Depuis trois semaines, il y avait tellement de distance, tellement de manque que ce qui l’emportait parfois, c’était des désirs simples. S’endormir à ses côtés, deviner dans quelles positions elle mettrait son corps, où elle placerait ses mains, quel type de mouvement elle ferait pendant la nuit. Se réveiller avec la sensation de son corps chaud près du sien. Deviner si elle serait matinale ou plutôt grasse mat. Et puis, bien sûr, il rêvait de tous ces trucs qu’ils feraient ensemble entre le coucher et le lever du soleil. Parce que s’il y avait bien quelque chose qui ne laissait aucun doute, c’était leur compatibilité sexuelle. Le potentiel érotique de leur couple, n’était pas une question : c’était une affirmation. Et c’était par cela qu’ils avaient même commencé. Et qu’ils voulaient retrouver.
"Elle s'était toujours sentie comme une souris. Une toute petite souris au milieu d'un monde de gros chats. Et le seul moyen selon elle de survivre dans cet environnement dangereux était de se faire passer pour un chat. Même si c'était dur, épuisant et parfaitement contre nature de prétendre être un félin quand on es un souris. Et elle avait joué cette comédie longtemps et longtemps et longtemps jusqu'au jour où elle n'en avait plus été capable du tout et avait voulu que tout s'arrête."
Et sans la regarder tout de suite, sans même arrêter la conversation qui l'absorbait, il fit glisser sa main sous la table et se saisit de cette main qu'elle avait posée sur sa cuisse. Non pas pour la repousser. Non pas pour la punir. Non. Il la caressa doucement. Capable d'une tendresse dans le bout de ses doigts qui réveilla chaque centimètre de la peau de Julia.
Quand Julia avait rompu, Lenny avait d'abord été soufflé par le manque et il avait détesté Julia. Il l'avait détestée pour tout l'amour dont elle le privait, en une seule fois, en un seul message, en quelques mots. Il l'avait détestée pour tous les échanges avortés. Pour tout ce plein d'elle et tout ce vide qu'il allait devoir supporter. Il l'avait détestée pour cette rupture dont elle devait prendre l'initiative mais qu'elle lui avait jetée à la figure. Mais il s'était vite rendu compte que la détester était encore une autre façon de l'aimer. De manière indiscutable et inconditionnelle.
- Combien de temps tu crois que ça prend?
- Quoi?
- Ne plus aimer.
[...]
- Il y a des gens qui n'y arrivent jamais. Il y a des gens qu'on ne parvient jamais à oublier.
- Mais ça doit faire moins mal à un moment, non?
- Peut-être. Mais est-ce que la douleur est le vrai baromètre? L'être aimé claque des doigts et le feu reprend en une seconde. Dix ans, vingt ans, cinquante ans après. Ca ne change rien.
Et Julia sut qu'il disait vrai.
L’amour plus fort que tout
Et bien sûr, il attendit, les yeux fixés sur l'écran, terrifié de ne rien voir revenir vers lui, les secondes semblables à des années. Une éternité.
Lenny?
Oui?
Tu m'as manqué.
Peut-être que c'était ça. C'était l'amour quand il n'y a plus de peur, plus de gêne. Plus d'angoisse de ce que l'autre ressent. Parce que les mots et les gestes ont parlé ensemble, et que le corps se libère comme des papillons qui s'envolent.