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Critique de Perchtoldsdorf




Que dire de ce pavé de 800 pages ?
Il faut, dans un premier temps, admettre qu'un non initié y découvrira un certain nombre de personnages et de faits intéressants parce que peu connus. Il apprendra par ex. que Celse dès le 2ème siècle a su critiquer le christianisme avec de solides arguments et que cette religion a eu recours à nombre de falsifications pour s'octroyer des droits et des biens matériels. Toutefois on regrettera que les éléments dignes d'intérêt perdent trop souvent leur pouvoir persuasif parce que noyés dans un fatras de détails et d'anecdotes qui n'ont rien à voir avec le sujet. En effet, les procédés d'accumulation systématique plagiant Rabelais n'apportent strictement rien sinon une lassitude qui se transforme vite en agacement. Quel intérêt y a-t-il par exemple à noircir des pages avec des noms de sectes chrétiennes, puis les suivantes avec les noms de leurs représentants, puis d'autres encore avec le détail de toutes leurs dérives hérétiques ? Ce procédé de style peut être amusant une fois pour l'exemple mais quand ça se répète chapitre après chapitre ça devient pathologique. Les lecteurs ne sont pas tous des ilotes et ils auront vite fait d'interpréter cela comme de l'esbroufe de la part d'un vulgaire pédant. Onfray semble avoir oublié que "...ce qui se conçoit bien s'énonce clairement..." et de préférence avec concision, surtout si l'on prétend faire de la vulgarisation. Ce qui est risible, quoique navrant, c'est que Onfray reproche, à un auteur qu'il cite, sa tendance à la logorrhée; comme quoi on ne se voit jamais comme on est.
On peut donc en déduire que 200 pages auraient amplement suffi à Onfray pour transmettre son message, mais sans doute fallait-il noircir coûte que coûte les 600 pages inutiles. Onfray aurait-il des actions dans l'industrie du papier ?
Sérieusement, si un élève nous avait remis ce genre de copie il aurait eu droit à un grand trait rouge en diagonale avec la remarque : "largement hors sujet". Car quoi, ôtez nous d'un doute, le titre du livre est bien DÉCADENCE non ? Or il se trouve que cette problématique ne commence à être abordée que dans les tous derniers chapitres dont le dernier s'égare dans des billevesées de films de science-fiction. À la décharge de notre philosophe nous dirons qu'au bout de tant de pages il est normal qu'on finisse par avoir le timbre un peu fêlé ! ( p.645 l.31 il écrit carrément le contraire de ce qu'il voulait démontrer) Nous confirmons aussi ce qu'a remarqué un autre lecteur : plus on s'achemine vers la fin plus on remarque des fautes de style, de syntaxe et même d'orthographe. Certes les répétitions fastidieuses (parfois de paragraphes entiers) ont dû lui faciliter la tâche mais tout de même quelle regrettable endurance...
Au fait...appâter son lecteur avec un titre d'actualité pour lui asséner ensuite, contre son gré et par le menu, des descriptions de sabbats de sorcières, de procès d'animaux, d'anachorètes fous etc. ça s'appelle comment sinon de l'escroquerie ? Plus les chapitres défilent en nous laissant sur notre faim plus on a envie de hurler : "passons enfin au déluge" !
Non, ce que le lecteur attendait du philosophe-historien c'était une étude chronologique et minutieuse de tous les facteurs qui ont conduit notre civilisation européenne à la phase de décadence que nous subissons actuellement. Mais que fait Onfray ? enfourchant son cheval de bataille de prédilection il pourfend au gré des chapitres, avec un acharnement sénile, le judéo-christianisme triomphant, ce qui ne l'empêche pas, au passage, de fustiger le ressentiment et ce qu'il appelle les "passions tristes", preuve supplémentaire qu'il ne voit pas (ou refuse de voir) qu'il est lui même infesté de ce qu'il reproche aux autres. Sans doute existe-il, selon lui, les bons (les siens)et les mauvais ressentiments (tous les autres). Bon, il a parfaitement le droit de souhaiter le retour aux valeurs du christianisme primitif c.a.d. soumission, refus des biens matériels etc. mais dans ce cas qu'il donne l'exemple. Qu'il vide son compte en banque au profit des gilets jaunes et qu'il aille s'exiler au Bangladesh par ex. afin de répandre sa bonne parole.
Onfray avec des cris d'orfraie (l'assonance n'est pas le fruit du hasard) dénonce donc tous les abus qui ont permis à la civilisation occidentale de s'imposer aux dépens des autres, ce qui n'empêche pas, soit dit en passant, notre philosophe de profiter de tous ses avantages avec la plus parfaite hypocrisie. Dans cet effort il semble oublier (conséquence possible de ses AVC) que cette situation enviable n'est pas tombée du ciel mais qu'elle n'aurait jamais pu se réaliser sans les sacrifices et le sang versé des générations précédentes. Il oublie aussi par la même occasion que la nature impose au vivant une seule alternative : manger l'autre ou se laisser dévorer. Qu'il nous pardonne si nous avons la faiblesse de préférer la première solution ! En allant à l'encontre de cette loi il se joint aux fossoyeurs de notre société qui guettent le moment où il pourront se repaître de nos oripeaux.
Nous reprocherons aussi à notre philosophe l'ambiguïté de ses propos. Dans le chapitre consacré à l'art dégénéré, par exemple, il se garde bien d'utiliser le moindre terme péjoratif afin de ne pas passer pour ringard, ou pire, pour réactionnaire. Pas étonnant de la part d'un individu se réclamant d'une gauche sociale et pacifiste et prônant une "anarchie positive". On redoute ce qui peut bien se cacher sous le vêtement précautionneux de cette rhétorique. de même, il s'abstient de critiquer trop sévèrement l'Islam radical. le cas Rushdie l'effraie et Onfray ne voudrait pas en faire les frais. (Les assonances sont voulues et assumées)
Mais tout ceci n'est rien, ce pseudo moraliste se permet en plus de nous asséner, avec une partialité suspecte, des contre-vérités dont la fausseté à été maintes fois démystifiée. Il laisse entendre (p.587) que les bolcheviks seraient en 1918 les inventeurs des camps de concentration. Eh bien non, ce ne sont pas non plus les nazis mais les Anglais qui, en 1901, ont éradiqué par la faim et la maltraitance, rien que dans le camp de Bloemfontain, environ 2000 Boers, vieillards, femmes et enfants, dans ce qu'on peut considérer comme les premiers camps d'extermination à haut rendement. le nombre d'autochtones décimés dans des conditions analogues est évidemment difficile à évaluer car ils n'étaient pas comptabilisés comme des humains à part entière. Il serait donc temps de dénoncer le fait que les premiers clichés de "semi-cadavres décharnés" ne parviennent ni des "goulags", ni des "Konzentrationslager" mais bien d'une colonie anglaise d'Afrique du Sud.
Page 638 il récidive. En réponse à ceux qui dénoncent les «crimes de guerre des alliés» commis à la fin de la dernière guerre, il écrit : "j'ignorais que dans les pays alliés il y eût des chambres à gaz" et, comme notre homme n'en est pas à une contradiction près, il qualifie p.808 Hiroshima et Nagasaki de "crime de masse sciemment perpétré". Sur sa lancée et dans cet esprit, il aurait également pu citer Dresde, autre abomination dont Churchill (qui pourtant n'était pas un tendre) a refusé d'assumer la responsabilité. Sans oublier - sujet encore tabou- le total anéantissement du Havre par les mêmes acteurs. Rappelons que nos "libérateurs" avaient refusé que la population soit évacuée. Bilan certainement sous estimé : 2000 civils français de tous âges carbonisés par les bombes à phosphore. Les victimes auraient-elles préféré être rôties plutôt que d'inhaler le gaz des nazis ?...permettez nous d'en douter. Les Havrais attendent encore à ce jour des excuses qui ne viendront jamais car, nous Français, étions considérés comme des lâches, sinon comme des collaborateurs. Ceci pour dire qu'il est à la fois cynique et indécent de prétendre qu'il existe des variables quand il s'agit d'horreur absolue.
Avant de prétendre que les"wasps" menaient une guerre propre, Onfray aurait peut-être aussi dû s'intéresser aux documents déclassifiés de la CIA, notamment au programme MK-Ultra qui poursuivait, sur des milliers d'Américains internés dans des asiles et des prisons ainsi qu'au Nicaragua, les expériences inhumaines entamées à Auschwitz-Birkenau et ailleurs. Pour ce faire les USA avaient exfiltré (sans le moindre état d'âme et en violation éhontée du code de Nuremberg) des centaines de criminels de guerre au moyen de l'opération "Paperclip". MK-Ultra était dirigé (ce qui est un comble) par le juif Sidney Gottlieb surnommé "le sorcier de la boutique des horreurs ", lequel avait en plus fait appel au psychiatre Ewen Cameron réputé pervers et sans scrupules. Il aura fallu attendre 1995 pour que les USA, en la personne de Bill Clinton, prononcent enfin des excuses publiques et indemnisent les survivants, mais les tortionnaires ne seront pas inquiétés. Enfin est-il nécessaire de rappeler, après le génocide total des Amérindiens, les crimes contre l'humanité perpétrés en toute impunité au Japon, en Corée, au Vietnam, en Irak etc. ?
En se ralliant opportunément à la doxa des vainqueurs et à leur "prêt à penser" politiquement correct, puis, en injectant tout et son contraire dans sa prose, (procédé qu'il reproche pourtant aux religions du livre) Onfray parvient à égarer les censeurs et s'assurer, par ce biais, les invitations des médias qui lui garantissent le meilleur volume de vente de ses livres. de même le lecteur attentif aura pu remarquer que ce sermonneur distille dans chaque chapitre, un petit couplet sur le sort funeste réservé aux juifs au cours des siècles, sans toutefois (ce qui pourtant devrait être un réflexe déontologique ) se risquer à proposer des hypothèses quant à cette détestation quasi universelle remontant à l'antiquité. Nous n'affirmerons pas qu'il avait intérêt à caresser dans le sens du poil ceux qui contrôlent largement les médias, mais nous avouerons que l'idée nous avait effleurés...
Lorsque Onfray aborde enfin la problématique annoncée en couverture, il endosse sans complexe le rôle de Cassandre (le physique en moins). En bon défaitiste, il se prend à vaticiner avec une sorte de jubilation morbide énumérant tous les malheurs qui vont s'abattre sur l'Europe. En effet il ne nous suggère nullement de lutter contre notre décadence, bien au contraire, il s'y complaît, nous dirons même qu'il s'y vautre, sinon comment interpréter autrement la dernière phrase de la p.757 : "Le bateau coule, il nous reste à sombrer avec élégance". Sans doute que pour Onfray "élégance" est synonyme de lâcheté extrême. Pourtant il écrit p.241 et 670 qu'une civilisation ne se crée et se maintient que par le glaive, mais nous avons déjà vu qu'il n'en est pas à une contradiction près.
le régime de Vichy lui aussi s'est soumis avec les conséquences que nous savons. Au risque de choquer les mous, les indécis, bref tout le peuple des esclaves-nés, nous affirmons que nous préfèrerions de loin une nouvelle St Barthélemy, car pour un homme digne de ce nom la mort est de loin préférable à l'infamie de la soumission.
NON, la déchéance actuelle de l'Europe n'est nullement le résultat d'un quelconque déterminisme implacable et inéluctable mais bien la conséquence de la rivalité aveugle, stupide et criminelle des états dominants qui a abouti au suicide collectif de nos sociétés au moyen de 2 guerres mondiales fratricides . Non contentes de nous avoir saignés à blanc, ces calamités nous font douter maintenant jusqu'à notre droit à l'existence suite à l'émergence d'une politique d'auto-flagellation destinée à culpabiliser collectivement les consciences. Pour nous convaincre de l'imminence de l'apocalypse censée nous exclure de l'histoire en marche, Onfray prend pour exemple l'effondrement de diverses civilisations, phénomènes qui seraient, selon lui, une loi naturelle à laquelle on ne saurait se soustraire. C'est archi-faux ! car il existe au moins un contre-exemple on ne peut plus édifiant : celui d'un peuple, qui bien que dispersé aux 4 coins du mode, a su préserver pendant plus de 2 millénaires sa culture, ses croyances, son mode de vie, tout en résistant énergiquement au métissage. Certes, cette intransigeance farouche lui a valu bien des déboires, mais il est à l'heure actuelle plus fort et vivace que jamais. Alors, pourquoi ne suivrions nous pas cet exemple ?
A.M.
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