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Critique de cats26


C'est un récit à la première personne sous la forme des mémoires de Maddy "Monkey", une des "foxfires", un gang de filles qui exista au milieu des années 50 dans une ville moyenne américaine.

La Maddy mature, adulte, essaie de se remémorer les sentiments de son moi adolescent face à Legs Sadowsky, la chef charismatique de la bande. Elle tente également de recomposer la chronologie des événements qui ont entouré la naissance du groupe puis à sa montée en puissance jusqu'à sa dissolution dramatique.
On comprend que ce gang féminin et féministe a été créé en réponse aux violences faites aux femmes et face à ceux que Legs nomme les "Autres", oppressifs et menaçants envers ces filles vulnérables et un peu perdues.

A travers les souvenirs de Maddy, c'est le portrait de l'Amérique pauvre et contrastée des années 50 qui est dressée et la condition de la femme de ces années-là qui est dépeinte. La fille, la femme n'existe que par rapport à l'individu mâle.
On ne peut que se demander si les choses ont vraiment changé. En pointant du doigt l'Amérique passée, c'est l'Amérique de son temps que Joyce Carol Oates a interrogée. Sa plume précise et incisive redonne vie aux fantômes du passé de Maddy et son formidable talent d'écrivain fait de ce récit des frasques adolescentes une véritable critique de l'Amérique bien-pensante, hypocrite et matérialiste qui a poussé sur le chemin de la perdition des jeunes filles au départ juste bien intentionnées les unes envers les autres.
Certains passages sont hauts en couleur, d'autres parfaitement réalistes et si crus et détaillés dans leur description qu'ils se détachent de façon quasi cinématographique (un film a d'ailleurs été réalisé à partir du roman). le passage sur la prison pour mineures est pour moi hallucinant et glaçant.

Tous les personnages féminins sont attachants et bien campés alors que les personnages masculins, pour la plupart, par contraste, apparaissent faibles et veules (c'est probablement ainsi que Maddy les voyait en ce temps-là).
Le personnage central n'est pas comme on pourrait le penser Maddy mais Margaret "Legs", la fille magnétique et audacieuse qui subjugua la narratrice et fut l'objet de sa vénération et de son amour et qui continue à intriguer la Maddy cinquantenaire.
Elle apparaît comme un personnage héroïque et sa disparition tragique et mystérieuse ajoute à sa légende. Même si à la fin du récit, la narratrice prend ses distances et se détache de Legs, cette dernière n'en demeure pas moins une figure d'exception.

Le jeu typographique qui fait ressortir du texte certains mots, certains faits rythme ainsi de façon physique la narration de Maddy.
D'autre part, comme le roman est une tentative de Maddy de recomposer son passé, il est aussi une oeuvre portant sur la mémoire, sur le travail rétrospectif de cette dernière, sur la recomposition des faits et la conformité à la réalité des événements passés.

En bref, nous avons là encore une oeuvre captivante, forte et dérangeante de cette grande auteure américaine qui sous couvert de présenter une fiction basée sur des faits divers dénonce de fait une réalité historique et peut-être contemporaine de la société américaine et utilise son extraordinaire virtuosité de conteuse pour réaliser ici une représentation sans fard et sans concession de son pays, comme elle l'a constamment fait tout au long de son oeuvre prolifique.
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