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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Avec Les Transparents, Ondjaki nous emmène à Luanda, capitale de l'Angola. On y rencontre les habitants d'un immeuble populaire ensorceleur, au premier étage duquel l'eau immaîtrisable jaillit en continu des canalisations, offrant une source refuge bienfaitrices aux habités, un labyrinthe semé d'embûches aux non-invités. le plus représentatif de ces habitants est Ondato que le système finit par rendre transparent au sens propre, notamment à force de ne pas pouvoir se nourrir correctement mais surtout comme une matérialisation magiquement symbolique du sens figuré ; son fils, pour qui il se sacrifie, finira pourtant de magouilles en mauvais plans par mal tourner, tandis que sa fille s'amourache d'un marchant de coquillages qui enjolive la vie de tous de différentes manières ; celui-ci prend sous son aile l'Aveugle, qui voit beaucoup mieux avec son coeur que d'autres avec leurs yeux. Devenus habitués de l'immeuble, ils fréquentent Edu et son énooooorme paquet, Joa et son cinéma porno en terrasse, un gamin orphelin de la guerre adopté par les habitants, ou encore Paulo, un journaliste. Celui-ci est préoccupé par les dernières annonces présidentielles selon lesquelles Luanda allait être transformée en gruyère pour extraire le pétrole qu'on y aurait décelé… Paulo sait en effet à quel point dans ce pays l'argent gouverne le bon sens et ferait faire n'importe quoi aux dirigeants. Interviewant des scientifiques de renoms appelés sur le projet, il verra la catastrophe arriver avant tout le monde mais personne ne l'écoute, car ici seuls ceux qui ont l'argent ont le pouvoir, les autres sont… transparents.


Dans ce joli conte africain, dont la mise en forme en paragraphes presque sans point ni majuscule nous fait renouer avec la tradition de la transmission orale, l'auteur nous fait toucher du doigt les problèmes du pays, les défauts structurels d'un pouvoir gangréné par la corruption, le népotisme, les abus de pouvoirs et j'en passe. Un gouvernement de l'opportunité immédiate qui peine à assurer la sécurité et la survie de citoyens qu'il ne considère plus, du haut de sa tour d'ivoire élitiste. le traducteur parvient à conserver les nuances de l'écrivain lusophone qui, de son côté, restitue à merveille le sens de la débrouille, de la négociation et de l'entourloupe nécessaires à la survie dans un pays qui se remet mal des guerres, des privations, et de la modernisation rapide qui l'a assailli. Si les puissants sont insupportables de suffisance, Ondjaki nous rend attachante sa population d'invisibles qui essuie les coups de leur incompétence, laquelle semble tous les mener droit à leur perte… le côté conte, parfois à la limite du magique, apporte un vent de légèreté sur une réalité plombante. Une satire réussie, aussi truculente que désespérante mais dont l'ironie mordante permet de ne pas sombrer.
Cette touche de magie, et la légèreté émanant notamment de ce papillonnement incessant d'un des nombreux personnages à l'autre, lui ôte peut-être un peu de réalisme de terrain ou d'approfondissement que j'affectionne habituellement dans mes lectures, et crée une sorte de décalage entre le lecteur, à qui l'auteur offre l'opportunité de sourire ou s'émerveiller de la situation, et les personnages qui ont certainement moins envie de rire - même s'ils font preuve d'une grande résilience, celle de l'habitude de prendre la vie comme elle vient par manque de choix. Et finalement, c'est certainement ce que cherche à nous faire ressentir l'auteur en le racontant ainsi. Aussi tout en souriant, j'ai bel et bien reconnu la nonchalance, la capacité d'adaptation des populations, l'aveuglement des puissants et les liens unissant la communauté… Pour une première approche ce fut donc malgré tout une lecture rassasiante, pleine de jolis moments et dont la structure semble vouloir s'imprimer dans la mémoire. Merci Bookycooky pour cet agréable conseil de lecture !
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"–dis-moi quelle est la couleur de ce feu…
l’Aveugle parlait la tête tournée vers la main du garçon qui le soutenait..."
première page,premier paragraphe du livre...oups,ai-je sauté une page??
eh non, Ondjaki dés les premières phrases, sans majuscules, ni points et une mise en
page déroutante, nous emporte dans le tourbillon de la vie des habitants d'un vieil immeuble
du centre de Luanda
un immeuble à sept étages, avec un énorme trou au rez-de-chaussée , un premier étage
envahi par une eau mystérieuse et fraîche, des habitants, hauts en couleurs, aux noms étranges, le MarchandDeCoquillages, MariaComForca, leCamaradeMuet, l'Aveugle, Odonato,le transparent....
un IMMEUBLE , métaphore d'un pays, l'Angola, tiraillé entre modernité et tradition ,en pleine
mutation, essayant de sortir des décombres de 14 ans de guerre d'indépendance contre le
Portugal et 25 années de guerre civile
personnages solidaires et débrouillards, aux histoires individuelles tragiques
politiciens,buzinesmen,policiers...violents et corrompus jusqu'à la moelle
quête du pétrole au profit d'une poignée de puissants et au détriment des pauvres.....
et la réponse du garçon à l'Aveugle ,"rouge tout doucement", magnifique
poésie et ironie pour qualifier ce très beau roman intéressant,différent,attachant


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L'eau, le feu. La première s'écoule, rafraîchissante et salvatrice, tout au long du récit, jaillissant inexplicablement d'une source invisible située au premier étage d'un immeuble délabré de Luanda, Angola. Le second ouvre et clôt ce même récit, de sorte qu'on pressent dès le début que celui-ci se terminera dans un feu d'artifice d'apocalypse.
Entre les deux (le début et la fin, l'eau et le feu), il y a le quotidien des habitants et des familiers de cet immeuble de sept étages du centre-ville, dans un quartier où l'électricité et l'eau sont aléatoires, ne serait-ce cette fuite intarissable du premier étage. Au détour d'un escalier aux marches branlantes (l'ascenseur est en panne, bien sûr), on y croise des hommes, des femmes, en couple ou célibataires, jeunes ou anciens, qui font bouillir leur marmite tant bien que mal, honnêtement à la sueur de leur front ou à coup de magouilles plus ou moins illégales. Des vendeuses de poisson grillé, un Facteur, un journaliste, un scientifique, un MarchandDeCoquillages, un Aveugle et un orphelin, une jeune fille et une GrandMère, un « entrepreneur culturel » qui lance sur le toit de l'immeuble un cinéma en plein air, ce qui ne manquera pas d'attiser la convoitise de deux « contrôleurs » très corruptibles, et même la curiosité d'une journaliste de la BBC. Tout ce petit monde, pour qui la solidarité n'est pas un vain mot, vivote dans ce quartier pauvre de Luanda, ville en pleine mutation, capitale d'un pays dévasté par 25 ans de guerre civile, et qui, après des années de marxisme à l'africaine, fonce tête baissée dans les tentacules de la pieuvre Capitalisme.
La découverte de pétrole dans le sous-sol de Luanda ouvre les appétits des dirigeants locaux, soudainement atteints de folie des grandeurs et de « dollarite » aiguë. La ville n'est désormais plus qu'un fouillis de chantiers encombrés d'excavatrices, de galeries et de tranchées creusées au mépris du sommeil des habitants et de la stabilité des immeubles des quartiers déshérités. Mais Luanda prépare sa vengeance...
Les habitants de l'immeuble de la Maianga observent ce cirque du libéralisme à tout crin et de la corruption à tous les étages avec un sentiment de fatalité et d'impuissance, plus rarement de révolte – le journaliste – ou de nostalgie – Odonato. Ce dernier, regrettant les temps pas si anciens où on manquait de tout sauf du bonheur d'être en famille au bord de l'océan ou entre amis autour d'un repas de fête, devient – littéralement – de plus en plus transparent et léger au fil du récit, finissant par s'envoler, à l'image d'un passé définitivement révolu, qui laisserait la place à un présent dans lequel les jeunes n'auraient d'autre avenir que des balles plus ou moins perdues dans leurs dos.

Ma chronique est la première de ce livre sur Babelio, et j'espère de tout coeur qu'elle donnera envie à d'autres de découvrir cette oeuvre et cet auteur.
Ce livre, teinté de réalisme magique, est une perle de cocasserie et d'émotions, de poésie et d'ironie, une source intarissable de tendresse envers ses personnages pauvres – les transparents (« nous ne sommes pas transparents parce que nous ne mangeons pas... nous sommes transparents parce que nous sommes pauvres. ») et un puits (de pétrole) de critique acerbe des politiciens et des autorités, corrompus à tous les échelons de la hiérarchie. Dans une langue imaginative (chapeau bas à la traductrice) et drôle, se jouant de la ponctuation, l'auteur dépeint l'Angola actuel, pays en transition, où les souvenirs de la guerre sont encore à fleur de mémoire.

Un tout grand merci à Masse Critique de Babelio et aux éditions Métailié pour cette épatante découverte !
Lien : http://www.voyagesaufildespa..
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Théâtre de la vie quotidienne des habitants de Luanda, la capitale de l'Angola, l'Immeuble qui hésite entre ruine, piscine et cinéma abrite quelques familles et personnages esseulés, qui forment un groupe des plus hétéroclites, soudé jusqu'à la mort. Chaque étage vit son lot de misère, de solitude, de maladie, de mort, de petites combines pour survivre, et l'on se déplace de l'un à l'autre comme une ombre indiscrète qui s'abreuve de cette désolation quotidienne où seuls l'amour, la solidarité, le courage et l'humour font barrière contre les ténèbres.

Plus que ça encore, le roman fait sortir tous les squelettes des placards et secoue les poussières du tapis de mensonges gouvernementaux, de ses fourberies, bassesses, actions inconscientes poussées par l'odeur de l'argent, du profit et du pouvoir. Les personnages politiques sont désespérants de stupidité, d'avidité et d'incompétence. Et que dire des contrôleurs, ces Dupont et Dupond Umpty-Dumpty-esques ? La ville - ancienne colonie portugaise, nouvellement indépendante - qui oscille entre taudis et exhibition des richesses, se voit bientôt trouée comme un gruyère sous prétexte de renouvellement d'un tas de choses, mais surtout pour en exploiter le pétrole souterrain.

Ondjaki écrit dans un langage presque oral, fluide, sans majuscules ni ponctuation ou presque, ce qui fait que son roman ressemble à un conte qui se transmet de générations en générations, lui-même agrémenté de petites légendes des anciens. On pourrait même dire qu'il nous fait voir les choses à travers les yeux d'un enfant, avec innocence mais sans naïveté, en augmentant les couleurs et les contrastes, et c'est peut-être même ça qui rend plus dure encore l'effroyable réalité, cruelle et sans pitié. L'ensemble est magnifiquement poétique tout en étant terrible et tragique, et pourtant, quelques sourires ça et là, beaucoup d'humour, d'ironie, de fragilité, de transparence. Avec un petit air - mais tout petit, comme un coquillage dans l'océan - de la vie devant soi, de Romain Gary.

Un livre émouvant, aux personnages incroyablement attachants, un appel à vivre coûte que coûte, à célébrer la famille, les amis, à garder la foi, à ne pas se laisser avoir par un système plus que corrompu qui préfère laisser couler son peuple et son pays pour une poignée de sable.

(voir la critique intégrale sur le blog)
Lien : http://lecombatoculaire.blog..
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