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Critique de Nastie92


Un fait divers abominable.
En 1996 aux États-Unis, une fillette de six ans, JonBenét Ramsey, est retrouvée morte dans le sous-sol de la maison familiale.
JonBenét n'était pas une enfant comme les autres. Elle participait depuis l'âge de quatre ans à des concours de mini-miss et avait remporté de nombreux titres.
Cette histoire a inspiré Joyce Carol Oates qui en a fait le point de départ de son roman.
De l'horrible événement, elle a gardé les personnages principaux (les parents et le frère de la petite victime), mais elle a effectué quelques changements, en particulier en ce qui concerne les noms : JonBenét Ramsey est devenue Bliss Rampike, et n'est pas mini-miss mais championne de patinage artistique.
Pour le reste, l'auteur a fait marcher son imagination fertile.
Elle a comblé les vides de cette sordide affaire à ce jour non élucidée.
Elle a inventé la vie de la famille avant, pendant et après le drame, elle a créé l'univers cohérent dans lequel elle fait évoluer ses personnages, elle a échafaudé un scénario diabolique.
Cet ouvrage est donc une fiction, mais conçue à partir de l'observation du réel, de la société américaine dont Joyce Carol Oates se plaît à dénoncer les travers.
Ce n'est pas de l'encre qu'elle a mis dans sa plume, c'est du vitriol. De la variété la plus corrosive qui soit.
Tout y passe. Tout est fortement dénoncé.
Les failles collectives et individuelles sont exposées au grand jour : celles de la société et celles des familles et de leurs membres.
Joyce Carol Oates ne vous impose pas ses pensées, son point de vue ; elle n'attaque pas son lecteur frontalement. Elle est plus rusée que ça.
Elle vous glisse des petites phrases, des petites remarques, l'air de rien, et vous amène à penser ce qu'elle veut vous faire penser.
C'est diablement efficace.
Elle raconte, mais son texte est bien plus qu'une narration, c'est une invitation à la réflexion.
C'est ce que j'aime chez Joyce Carol Oates : elle bouscule son lecteur pour le faire réagir. Quelquefois, c'est à travers un petit détail, insignifiant si l'on n'y prend pas garde, une petite perfidie subtilement glissée ; d'autres fois, c'est un boulet de canon envoyé en pleine figure.
Ça peut faire mal !
Dans Petite soeur, mon amour, ça fait particulièrement mal. Parce qu'une petite fille de six ans est morte. Assassinée.
Dans ce livre, l'auteur utilise plus que jamais les possibilités de la typographie pour insister, souligner, ironiser : mots écrits en capitales ou en italique, notes de bas de pages acerbes, fond tramé... chaque effet est pensé, présent au bon moment, de la bonne façon.
Sous un désordre apparent se cache une construction particulièrement soignée, dans laquelle chaque élément est important, utile et à sa place.
Rien n'est laissé au hasard, Joyce Carol Oates est extrêmement méticuleuse.
Elle assume la noirceur de son propos jusqu'au bout, jusqu'à une fin sordide dans laquelle elle donne la résolution de l'affaire ou plutôt un façon possible de résoudre un crime qui dans la réalité n'a jamais été élucidé.
Après s'être fait promener pendant plus de six cent pages dans lesquelles on l'a laissé bien peu respirer, le lecteur pourrait espérer, non pas un happy end (Bliss est morte, on le sait), mais au moins une fin apaisée.
Ce serait mal connaître l'implacable Joyce Carol Oates !
Une immense réussite de plus à l'actif de cet auteur que j'aime tant lire.

PS : JonBenét Ramsey est tristement célèbre aux États-Unis, où son meurtre a fait d'elle une star posthume. Avant de lire Petite soeur, mon amour, tapez son nom dans un moteur de recherche. Regardez les photos et rappelez-vous qu'elle avait six ans lorsqu'elle a été assassinée. Vous comprendrez bien mieux la virulence dont a fait preuve Joyce Carol Oates dans son roman.
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