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Critique de Tel_Gael_Libertin


"DES MESSAGES PORTÉS PAR LES NUAGES"
VERSION AUDIO (LIZZIE)


Avertissement : toutes les citations insérées dans cette chronique ont été retranscrites à partir d'un document sonore. Par avance, je présente mes excuses à la communauté babelIO pour les potentielles erreurs de ponctuation qui s'y seraient glissées.


En ce début de mois de juillet, j'ai reçu des messages portés par les nuages. Quel bonheur et quelle chance qu'ils soient bien parvenus à leur heureuse destinataire quand on sait que je vis dans ces contrées où l'azur ne s'encombre que rarement de grisaille. Merci, donc, à babelIO et à LIZZIE, d'avoir soufflé cette brise littéraire vers moi dans le cadre de la Masse Critique de juin 2021.

En entendant les premières notes qui ouvrent la magnifique préface de Jean-Luc Barré, je ne savais absolument pas dans quelle expérience littéraire je m'étais aventurée. « Messages portés par les nuages. Lettres à des amis. », quel titre aérien, n'est-ce pas ? C'est bien lui qui m'a d'abord émue. Et puis, j'aime les correspondances. Je connais – quoique pas assez à mon goût – la plume de Jean d'Ormesson. Mais écrit-on à ses amis comme on compose une oeuvre ? Je n'en suis pas certaine. Établir une édition audio de cette collection épistolaire est une idée brillante : c'est toute l'oralité que contient une lettre écrite qui se déploie et s'exalte sous les intonations magistrales de l'excellent Christian Gonon. Prêtant sa voix à Jean d'Ormesson, il instaure une connivence toute singulière entre l'auditeur et le grand homme de Lettres. Seul un petit détail vient entacher ce splendide tableau sonore : l'auditeur ne peut saisir les morceaux cités par d'autres auteurs puisque les guillemets ne s'entendent pas. Une légère confusion peut ainsi s'installer entre les commentaires de l'éditeur, les propos de Jean d'Ormesson et ceux que ce dernier cite dans ses lettres.


*RENCONTRES ÉPISTOLAIRES*
Les extraits choisis nous dressent, non pas un, mais plusieurs portraits épistolaires. Si le plus fin de tous reste bien sûr celui de Jean d'Ormesson croqué à petites touches, ceux des destinataires de ses lettres sont agréablement esquissés. Non que nous ayons accès aux écrits d'un Jacques Chirac, d'un Jean Cabanis ou encore d'un Roger Caillois. Toutefois, aux côtés de l'académicien, nous pénétrons dans les grands cercles intellectuels de l'époque. Toute la force de ce recueil de lettres réside ici-même : seules celles écrites par Jean d'Ormesson sont contenues dans cette oeuvre et c'est donc de sa plume oralisée que s'esquissent les portraits de ses amis et fréquentations.


*ORGUEIL ET MALICE*
J'ai découvert dans cet ouvrage, un homme éperdument amoureux de la Vie et de ses prodigalités et pour qui « vieillir est encore le seul moyen de ne pas mourir ». J'ai me suis repue avec lui du sel et du miel de l'existence : la mer, le cosmos, les douceurs culinaires, la littérature, l'amitié. Et surtout, je ne m'attendais pas à tant d'humour de la part de ce grand académicien. J'ai admiré ses traits d'esprit souvent cyniques et j'ai ri avec une jubilation enfantine à ses tournures espiègles. La chute de ses lettres d'anniversaire en est un parfait exemple :

« Ne t'en fais pas trop : un anniversaire, c'est du gâteau ».

Des heures durant, j'ai écouté un homme sûr de son talent, présomptueux sans outrecuidance et bourré d'un orgueil qui lui sied à merveille et dont il sait aussi se moquer avec malice.


*AU COEUR DES MÉCANIQUES INSTITUTIONNELLES*
Politicien, d'Ormesson l'est à sa manière. Je l'ai d'abord vaguement regretté. Remerciements, flatteries et éloges démesurés fusaient dans ses épîtres comme tant de leitmotive de convenance. Cela ne m'a point étonnée. Toutefois, au fil de l'écoute, le portrait s'est affiné et j'ai compris. Ce qui n'apparaît que comme du miel doux et indolore protège paradoxalement l'intégrité de Jean d'Ormesson. Ce sont ces mots caressants qui lui ont permis de diriger l'un des plus grands quotidiens de France en respectant ses convictions propres ; ce sont aussi par ces mots qu'il s'érige conseiller de grands politiques et qu'il est capable de soutenir ses disciples. Un grand diplomate : voilà ce qui caractérise le mieux ce maître de la langue française qu'il manie à sa convenance pour se frayer, avec brio, un chemin bien à lui, à la croisée des sphères politique, journalistique, éditoriale et académique.


*CONSEILS À UN JEUNE ÉCRIVAIN*
J'ai gardé le meilleur pour la fin. Les lettres à Philippe Delerm, alors jeune auteur en devenir, m'ont énormément touchée. Jean d'Ormesson l'a soutenu, guidé, conseillé. Il a cru en lui avec force et, plus important encore, il l'a enjoint de garder confiance. Ses recommandations sont empreintes de sollicitude, d'encouragements et d'une incroyable humilité.

« Vous m'avez écrit une lettre que je n'oublierai pas et qui suffit à justifier l'existence d'apprentis écrivains. Et si je mérite une lettre comme la vôtre, je n'ai pas tout à fait perdu mon temps. »

Au jeune écrivain qui fournit un travail acharné deux heures par jour avant d'aller au travail, l'auteur chevronné donne ce conseil qui résonne encore en moi au moment où j'écris ces lignes :


"Je voudrais à la fois vous empêcher d'être découragé et d'être déçu. Il ne faut pas que votre amour de la littérature vous rende malheureux. Vous avez une vie heureuse. Ne laissez pas une hantise l'empoisonner. »


Merci Jean d'Ormesson, je m'en souviendrai.


*Masse Critique Non-Fiction de juin 2021*
Tous mes remerciements à babelIO ET LIZZIE !
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