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Critique de lebelier


Dans cet ouvrage, Michel Onfray met à plat sa pensée philosophique en une série de petits essais en trois grands points, eux-mêmes divisés en trois paragraphes. On ne peut pas plus cartésien, plus français dans son approche, dans sa façon de présenter les choses.
Après avoir parlé de ses années difficiles en pension dans « Autoportrait à l'enfant » qui lui sert de préface car il ne dissocie jamais la biographie d'un philosophe, ce qui et ceux qui l'ont fait de ses idées et de ses choix d'existence. Il se lance alors dans plusieurs points de vue :
Un point de vue philosophique d'abord, où il démonte la vision platonicienne du monde, proche de la pensée chrétienne imposée par l'apôtre Paul, selon lui instigateur et presque « metteur en scène » de tout le christianisme le monde est soumis à des règles acceptées, des traditions telles qu'on ne les a rarement remises en cause Il annonce une contre-histoire de la philosophie en faisant resurgir les philosophes oubliés ou volontairement mis de côté Parmi eux Diogène ou Démocrite, souvent réduits à la caricature ou à portion congrue et qui proposent un autre système de valeurs proche d'Epicure.
D'un point de vue éthique, Onfray propose une vision hédoniste de la vie, une recherche positive du plaisir loin de l'égotisme philosophique puisqu'il implique une relation pacifiée avec l'autre et un évitement du « délinquant relationnel », une fois l'homme post-chrétien débarrassé de Dieu dans une « règle du jeu immanente », nouvelle éthique alternative:

« La morale n'est donc pas une affaire théologique entre les hommes et Dieu, mais une histoire immanente qui concerne les hommes entre eux, sans nul autre témoin. L'intersubjectivité mobilise des représentations mentales, donc neuronales : autrui n'est pas un visage – pardon aux lévinassiens -, mais un ensemble de signaux actifs dans un appareil neuronal. Si le réseau câblé n'a pas été fabriqué en amont – par les parents, les éducateurs, les enseignants, la famille, le milieu, l'époque …,-aucune morale ne sera possible. »

Il est nécessaire d'appuyer sur le fait – et c'est un besoin plus qu'urgent par les temps qui courent – que l'on peut avoir une morale sans Dieu, qu'il existe une éthique de l'athée et surtout que la religion quelle qu'elle soit n'est en rien détentrice d'une morale, contrairement à ce qu'a imposé Paul. Ou d'autres.
le philosophe propose ensuite dans « un érotisme libertaire » pendant d' « une érotique solaire » une vision du monde entre l'homme et la femme libres dans leurs corps et dans leurs sentiments amoureux où un pacte a été établi dès le départ. Pour ce faire, il prône aussi la fin du machisme et une véritable égalité homme / femme :

« Quand la littérature produira l'équivalent d'un Casanova femme, d'un Don Juan femelle, et que ce nom propre deviendra un substantif valorisant pour l'individu qualifié, alors on pourra parler d'une réelle égalité. »

On passe ensuite par un constat sur l'art: les artistes du XXème siècle ont souvent produit des oeuvres, miroirs de la société marchande et par lesquels, ils passaient leurs névroses et cela a donné des boîtes de conserve warholiennes, pendant cynique de la publicité où les expositions ressemblent presque à des supermarchés. Cela part d'un principe nihiliste qui rejoint plus ou moins le platonisme et instaure une « religion » de l'art. de là, Onfray oppose :

« A cette négativité affirmons la positivité d'une grande santé rieuse qui table sur la transmission des codes et l'agir communicationnel. »

Après avoir frôlé le « rien » ou presque, l'art est en train – et ce, depuis la fin du XXème siècle- de reprendre des couleurs :

« le mouvement vers le Néant était fautif ; celui qui nous en éloigne en réactivant les vieilles valeurs aussi. Ni le zen ni le kitsch. Quoi donc? le goût du réel et de la matière du monde, l'envie d'immanence et d'ici-bas, la passion pour la texture des choses, le velouté des matériaux, la carnation des substances. »

Michel Onfray continue son ouvrage en ouvrant les voies de la bioéthique qu'il estime un progrès qui doit être réglementé par les seules personnes qui possèdent leur propre corps, là encore on a affaire à un libertaire tout comme les considérations politiques où il définit ce qu'est pour lui un «nietzschéisme de gauche » comme l'indique son titre et où il oppose misère propre (à l'autre bout du monde) et misère sale (devant sa porte) :

« le déni de la misère sale produit un retour du refoulé nihiliste. »
Et ledit « refoulé nihiliste » peut devenir électeur du FN par exemple.

On retrouve beaucoup – je suis en train de les écouter en podcast- les idées que l'auteur développe dans son « université populaire de Caen. » La philosophie paraît en tout cas accessible et compréhensible malgré une certaine complexité dans la pensée, Michel Onfray sait être clair, le livre se lit presque d'une traite sans arrêts pour réfléchir- on pourrait peut-être dire « digérer » dans ce cas - et sans aspirine nécessaire aux livres de philosophie habituels et essaie de proposer des alternatives aux courants officiels.
Disons qu'il a su rendre la philosophie populaire. Et c'est déjà ça.
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