapé, des problèmes de couple, des relations tendues avec les membres de sa famille, et pour couronner le tout, un mystérieux inconnu, rescapé du Vietnam lui aussi, l'entraîne sur un menaçant jeu de piste.

Qu'il décrive le quotidien macabre et interminable des soldats en pleine jungle, ou la difficulté à composer avec les aléas d'une vie plus « banale », Stewart O'Nan sait toucher juste : « le nom des morts » est un livre très fort.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Une écriture simple et touchante, pour une histoire menée avec beaucoup de suspense. J'adore ce livre.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
«Elles ne sont pas à toi? dit Vicki d'une voix implorante.
-Non, ce sont les photos d'un ami.
-Alors, pourquoi c'est toi qui les a?
-Il n'est pas revenu.
-Dans ce cas, pourquoi tu les gardes? Pourquoi tu ne les jettes pas? »
Elle attendait sa réponse. Larry n'en avait aucune à lui fournir, mais il ne se débarrasserait pas des photos. Elles étaient les siennes tout comme Magoo, et Andy le Futé, et Carl Metcalf étaient les siens.
«Maintenant elles sont à moi. Elles ont de l'importance pour moi.
-Je n'en veux pas sous mon toit.»
À genoux près de la malle vide, Clines feignit de ne pas écouter.
«Rien ne t'oblige à les regarder, répliqua Larry.
-Mais je ne veux pas que toi, tu les regardes. Ça fait treize ans, Larry - Treize ans! Il faut que tu arrêtes de te vautrer là-dedans.
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Ils franchissent les barbelés, dévalent le flanc rouge de la colline et s’enfoncent dans la jungle. La pénombre y règne, le plafond végétal enferme la brume. La lourdeur de l’air étouffe le bruit de leurs pas. Leurs rangers s’imprègnent de rosée ; les lianes rampantes leur attrapent les chevilles. Ils se fraient un passage entre les tiges de bambous sonores, écartent de l’épaule les feuilles vernies. La colonne s’étire loin en avant, le Martien ouvre la marche, invisible. Ils sillonnent la pente en tous sens, au point que Larry serait incapable de dire de quel côté se trouve le poste. Ses rangers toutes neuves lui brûlent les pieds et son fusil se fait lourd. […] Garde tes distances. Ne parle pas. Ne siffle pas. Cela semble absurde. Ils sont quatorze à avancer pesamment dans la jungle, avec leur équipement cliquetant. […]
Il se tient prêt à bondir dès le coup de feu, pour rejoindre son blessé, arrêter l’hémorragie, bander la plaie. Ne réfléchis pas, agis. D’ailleurs, il n’aurait pas le choix, songe-t-il.
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- Il y a quoi, là-bas ? demande Larry
- Oh, le merdier, répond le premier qui éclate de rire.
- Pour de vrai, insiste Larry […]
- C’est moche partout, y a juste des coins qui sont pires que d’autres.
- […]
- Bon, il y a quoi ?
- « Du vilain » dit le second. Il regarde Larry, comme si celui-ci connaissait la réponse, comme s’il faisait l’idiot exprès. « Tu sais, explique-t-il, la guerre ? »
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Comme disait toujours Andy l'Idiot, ça commençait par un V et se terminait par Va te faire foutre.
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