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sur 480 notes
Je l'adore, cette auteure !
Elle a le don de m'emporter dans la plus infernale des spirales, dans le plus abominable des abîmes psychologiques.
Car son « héros » et narrateur, Skyler Rampike, n'en peut plus depuis que sa soeur est née, depuis que sa mère a décidé qu'elle en ferait un petit prodige de patinage artistique.

Jaloux, Skyler ? Peut-être. Sa maman, de qui il était le « petit homme » avant la naissance de sa soeur, n'en a plus que pour Edna Louise. Et son papa, n'en parlons pas... le mâle américain dans toute sa splendeur, dragueur, macho, ne supportant pas la faiblesse... Qui se détourne de son fils lorsque celui-ci tombe méchamment en voulant prouver à son père qu'il est capable d'effectuer une figure de gymnastique. Skyler en restera handicapé.
Jaloux, Skyler ? Peut-être pas. Il aime sa petite soeur, sa petite Edna Louise que sa mère va surnommer « Bliss » depuis son lancement dans la sphère du patinage et du début de la célébrité. Il voudrait tellement la protéger de cette maman si gentille et si exigeante pour l'avenir de Bliss.

Et puis arrive le malheur total, innommable. Bliss est assassinée.
Par qui ? On n'en sait rien. La descente aux enfers peut commencer.
Pour tout le monde, mais surtout pour Skyler, qui nous raconte tout cela, à 19 ans, dans une espèce de catharsis avec laquelle je fais corps. Totalement. Inexorablement.

Tout est décortiqué, tout le monde y passe. Oates, par l'intermédiaire de son narrateur, fait éclater dans toute sa splendeur sa connaissance innée de l'âme et des coeurs.
Oates ? La prêtresse des démons intérieurs. Mais aussi l'observatrice fidèle et impitoyable d'une certaine Amérique, celle des apparences, de la richesse et de la célébrité.

Une auteure complète, un roman magistral. Excellentissime.
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Inspiré d'un fait-divers jamais résolu, l'assassinat de la petite JonBenet Ramsey, six ans et demi, célèbre mini-Miss vedette de concours de beauté, Joyce Carol Oates s'empare de l'affaire en la transformant légèrement.

Nous sommes en Amérique, à Fair Hills, New Jersey où vit la famille Rampike : le père,Bix,caricature de l'américain à qui tout réussit : beau, riche, plaisant aux femmes, trompant allègrement la sienne, ancien sportif très doué, gravissant les échelons sociaux à toute allure ; son épouse Betsey ne travaillant plus pour se consacrer à ses enfants, en quête de mondanité et de reconnaissance sociale, baignée de religiosité ; leur fils Skyler, enfant maigrichon,taciturne qui adore ses parents et enfin leur fille Edna Louise, créature sans intérêt aux yeux de sa mère ... jusqu'au jour où à l'âge de 4 ans, elle devient mini-Miss championne de patinage sur glace. Dès lors, la vie de cette "famille" va changer : plus personne ne s'occupe de Skyler qui s'est vilainement fracturé une jambe en essayant de plaire à son père en effectuant des figures de gymnastique (qui lui font horreur) et restera boîteux toute sa vie au grand reproche de ses parents.

Lorsque Edna Louise remporte des succès en tant que patineuse, sa mère la rebaptise "Bliss" parce qu'elle trouve ce nom plus porteur au point de vue marketing.

C'est Skyler, lorsqu'il est âgé de 19 ans qui nous relate "l'affaire" et leur vie de famille.

C'est une famille américaine type où il faut plaire et être célèbre (et riche) à tout prix. Skyler est délaissé au profit de sa géniale petite patineuse de soeur à laquelle sa maman consacre désormais tout son temps : maquillage, teinture de cheveux, vêtements affriolants et évidemment entraînement intensif sont désormais le lot de cette gamine de 4 ans, Skyler, 7 ans, est forcé de se rendre à son plus grand ennui à des goûters chez des garçons dont les parents sont représentatifs socialement. Il a mal à sa jambe fracturée et boîte ? Ses parents lui font des remontrances "ne boîte pas". Les deux enfants sont également soumis à avaler une batterie de médicaments et Bliss reçoit même des piqûres hebdomadaires pour la "renforcer".

Les enfants sont tristes, craintifs et pas du tout épanouis, ils s'évertuent à plaire à leurs parents qu'ils adorent.

Et ça fonctionne selon le plan de Betsey : tout le monde veut connaître le petit prodige "Bliss" et donc la famille est invitée chez les membres les plus influents (et les plus riches) de la communauté de Fair Hills à la plus grande joie de la mère qui en profite pour se faire opérer esthétiquement, changer de coiffure, s'acheter des vêtements hors de prix ... Mais le bonheur n'est cependant pas au rendez-vous du couple qui se sépare, Bix s'ennuyant auprès de son épouse s'en va vivre des aventures puis revient auprès de sa famille puis repart ...

Et un jour, le drame absolu, Bliss est retrouvée morte, assassinée, la veille de ses 7 ans. Toute la famille y compris le pt'it gars de 9 ans est soupçonnée jusqu'à ce qu'un pédophile fasse des aveux peu crédibles et se retrouve pendu dans sa cellule ... Mais qui donc a tué Bliss ?
La mère soupçonne son fils qui ne se rappelle de rien car sous l'emprise d'une forte dose de médicaments, il dormait et sa mère lui dit "il ne faudra jamais rien dire à personne, même pas à Jésus" ! Mais Skyler aimait sa petite soeur et ne comprend pas pourquoi il l'aurait tuée. Skyler, à coups de sommes astronomiques est placé dans diverses institutions psychiatriques où on lui trouve toutes les maladies mentales possibles et imaginables.

En grandissant, il refuse de voir ou même de parler à ses parents qui le soupçonnent du meurtre de sa soeur. Ne sachant plus qui il est ou n'est pas, il tombe dans la drogue et vit misérablement loin "des siens".

Les tabloïds se déchaînent après le décès de Bliss et la mère en profite pour écrire des livres, créer des collections de jouets évoquant sa fille. Elle s'enrichit très fortement grâce à ces procédés ... ! Reconnue socialement grâce au succès de patineuse de sa petite fille, la voilà donc qui s'enrichit considérablement grâce à son décès, Skyler, lui, n'intéresse plus personne, c'est au contraire la honte de la famille ce qui va le détruire durant dix longues années.

J'ai adoré ce livre tout en le détestant mais cela est une des caractéristique des livres de Joyce Carol Oates qui nous envoûte tout en nous décrivant le pire. Si "ça" est le "rêve américain", je préfère quant à moi parler de "cauchemar américain" et JCO ne se prive pas non seulement de l'égratigner mais de le démolir tout entier.

Un livre excellent, à lire !
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Emerger d'un roman de la grande Joyce Carol Oates équivaut à émerger d'un cauchemar et, à l'instar des cauchemars, il y a de fortes chances pour qu'il vous poursuive et vous hante plusieurs heures voire de nombreux jours après qu'il se soit achevé.

Un titre si tendre et si sentimental pour un roman noir comme seule Joyce Carol Oates sait en produire. La sensation de ne pas savoir où vous posez les pieds ; vous glissez des petits pas craintifs dans la brume opaque qui vous entoure et dans laquelle vos chevilles sont dissimulées. Vous avancez lentement jusqu'à sentir le sol se dérober sous vos pieds. Et le chute est rude, inévitablement.

Ici, vos pieds sont chaussés de jolis patins en cuir d'agneau ; les patins artistiques de la jeune Bliss, star prodige de la glace qui a déjà conquis le coeur des Américains adeptes de la compétition sportive dès le berceau. Bliss a presque 7 ans et elle a déjà derrière elle une carrière longue de trois années de glisse, de galas, de show et de strass. Coachée par sa mère, pistée par les médias et jalousée par son frère aîné, Bliss est une marionnette si (fr)agile.

Contrairement à ce que peut donc laisser penser son titre tendre et sentimental, "Petite soeur, mon amour" est un drame. Drame familial mais aussi et surtout drame social. Dans le parcours de comète de Bliss scintille le miroir aux alouettes du "rêve américain" de la classe suprémaciste américaine : amour, gloire et beauté, le règne tout puissant de la notoriété clé du succès. "Petit soeur, mon amour" est, à l'instar de bien des romans de la géniale Joyce Carol Oates, un pamphlet qui fustige la barbarie de la quête du succès, qui met en évidence la cruauté des procédés pour y parvenir et la médiocrité des résultats si durement atteints.

"Petite soeur, mon amour" est aussi un roman psychologique puissant qui se développe sous la narration psychotique de Skyler, le frère de Bliss. Maltraitance infantile, accaparement par les parents du destin des enfants, addictions destructrices, drame psychiatrique. Vous pouvez compter sur l'impudique Joyce Carol Oates pour ne pas vous ménager.

Oui, "Petite soeur, mon amour" est à classer parmi les romans très noirs de l'auteure. Une auteure dont la plume continue à me fasciner, à me scotcher, à m'enliser dans un cauchemar dont, vicieusement, je ne souhaite pas tant sortir. La peinture au vitriol que l'auteure dresse d'une société dont elle connaît parfaitement les travers et les fantasmes, dont elle maîtrise les codes et les langages, a de quoi faire froid dans le dos. Si son style accuse toujours quelques longueurs, au final, le voyage qu'elle propose, si riche de détails et de dimensions juxtaposées, mérite vraiment le détour bien qu'il nécessite d'avoir le coeur et les tripes bien accrochés.


Challenge MULTI-DEFIS 2022
Challenge PLUMES FEMININES 2022
Challenge PAVES 2022
Challenge Joyce Carol OATES
Challenge ABC 2021/2022
Challenge SOLIDAIRE 2022
Challenge ATOUT PRIX 2022
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Un fait divers abominable.
En 1996 aux États-Unis, une fillette de six ans, JonBenét Ramsey, est retrouvée morte dans le sous-sol de la maison familiale.
JonBenét n'était pas une enfant comme les autres. Elle participait depuis l'âge de quatre ans à des concours de mini-miss et avait remporté de nombreux titres.
Cette histoire a inspiré Joyce Carol Oates qui en a fait le point de départ de son roman.
De l'horrible événement, elle a gardé les personnages principaux (les parents et le frère de la petite victime), mais elle a effectué quelques changements, en particulier en ce qui concerne les noms : JonBenét Ramsey est devenue Bliss Rampike, et n'est pas mini-miss mais championne de patinage artistique.
Pour le reste, l'auteur a fait marcher son imagination fertile.
Elle a comblé les vides de cette sordide affaire à ce jour non élucidée.
Elle a inventé la vie de la famille avant, pendant et après le drame, elle a créé l'univers cohérent dans lequel elle fait évoluer ses personnages, elle a échafaudé un scénario diabolique.
Cet ouvrage est donc une fiction, mais conçue à partir de l'observation du réel, de la société américaine dont Joyce Carol Oates se plaît à dénoncer les travers.
Ce n'est pas de l'encre qu'elle a mis dans sa plume, c'est du vitriol. De la variété la plus corrosive qui soit.
Tout y passe. Tout est fortement dénoncé.
Les failles collectives et individuelles sont exposées au grand jour : celles de la société et celles des familles et de leurs membres.
Joyce Carol Oates ne vous impose pas ses pensées, son point de vue ; elle n'attaque pas son lecteur frontalement. Elle est plus rusée que ça.
Elle vous glisse des petites phrases, des petites remarques, l'air de rien, et vous amène à penser ce qu'elle veut vous faire penser.
C'est diablement efficace.
Elle raconte, mais son texte est bien plus qu'une narration, c'est une invitation à la réflexion.
C'est ce que j'aime chez Joyce Carol Oates : elle bouscule son lecteur pour le faire réagir. Quelquefois, c'est à travers un petit détail, insignifiant si l'on n'y prend pas garde, une petite perfidie subtilement glissée ; d'autres fois, c'est un boulet de canon envoyé en pleine figure.
Ça peut faire mal !
Dans Petite soeur, mon amour, ça fait particulièrement mal. Parce qu'une petite fille de six ans est morte. Assassinée.
Dans ce livre, l'auteur utilise plus que jamais les possibilités de la typographie pour insister, souligner, ironiser : mots écrits en capitales ou en italique, notes de bas de pages acerbes, fond tramé... chaque effet est pensé, présent au bon moment, de la bonne façon.
Sous un désordre apparent se cache une construction particulièrement soignée, dans laquelle chaque élément est important, utile et à sa place.
Rien n'est laissé au hasard, Joyce Carol Oates est extrêmement méticuleuse.
Elle assume la noirceur de son propos jusqu'au bout, jusqu'à une fin sordide dans laquelle elle donne la résolution de l'affaire ou plutôt un façon possible de résoudre un crime qui dans la réalité n'a jamais été élucidé.
Après s'être fait promener pendant plus de six cent pages dans lesquelles on l'a laissé bien peu respirer, le lecteur pourrait espérer, non pas un happy end (Bliss est morte, on le sait), mais au moins une fin apaisée.
Ce serait mal connaître l'implacable Joyce Carol Oates !
Une immense réussite de plus à l'actif de cet auteur que j'aime tant lire.

PS : JonBenét Ramsey est tristement célèbre aux États-Unis, où son meurtre a fait d'elle une star posthume. Avant de lire Petite soeur, mon amour, tapez son nom dans un moteur de recherche. Regardez les photos et rappelez-vous qu'elle avait six ans lorsqu'elle a été assassinée. Vous comprendrez bien mieux la virulence dont a fait preuve Joyce Carol Oates dans son roman.
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Allez courage, on s'y met ! Voilà bien 15 jours que j'ai terminé ce roman, et je n'ai pas eu le courage de m'atteler à sa critique. 15 jours, c'est aussi le temps qu'il m'a fallu pour le lire, tellement je me suis engluée dans cette histoire.
Pourtant, je partais toute enthousiaste, j'aime beaucoup Joyce Carol Oates, et la quatrième de couverture avait tout pour me tenter, jugez plutôt : une petite star de la glace, Bliss (attention ça glisse !), âgée de six ans est assassinée en pleine gloire. C'est inspiré d'un fait divers réel mais jamais élucidé. Dans le roman on connaîtra l'auteur du meurtre. Mais avant cela on va se farcir le récit très looong et décousu du grand frère, Skyler, qui depuis son enfance navigue de psychiatre en établissement pour toxicos, est farci de médicaments d'abord par la volonté de sa mère puis par les innombrables "spécialistes" qui se le renvoient comme un ballon (mais un ballon juteux, les parents sont blindés de fric !). Donc il faut suivre ses élucubrations, retours en arrière, innombrables notes de bas de page, délires paranos et autres relents de culpabilité. Parce que, c'est peut-être bien lui qui a fait un sort à la petite soeur qui captait toute la lumière, le laissant à la traîne, à cause d'elle il n'était plus "le petit homme de Maman"...
Mais c'est peut-être aussi le pédophile du quartier qui était tombé un peu trop amoureux de l'étoile de la glace ? Ou encore quelqu'un d'autre, qui sait ? Il faudra souffrir 666 pages pour le savoir !
J'ai failli abandonner à maintes reprises, surtout que j'avais deviné le fin mot de l'histoire assez rapidement, mais comme c'est Joyce Carol Oates quand même, j'ai continué vaille que vaille. Heureusement que j'avais quelques lectures jeunesse pour couper et apporter un peu de fraîcheur dans toute cette glauque histoire. Pourquoi avoir quand même accordé la moyenne me demanderez-vous (ou pas, sans doute que vous n'en aurez pas grand-chose à faire) ? Parce que l'idée de départ était bonne, et que certains chapitres m'ont plu, notamment ceux qui parlent de la vie d'avant le meurtre. La façon dont la mère exploite le talent de sa fille est assez fascinante, ça rappelle fortement les histoires de mini-miss (sauf qu'elle patine en plus) et j'ai toujours été intriguée par ces mères qui ne vivent qu'à travers les "succès" de leurs enfants dans ce genre de compétitions, ou comme plus récemment les gamins qu'on expose comme des bêtes de foire sur internet. Mais quand même une grosse déception, je suis un peu fâchée avec l'auteure, même si je lui reviendrai sans doute d'ici quelque temps, une fois ce dérapage oublié !
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Ecrire cette critique, c'est presque aussi compliqué que de lire ce roman.

Lecture paradoxale que j'aime et que je déteste.

Histoire qui me fait des noeuds à l'estomac et me révulse et en même temps impossible à lâcher.

Personnages haïssables et d'autres si fragiles.

Hypocrisie vomissive. Traitements indignes.

JCO pour la troisième fois m 'a beaucoup torturée avec cette histoire.
Parce qu'elle touche à ce qu'il y a de plus précieux dans la vie, nos enfants.
Parce qu'elle s'est inspirée d'un fait divers monstrueux. L'assassinat d'une petite miss de beauté jamais élucidé.
Parce qu'elle révèle ce qu'il y a le plus sordide sous le vernis du rêve américain.

Nous avons donc cette petite fille, Bliss, de son vraie nom Edna Louise, qui est toute mignonne sur ses patins. A 4 ans, elle va ravir le coeur du public et commencer à décrocher des titres pour le plus grand bonheur de sa maman Betsey et du papa Bix. Jusqu'à ce qu'elle soit découverte morte dans son sous sol et qu'un pédophile fan de Bliss s'accuse du crime. La petite fille n'a que 6 ans.

C'est le grand frère Skiler, 9 ans au moment des faits, 19 ans au moment de l'écriture et qui raconte.
Le masque de la famille parfaite se fissure rapidement et on ne peut assister impuissant qu'à ce désastre.


L'histoire se situe à Fair Hills dans le New Jersey.

Le papa Bix a tout pour plaire : séduisant, beau, barraqué, en pleine réussite professionelle (en témoigne la taille de sa voiture, de sa maison ou de sa montre).
Betsey s'occupe des enfants (avec des bonnes !). Elle est en quête de reconnaissance sociale. N'hésitant pas à harceler les mamans en vue au téléphone pour obtenir de précieuses invitations à des goûters. Betsey est très croyante.
Skyler c'est un brave petit gars qui ne demande qu'à plaire à ses parents jusqu'à se blesser gravement en sport et rester infirme.
Et enfin la petite Edna Louise qui devient intéressante aux yeux de sa mère le jour où elle monte sur des patins et se révèle douée.

Ca c'est le côté pile de la pièce. Une famille qui a l'air plutôt sympa.

Coté face. J'ai été horrifiée. Vraiment. Imaginer ce que certaines mères font subir à leurs petites filles pour gagner des concours.
Bliss ne va plus à l'école. Elle s'entraîne comme une forcenée. Bliss est devenue une machine à gagner. Toute sa vie et celle de sa maman tourne autour des compétitions : maquillage, coiffure, entraînement...


Skyler est franchement mis de côté. On le prie de ne pas faire ses grimaces de martyre sur les photos et de ne pas boîter en société ni de faire honte. (sérieux ??? J'ai eu de grosses bouffées de colère).

Les gamins reçoivent une quantité inimaginable de médicaments et même des piqûres pour Bliss dans le derrière. Elle ne peut même plus s'asseoir tellement elle a mal. (c'est quoi ces médecins qui prescrivent toute cette merde???)
Vous les croyez heureux les enfants Rampike??? Je ne crois pas avoir lu une ligne de plaisir pour ces pauvres gamins.
De la tristesse, de l'ennui, du désespoir et de la maltraitance.
Quant à moi, j'ai eu envie d'hurler et de punir ces horribles parents.
Je n'en dirai pas davantage car le pire est à venir dans les révélations et les souvenirs. l'après meurtre de Bliss est aussi très difficile à lire.

J'ai du m'accrocher pendant cette lecture.

Pas parce que les enfants sont frappés. Pas du tout. Il n'est pas question de ça.
C'est l'attitude des parents. Soumettre l'amour qu'ils dispensent à leurs enfants à la réussite de quelque chose. Chercher à monter les échelons de la classe sociale sur le dos de leur enfant. Etre dépourvu d'empathie devant la souffrance des enfants.
Ce manque d'amour, de générosité, de sensibilité, ce père qui ne vient même pas voir sa fille patiner parce qu'il a autre chose à faire.
Pour moi ça a vraiment été dur à lire et à encaisser.

Mais il fallait pour Bliss et pour Skyler que je poursuive ma lecture. Je voulais découvrir qui avait tué Bliss. Je voulais aussi savoir ce qu'allait devenir Skyler.

Bon cette fois j'en suis convaincue. Pas d'happy end avec JCO. Mais des romans coups de poing. Elle s'attaque à des sujets difficiles et on peut dire qu'elle n'épargne personne.

Alors c'est ça le fameux rêve américain?

Et bien je vais rester dans ma Haute Loire profonde et profiter de mes enfants que j'aime de la tête au pied, avec leurs qualités mais aussi tous leurs défauts.












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Roman d'une rare intelligence, Petite soeur mon amour dévoile, sans l'ombre d'un jugement mais avec une grande justesse, une société fourvoyée et noyée dans les apparences, la concurrence et la vengeance. Joyce Carol Oates procède de nouveau brillamment à la dissection d'une Amérique du Nord égarée au moyen d'un fait tristement réel et célèbre, l'assassinat d'une jeune mini-miss vedette à la fin des années 90. Elle explore la psychologie des personnages, recompose et s'approprie les pensées du grand frère, condamné à l'errance mentale en utilisant le roman comme un objet de confessions, d'autobiographie.
L'histoire est désagréable, parfois inhumaine, mais addictive, l'autrice nous coince et nous éprend par sa verve et son acuité sur le monde, la famille, le capitalisme. C'est incroyable.
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Joyce Carol Oates ne montre pas l'envers du rêve américain, elle le fait littéralement voler en éclats. Pour atteindre son but, elle détourne une forme convenue : le livre-confession autobiographique. Ce genre littéraire commercial fleurit aux Etats-Unis mais aussi en France (je n'ai pas de titres en tête, je ne lis pas ce genre de prose, je sais simplement qu'elle existe. Joyce Carol Oates donne l'illusion du réel en concentrant tous les codes du genre sur sept cents pages, en écrivant avec une maestria, une ironie douloureuse, une lucidité sans faille ce récit sordide.
Elle s'est inspirée d'un fait divers tristement célèbre : l'assassinat non résolu d'une mini-miss JonBennet Ramsey. Des reportages, et même un téléfilm ont été consacrés à ce meurtre, montrant la manière dont les parents exploitaient leur fille, mais aussi insufflant l'idée que le frère aîné n'était pas étranger à sa mort. Un pédophile est passé aux aveux en 2006, mais les enquêteurs ont montré les incohérences de son témoignage. le dossier a été rouvert fin 2010. Voilà pour les faits "réels". Retournons maintenant au roman.
Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes dans la famille Rampike. le père a un excellent travail, qui lui a permis d'acheter une maison dans un quartier chic. Sa femme ne travaille pas, comme il se doit, elle se consacre à l'éducation de son fils, Skyler, le "petit homme" de maman, puis d'Edna Louise, sa fille, un bébé qui passe son temps à pleurer. Leur but ultime, déjà ? Paraître, à tout prix. Personne ne fait attention à madame Rampike, qui essaie d'initier son fils au patinage artistique. Elle peine à entrer en relation avec les familles en vue, celles qui habitent dans des quartiers encore plus chic que le sien. le drame survient. Non, je ne parle pas du meurtre - pas déjà - je parle de la chute qui laissera Skyler handicapé, à la suite d'un accident à l'entraînement de gymnastique. Skyler perd dès lors presque tout intérêt aux yeux de son père, qui n'en fera jamais le grand champion dont il rêvait. Par contre, il pourra intenter un procès à son entraîneur et d'obtenir une somme d'argent substantielle - première dénonciation du système judiciaire américain - et reporter la responsabilité sur lui, et non sur sa volonté de paraître - déjà.
L'image est ce qui compte plus que tout. Paraître, toujours. le jugement moral n'est pas écrit noir sur blanc, non, il est là, dans le ton employé par Skyler, dans ses remarques persiflantes. Bientôt, Edna Louise ne sera plus, elle sera Bliss, et tant pis si ce choix déplaît à madame Rampike mère dont elle porte le prénom, ce choix ne l'avait pas amadoué, pourquoi le conserver ? Bliss entre sur cette scène qu'est la patinoire, et tous les regards convergent vers cette enfant de quatre ans qui patine si bien. Cette enfant aura très vite les mêmes costumes qu'une patineuse adulte (les descriptions, précises, sont autant d'invites pour un certain public masculin), elle sera maquillée, non pour aguicher, non parce qu'elle n'est pas très jolie mais parce que c'est nécessaire, ses cheveux seront teints, bref, Edna Louise est complètement dépossédée de son identité première, afin de plaire, pas seulement au jury, mais surtout à ses propres parents, passés maître, surtout la mère, dans le chantage affectif et religieux.
Bigote, madame Rampike ? Sans doute, elle qui prie si souvent, et se reproche de ne pas avoir prié assez en cas de défaite. Elle s'est forgée une foi à son image, je l'imagine fort bien en championne de la casuistique, elle qui déforme chaque précepte pour l'utiliser à son avantage. le pire, bien sûr, est qu'elle n'en a aucunement conscience, tout comme son mari n'a aucunement conscience que sa culture n'est que de la cuistrerie, qui en serait presque risible n'étaient son attachement viscérale à ses principes, aussi déformés qu'un reflet dans un palais des glaces.
Risibles, oui, ils le seraient si la tragédie n'était au milieu du chemin. Ils le seraient par le décalage flagrant entre leurs paroles et leurs actes. Ils sont surtout abjects, et tout une industrie avec eux. Pas besoin de dénoncer, il suffit juste pour Skyler d'annoncer le nombre de maladies mentales qui lui ont été diagnostiquées, le nombre de médicaments que lui et sa soeur ont été contraints de prendre, pour soigner les sus-dites maladies ou pour augmenter les performances sportives, pour rendre plus dociles aussi. La moindre rébellion est aussitôt étiquetée et soignée, à la plus grande joie des industries pharmaceutiques. Il lui suffit aussi de révéler ce qui a été fait des images de sa soeur, et des batailles autour de ce "droit à l'image", chèrement remportée par la famille éplorée. Il suffit de montrer sa mère, devenue écrivain (!) afin de raconter la véritable histoire de sa fille puis de montrer comment elle avait surmonté sa douleur.
Pour jouer le jeu de la vérité, Joyce Carol Oates montre Skyler en train de s'interroger. Sur la justesse de ses souvenirs ou de sa reconstitution. Sur son droit à raconter tel ou tel fait. Etre multiple, le Skyler lecteur sourit presque du Skyler écrivain, encore sous le coup de ses névroses, tout comme celui-ci se détache du Skyler souffrant qui est pourtant le personnage de base de ce récit - lui et Bliss, indéfectiblement liés. Paradoxe ultime ou pirouette finale, Skyler choisit de ne pas révéler la vérité sur le meurtre de sa soeur, tout en le montrant à lire dans le récit. Skyler ne peut pas dire quelque chose qu'il n'a pas fait.
Tous les sujets peuvent être traités en littérature. Il faut juste avoir la puissante écriture de Joyce Carol Oates pour en tirer un ouvrage destabilisant, dérangeant, et parfaitement réussi.
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S'inspirant d'un fait divers réel, le meurtre jamais résolu de la petite Joanbenet Ramsay, JC Oates donne la parole au grand-frère (9 ans à l'époque), un temps suspecté d'avoir tué sa petite soeur.
Le roman prend la forme d'un manuscrit en cours de rédaction auquel s'est attelé Skyler, ce grand frère devenu adulte.
Longue logorrhée d'un esprit tantôt confus, tantôt extrêmement lucide, distillant le doute, rétablissant ses vérités (mais des vérités fluctuantes), « petite soeur mon amour » est un exercice brillant, car il explore les méandres de la pensée, nous promène en permanence au bord du précipice, nous bouscule à chaque instant. le tableau d'une classe moyenne américaine obsédée par la réussite sociale et la sauvegarde des apparences est saignant et cruel. La relation parents-enfants est disséquée, exposée dans toutes ses ambivalences.

Malgré tout, cette lecture me laisse un sentiment général désagréable.
Si je suis allée au bout, les deux cent dernières pages furent longues et douloureuses presque. Un voyage de ce type est compliqué à mener sur la durée…
Et puis surtout, il y a eu cette sensation étrange de ne pouvoir jamais me détacher tout à fait de l'idée que l'auteure se « servait » de personnes ayant réellement existé pour créer sa fiction, et souvent j'ai ressenti un profond malaise à l'idée d'un vrai « grand frère », ayant vécu ce drame, vivant toujours aujourd'hui, transformé en personnage et dans la bouche duquel on met des mots qu'il n'a pas dit.
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Dans la lignée traumatisante et sordide des assassinats d'enfants non-élucidés, l'Amérique s'est passionnée pour la ‘mini-Miss' JonBenet Ramsey, 6 ans, originaire du Colorado, dont le corps violenté a été découvert dans le sous-sol du domicile parental le jour de Noël 1996. Les photos « d'avant » disponibles sur internet montrent un ange blond aux cheveux bouclés, au regard pétillant et au sourire perlé, sous son diadème étincelant de petite reine de beauté. Presque 20 ans plus tard, malgré les aveux d'un pédophile, des tests ADN et les réouvertures d'enquête, aucun coupable n'a été identifié…

C'est cette affaire, étalée jusqu'au dégoût dans « l'enfer tabloïd », qui a inspiré à Joyce Carol Oates son roman Petite Soeur, mon amour, publié en 2008. Ici, la famille Ramsey devient la famille Rampike et JoanBenet devient Bliss, une fillette championne de patinage artistique à Fair Hills, une banlieue huppée du New Jersey. Betsey, la mère/manager de Bliss est une femme illuminée qui, après des essais infructueux avec son fils Skyler, reporte sur sa fille, prodige de la glace, son ancienne ambition de devenir patineuse. Elle n'hésite pas à maquiller Bliss et à l'affubler de tenues sexy pour séduire le public, et l'oblige à s'entraîner jusqu'à la douleur. « Notre fille est notre destinée » dit-elle. Bix, le père à la carrure de footballeur, est un cadre supérieur charismatique et volage, toujours en voyage d'affaires, craint par sa famille et assez peu présent auprès de ses enfants.

Joyce Carol Oates reconstitue le drame de l'intérieur, commençant par le jour du décès, puis remontant le temps pour montrer l'envers du décor, explorer le contexte familial et proposer sa version de l'énigme. le procédé, très ancré sur le vécu traumatique et la psychologie, dans un style « postmoderniste » , pourrait rappeler celui de Blonde, son époustouflante biographie romancée de Marylin Monroe. Mais il s'en écarte en raison de la transposition complète de l'histoire à de véritables personnages de roman, et par l'angle de narration.
En effet, ce roman sous-titré « L'histoire intime de Skyler Rampike » se veut écrit par Skyler, le frère estropié/mal-aimé/névrosé de Bliss, âgé de 9 ans à l'époque du drame, et maintenant ex-junkie de 19 ans abandonné de tous à cause des rumeurs de culpabilité qui pesèrent sur lui pendant un temps. Cependant, au lieu d'un témoignage à la première personne, Joyce Carol Oates a fait un choix plus compliqué qui est d'imaginer Skyler s'attelant à un manuscrit sur sa propre histoire et celle de Bliss.

Ce récit qui « se traîne si névrotiquement » m'a déroutée par sa longueur et son côté artificiel - je n'ai pas réussi à croire que le jeune Skyler puisse écrire un tel pavé qui porte l'empreinte de JC Oates à chaque page. Il y a tellement de digressions, de répétitions et de remarques du soi-disant auteur sur son manuscrit via de longues, très longues, notes de bas de page, que j'ai mis plusieurs mois pour venir à bout des 734 pages du format poche, en le lisant par intermittence. Il me semble que la moitié aurait suffi à préserver l'intensité du récit tout en servant le même but : élucider (fictivement) le crime et dénoncer les dérives de certains médias.

Il n'empêche que je sors bouleversée de cette pénible lecture, écoeurée par tant d'injustice. Mes pensées s'envolent vers JonBenet et les autres petites Bliss de ce monde, victimes d'adultes détraqués, et vers la souffrance qu'elles ont endurée au terme de leur si courte existence. Paix à leur âme.
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