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Critique de ASAI


J'écris la cinquantième critique de ce court roman (sur Babélio) et il est le sixième livre que je découvre d'Yoko Ogawa. Après avoir fini ma lecture, j'ai découvert aussi la vingtaine de critiques les plus récentes.
J'ai envie de défendre l'auteure, mais elle n'en a pas besoin car toutes et tous reconnaissent la qualité de son écriture, sa pudeur, sa clarté, sa limpidité, sa précision, sa finesse et la liste paraît ne pas s'arrêter. Et je partage totalement tous ces avis. Quelque soit le titre, Ogawa a un style inégalable et d'une beauté rare.
J'ai envie de défendre le livre. Il est d'abord un livre de la transgression. Il débute par cette scène à l'hôtel Iris où la prostituée fait un esclandre car elle refuse un "service" demandé par le client. On ne sait pas lequel mais cela est clairement posé. Quitte à choquer, je me suis posée la question de savoir qui transgresse qui ? Mari, l'héroîne, littéralement exploitée par sa mère, une mégère, frustrée, radine, desséchée, incapable d'amour envers sa fille, et qui serait bien capable de la prostituer (j'imagine, mais elle est tout à fait capable de la vendre...) rencontre une forme d'amour dans la transgression. Transgression de l'ordre social, transgression de son éducation, elle doit mentir, se cacher, inventer des stratagèmes, pour retrouver le traducteur, qui devient son amant, son mentor, son bourreau. Elle passe d'un bourreau, sa mère et son ordre social, à un autre bourreau, le traducteur, qui ne représente aucun ordre que lui-même et qui parait plus hors la loi que dedans. Mais, ce qui peut paraître dérangeant, ce bourreau là elle l'a choisi, elle a été attirée, aimantée. Elle accepte d'accéder à la jouissance, au plaisir extrême, en passant par un abandon de son corps, de son âme, absolu, total. Elle l'accepte. Et elle aime et elle en jouit (oui cela va choquer mais c'est ce qui est écrit, seule la dernière scène est en contrepoint). Et elle en ressort plus forte (avec quelle indifférence, elle aborde les interrogatoires à la fin).
Ogawa aborde donc la transgression dans la sexualité. Jamais elle ne porte un jugement. Mari ne juge pas son expérience.
Et puis, il y a la langue, l'outil d'échange. le traducteur est traducteur, donc une histoire de langues..., sa sexualité est très axée sur le lingus : la première séance sexuelle est édifiante à ce point de vue, la séance des chaussettes, il prive souvent Mari de ses mains, elle ne peut utiliser que sa bouche... et son neveu a été amputé de la langue, ce qui ne l'empêche pas de s'exprimer y compris sexuellement. Et à la fin, Mari tiendra sa langue puisqu'elle ne parlera pas aux enquêteurs.
Ce que nous dit là Yoko Ogawa est très très puissant.
Je ne peux même plus évoquer la vague de chaleur, les poissons, la métaphore de l'île...
Les livres de Yoko Ogawa sont pour moi comme les cages à écureuil dans les jardins d'enfants. Attirants par leurs titres, les couleurs, la couverture (toutes magnifiques, bravo l'éditeur), le premier chapitre avec le cadre et les personnages, tu te précipites et là... chute, sommet, perdition, circonvolution, retour en arrière, torsion, sauvetage de l'équilibre in extrêmis, ou re-torsion et donc soit chute, soit plénitude.
Lire Yoko Ogawa c'est être dans une cage à écureuils et atteindre le sommet sans se casser la figure.
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