AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de wombat


Qui se souciait de l'Estonie il y a encore 20 ans ? Confetti aux marges de l'Empire, occupée par les allemands pendant la guerre, vouée à une colonisation de peuplement, une lente russification, l'Estonie n'était évoquée dans les conversations qu'avec ses deux soeurs de la Baltique et l'on se demandait soudain de quel pays Tallinn pouvait bien être la capitale. Les plus savants parlait de finlandisation. La messe était dite. On avait abandonné ces peuples à leurs sort. Et d'ailleurs qu'aurions nous pu faire d'autre ?
C'est en cela que le succès phénoménal et indiscuté (indiscutable ?) de ce roman m'intrigue, au delà de ses qualités littéraires évidentes. Pourquoi ce soudain succès international ? On sait que les « romans du Nord » sont à la mode, mais cette raison suffit-elle ?
Je crois que ce roman est le lot de consolation que la littérature offre à tous les petits européens qui ont regardé passer l'Histoire dans une passivité contrainte et qui veulent en revivre les drames et les insolubles conflits, en connaissant la fin.

Car Purge est tout à la fois un roman paysan comme en ont écrit nos Maupassant, nos Zola avec leurs haines familiales et leur retombées sur les générations qui suivent. A ceci près : les circonstances politiques totalitaires faisaient qu'il suffisait de vouloir voir quelqu'un disparaître pour qu'il disparaisse en vrai. Un drame paysan au pays du Goulag.

Ce roman porte sur la possibilité de la rédemption quand l'histoire est dite jusqu'à la dernière goutte de sang. Et c'est en cela qu'il me gène : peut-on échapper à ses actes, aussi odieux soient-ils, quand on n'a sans doute pas voulu la conséquence qu'ils ont eu ? La génération actuelle peut-elle regarder celle de ses parents et de ses grands parents sans ressentir du mépris? Au-delà de son caractère éclaté, le roman à un fil conducteur unique : il tente reconstituer une histoire nationale qui puisse se raconter quand le choix, c'est la thèse du roman, était entre la collaboration avec les Nazis (le héros enfermé dans un réduit pendant des années) ou avec les Rouges. Thèse qui est sans doute soutenable.

Car Purge porte sur la violence de l'Histoire, celle qui ne laisse pas d'autres choix que des choix odieux. Et ce roman est, au delà de cette tentative de reconstitution d'un récit national acceptable, d'un grand pessimisme historique : Aux nervis bolcheviques, à l'omnipotence du parti russe en terre estonienne, succède les maquereaux allemands qui transforment en esclaves et en loques les filles qui ont cru aux sirène de l'Ouest.

Tout le roman converge vers cette assomption : la complicité possible entre la grand-tante et la petite nièce qui ont eu pour tort d'avoir voulu vivre alors que l'Histoire le leur interdisait. En dépit des apparences, ce livre est un conte de fée. Il doit nous consoler en nous laissant penser que nous, les lecteurs, sommes les acteurs de l'Histoire. Nous en connaissons les ficelles. Foutaise.
Commenter  J’apprécie          90



Ont apprécié cette critique (6)voir plus




{* *}