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Critique de Feuillesdejoie


Comme dans de nombreux textes concernant le Tibet et la Mongolie et écrits entre 1880 et 1955, la véracité des faits et informations fournies dans « Hommes, Bêtes et Dieux » du polonais Ferdynand Ossendowski (1876-1945) est à considérer avec la plus extrême réserve. Partant du principe que tout l'art du menteur (et du romancier) et de mentir au plus près des faits véritable, Ossendowski n'en délivre pas moins un livre pour le moins palpitant, du strict point de vue romanesque s'entend.

Ossendowski possède pourtant dans son curriculum vitae assez de références véritables pour troubler le lecteur moyen, ce qu'il ne se prive pas de faire. N'est-il pas un scientifique authentique, ayant même usé ses fonds de culotte sur les bancs de la Sorbonne ? N'a-t-il pas été lié, plusieurs fois, aux milieux révolutionnaires russes ? Ou n'a-t-il pas pris parti, en définitif, pour la coalition de russes blancs qui a lutté dramatiquement contre les révolutionnaires bolcheviques ? Aventureuse, la vie d'Ossendowski l'a été, sans nul doute doute possible, mais pas dans les termes proposés par son récit. Pour s'en convaincre on consultera les éléments biographique de l'amiral Alexandre Koltchak, remarquable officier de marine russe, au gouvernement duquel Ossendowski fut un temps associé. La guerre entre bolcheviques purs et durs et leurs opposants, à la fois socialistes, militaires tsaristes, cosaques en mal de conquêtes ou sympathisants capitalistes, a été, comme toute guerre civile, d'une complexité bien réelle et soumise à des rebondissements spectaculaires de toutes sortes.

Même si Ossendowski pratique son propre « montage romanesque » des événements, il en restitue souvent assez bien l'extrême confusion qui préside à la plupart de ceux-ci et l'extrême violence qui les caractérise presque tous. Il est probable que certains épisodes historiques décrits dans le livre soit assez conformes, en terme d'ambiance, à ce qui fut réellement vécu par l'auteur ou par les autres combattant de la guerre civile. L'ensemble des détails historiques sera malgré tout à recevoir avec réserve. Ces derniers semblent avoir été étudiés plus en détail par certains auteurs (on cite souvent le livre de Louis de Maistre « Dans les coulisses de l'Agartha, l'extraordinaire mission de Ferdinand Anton Ossendowski en Mongolie" paru chez Arché (Milano) en 2010, que je n'ai pas eu l'occasion de consulter) qui tendent à démontrer la fausseté pure et simple d'un grand nombre des épisodes évoqués dans l'ouvrage.

Car outre la guerre civile, Ossendowski évoque également la vie religieuse et spirituelle des peuples de Mongolie et de l'Himalaya, et ses nombreuses rencontres avec leurs principaux responsables charismatiques. Ossendowski accrédite la thèse de l'existence, « quelque part », du fameux et fantasmatique royaume souterrain de l'Agartha, sur lequel régnerait le non moins fantasmagorique « Roi du Monde ». En ce domaine comme dans les autres, il semblerait qu'Ossendowski se soit largement inspiré d'autres auteurs ayant évoqué ce royaume merveilleux, tel l'écrivain chrétien Alexandre Saint-Yves d'Alveidre. Cela sera à vérifier.

Ce que y vrai toutefois et que l'on mesure grâce à ce livre ce que furent les rêves d'une génération qui assistait, impuissante, à l'une des grandes dislocation historiques des forces chrétiennes d'Occident (la Révolution russe) et qui semblait, à court terme, en annoncer beaucoup d'autres. Il est probable qu'à la fois, pragmatiquement, ce livre discrédite aux yeux de l'Occident, la poussée matérialiste des bolcheviques, et que, par ailleurs, ce dernier projette sur un Orient de pacotille, le rêve d'un renouvellement spirituelle de l'humanité. Ce dernier mouvement est, du reste, toujours sensible aujourd'hui et on le constatera par exemple dans la grande réussite du Bouddhisme sous nos latitudes.

«  Hommes, bêtes et dieu » rejoint donc une série de livres sur l'Orient pour le moins discutables, en terme de vérités historique d'une part, à la façon du fameux livre de Slavomir Rawitz « A marche forcé » qui évoque une évasion spectaculaire d'un goulag sibérien à travers désert de Gobi et l'Himalaya inventée de toutes pièces, et sur le plan spirituel d'autre part, tel l'ouvrage de Baird T. Spalding «  La vie des maîtres » ou la série d'évocations himalayennes de Lobsang Rampa (de son vrai nom Henry Cyril Hoskin) dont on sait aujourd'hui qu'elles n'ont été que de pures fictions pour le moins délirantes.

Alors pourquoi continuer à lire « Hommes, bêtes et Dieux » et ses avatars ? Probablement parce qu'ils constituent des exercices littéraires réussis dont la cohérence est moins à rechercher dans la véracité des faits qu'ils exploitent, que dans la parfaite adaptation de ces derniers avec l'imaginaire d'une période donnée. L'analyse de ces données, dans la mesure où elles nous fascinent encore aujourd'hui, demeurent parfaitement d'actualité.
Lien : http://feuilles.de.joie@gmai..
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