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Critique de Colchik


Sont réunies ici douze nouvelles de Joyce Carol Oates, autrefois publiées dans des magazines ou des anthologies. Rien de nouveau donc, avec la crainte que l'on ait vidé des fonds de tiroir pour concocter l'ouvrage. Cette appréhension se dissipe bien vite. Personne ne sait ciseler le détail assassin comme l'écrivaine. La cruauté de ses observations n'a d'égale que l'inconfort des situations où se débattent ses personnages. Une jeune doctorante, tombée en disgrâce auprès de son professeur, est conviée dans sa résidence de campagne à un déjeuner parachevant l'année universitaire : non seulement elle ressent l'humiliation d'une invitation de pure convenance et l'aiguillon de la jalousie face aux autres étudiants du maître, mais suffoque aussi de l'admiration éperdue d'une groupie pour son idole (Somme nulle).
L'esprit meurtrier de la romancière s'accommode à merveille à l'art de la nouvelle. Prenons une situation banale, par exemple la visite d'une traductrice et poétesse à sa mère âgée, la séquence respecte une unité de temps, une journée passée auprès de la vieille dame acerbe, puis arrive une révélation balancée comme un flacon de vitriol : nous voyons Karin, la fille mal aimée, se désintégrer sous nos yeux (Moineau). Parfois, le désarroi des personnages prend le pas sur la satire des moeurs et ouvre une porte sur une humanité déboussolée (Le babyphone) ou meurtrie (Le froid).
Dans le recueil figure encore ce que l'on pourrait appeler une novella : le suicidé. Pour moi, elle constitue une sorte de vanité, une brillantissime composition évoquant la fin d'un écrivain encensé par la critique et son lectorat. Ravageur d'ironie féroce.
Le style de Joyce Carol Oates concourt beaucoup à la force de sa narration, ponctuée d'incessantes comparaisons, petits coups de maillet brefs qui font sonner une note aiguë dans un récit dégraissé de l'accessoire. La phrase est nette, coupante. Parfois une série de mots en saccades viendra livrer un constat d'impuissance ou la capitulation d'une volonté.
Certes, toutes les nouvelles ne sont pas à la hauteur de celles que j'ai citées et j'ai moins apprécié certaines plus tournées vers l'anticipation. En dépit de cette réserve, l'autrice fait la preuve d'un talent qui ne cesse d'époustoufler.
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